SERMONS DU PASTEUR C.H.SPURGEON

 

 

 

·       Conversion ou perdition.

 

·       La nouvelle naissance.

 

·       Un sermon pour tout le monde.

 

·       Tels maîtres, tels disciples

 

·        Le premier et grand commandement.

 

·       Tu aimeras ton prochain.

 

·       Ce que l'on doit haïr.

 

·       On ne se joue point de Christ.

 

·       L'admirable!  

 

 

 

 

PREFACE

 

 

C.H.SPURGEON a été, sans contredit, l'une des grandes personnalités religieuses du XIX me siècle. Il est impossible de ne pas admirer la richesse intellectuelle et spirituelle d'un homme à qui, pendant tant d'années, il a été donné de retenir, de captiver, d'édifier l'imposant auditoire qui se groupait autour de lui.

Il avait le sentiment profond qu'il faut chercher dans l'Evangile, et pas ailleurs, l'ultime réponse aux questions qui aujourd'hui nous obsèdent.

 

 

 

 

CONVERSION OU PERDITION

 

S'il ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée; il a tendu son arc et il le tient prêt (Ps. 7, 13).

 

Si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée. Il est donc vrai: Dieu a une épée, et il punira l'homme à cause de ses transgressions. En vain celte génération incrédule et perverse voudrait enlever au Très-Haut le glaive de sa justice; en vain cherche-t-elle à se persuader que l'Eternel tiendra le coupable pour innocent, et qu'il ne tirera aucune ven­geance de l'iniquité, du crime et du péché : la déclaration de mon texte est aussi nette qu'immuable: Dieu aiguisera son épée. II y a deux siècles, le ton habituel de la prédication était celui de la menace; nouveau Sinaï, la chaire chrétienne retentissait incessamment des foudres de la colère divine, et des lèvres inspirées d'un Baxter ou d'un Bunyan tombaient de ces brûlants appels qui électrisaient le pécheur, et déroulaient devant sa conscience alarmée les terreurs du jugement à venir, II est possible que ces austères et vénérés puritains, emportés par leur fidélité, ont accordé aux frayeurs de la loi une trop large place dans leurs prédications; mais s'ils sont tombés dans l'extrême à cet égard, le siècle actuel, il faut le dire, est tombé dans l'extrême opposé. Aujourd'hui, en effet, on veut à tout prix voiler le côté sombre de la religion; et pour peu qu'un, ministre de la Parole ose déclarer aux pécheurs que Dieu les punira; pour peu qu'il avertisse franchement et fidèlement ses auditeurs que l'iniquité sera suivie d'une perdition certaine, il est aussitôt accusé de vouloir exercer sur les âmes une sorte de pression morale, et de taire appel au sentiment le plus vil du cœur humain: la peur. Mais pour ma part, je le dis hautement, peu m'importe le jugement du monde.

Quand les hommes pèchent, je sens qu'il est de mon devoir de les reprendre, et avec l'aide de Dieu, aussi longtemps qu'ils ne renonceront pas à leur mauvais train, je ne cesserai de les avertir que le péché ne demeurera point impuni.

« Mais Dieu est tout bon, Dieu est  amour, » crie-t-on de toutes parts, Sans doute, et qui le conteste? Mais si Dieu est bon, n'oubliez pas qu'il est juste aussi, - sévèrement, inflexiblement juste. Sans justice, Dieu ne serait point Dieu; bien plus: sans justice, il ne serait point amour, car son amour envers ceux qui le servent exige qu'il punisse ceux qui le méprisent.

Non, mes chers auditeurs, ne vous y trompez point, la justice de Dieu n'est point un vain mot! Et ce n'est pas pour rien qu'il est écrit dans la Parole inspirée: L'Eternel sonde le juste et le méchant, et son âme hait celui qui aime l' extorsion; il fera pleuvoir sur les méchants du feu et du soufre, et un vent de tempête sera la portion de leur breuvage; le Dieu fort s'irrite touts les jours contre le méchant; s'il ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée; il a tendu son arc et il le tient prêt; il lui prépare des armes mortelles; il tirera contre lui des flèches ardentes ( Ps. 11, 5, 6; 7, 12-14). En vérité l'on dirait que parce que celle génération est particulièrement perverse, il faudrait que l'enfer n'existât plus pour elle, et que parce que ce siècle est avant tout le siècle de la feinte et du mensonge, un châtiment simulé est le seul qui doive l'atteindre! Et faut-il le dire? Si répandue est l'erreur dont je parle, que les ministres de l'Evangile eux-mêmes hésitent à annoncer le jour de  la colère. Qu'ils sont rares, en effet, ceux qui parmi nous parlent solennellement à leurs auditeurs du jugement à venir ! On prêche volontiers sur l'amour de Dieu, sur sa bonté infinie - (et en cela on a raison, car on obéit au commandement du Maître), - mais à quoi bon, je le demande, annoncer les miséricordes du Très-Haut, si l'on n'annonce en même temps les rigueurs de sa justice? Et comment pourrait-on espérer de prêcher avec fruit tant que l'on n'avertira point le méchant que s'il ne se convertit, Dieu aiguisera son épée? - Te le sais, il est de mode aujourd'hui dans bien des lieux de rejeter la doctrine des peines éternelles, et de s'en moquer comme d'une imagination et d'une chimère; mais le jour vient où les moqueurs reconnaîtront à leurs dépens son effroyable réalité. Le roi Achab riait lui aussi du prophète Michée, quand celui-ci lui déclarait, de la part du Seigneur, qu'il ne retournerait pas vivant dans sa maison; les hommes du temps de Noé riaient, eux aussi, de l'inepte et crédule vieillard (comme ils qualifiaient sans doute le patriarche), qui les exhortait à s'amender, leur annonçant que le monde allait être submergé; mais lorsque un dard ennemi eut transpercé le cœur d'Achab et qu'il dit il son serviteur: « Mène-moi hors du camp, car on m'a fort blessé, » croyez-vous qu'il pensât encore que Michée eût prononcé un mensonge? Et lorsque les hommes du déluge, poursuivis par les flots envahissants, se réfugiaient jusque sur la cime des arbres, croyez-vous qu'ils fussent encore disposés à se moquer de Noé et de ses prophéties? Il en sera de même des hommes de cette génération. Quand nous vous avertissons du jugement qui approche, vous répondez avec dédain que nous avançons des fables; mais en ce jour où votre péché vous trouvera, où la destruction vous enveloppera comme un filet, direz-vous encore que nous avons été des prédicateurs de mensonge? Continuerez vous à nous couvrir de vos railleries et à rire de nos menaces? Ah! Tout au contraire, mes chers amis, et au jour des rétributions la plus grande mesure d'honneur sera décernée à celui qui aura le plus fidèlement pressé les âmes de fuir la colère à venir. Souvent, en réfléchissant à la lourde responsabilité qui pèse sur moi en ma qualité de ministre de la Parole, je me demande avec effroi ce que serait notre rencontre dans le monde des esprits si j'étais trouvé, au dernier jour, avoir été infidèle envers vos âmes. Oh! Qui pourrait dire les poignants remords auxquels je serais en proie si je vous entendais vous écrier en face du tribunal de Dieu: « Ministre de l'Evangile! Tu nous as flattés; tu ne nous as point parlé des solennelles réalités de l'éternité; tu ne t'es pas étendu comme il le fallait sur les terreurs de la colère divine; tu nous as avertis faiblement, mollement, lâchement: on eût dit que tu avais peur de nous. Tu savais que la pensée des éternels tourments nous était odieuse, c'est pourquoi tu as tenu ce sujet à l'écart, tu L'es renfermé dans un coupable silence.» Ah! Si j'avais mérité ces sanglants reproches, il me semble, mes frères, que vous me maudiriez pendant toute l'éternité!

Mais, avec l'aide de mon Maître, jamais il n'en sera ainsi. Vienne la bonne ou la mauvaise renommée, j'espère pouvoir lui dire, quand il me rappellera à lui: « Je suis net du sang des âmes que tu m'avais confiées! » Tout ce que je connais de la vérité de Dieu, je veux le proclamer hardiment; et quoique sur ma tête l'injure et le mépris puissent être déversés avec une fureur toujours croissante, je n'en tiendrai aucun compte et même je supporterai tous les opprobres avec joie, pourvu que je sois trouvé fidèle envers cette génération rebelle, fidèle à Dieu et fidèle à ma propre conscience. - Je vais donc m'efforcer en ce moment, mes chers auditeurs - (et je prie Dieu de me donner de remplir celle tâche avec solennité et avec amour), - je vais, dis-je, m'efforcer de m'adresser à ceux d'entre vous qui sont encore dans leurs péchés, les conjurant de se souvenir du sort qui les attend s'ils meurent dans cet état: Si le méchant ne se convertit pas) Dieu aiguisera son épée.

En premier lieu, je dirai CE QU'EST CETTE CONVERSION dont il est parlé dans mon texte; en second lieu, j'établirai que LE CHATIMENT DES INCONVERTIS EST CERTAIN ET NÉCESSAIRE; enfin j'indiquerai LE GRAND MOYEN PAR LEQUEL L'HOMME, DE SA NATURE COUPABLE ET VENDU AU PÉCHÉ, PEUT SE CONVERTIR A DIEU ET RENONCER ENTIÈREMENT A SES MAUVAISES VOIES.

 

Et d'abord, mes chers auditeurs, permettez-­moi de vous expliquer CE QU'EST CETTE CONVERSION que le Psalmiste a en vue quand il dit: Si le méchant ne se convertit pas Dieu aiguisera son épée.

Dans son sens propre, vous le savez, le mot convertir signifie tourner ou changer une chose en une autre. Cela seul nous fait comprendre qu'il s'agit dans mon texte d'un grand revirement, d'une complète transformation de l'être moral. Et en effet, la conversion, dans le sens scripturaire du mot, n'est pas autre chose. C'est l'acte par lequel un pécheur se tourne sincèrement vers Dieu et abandonne ses mauvaises voies pour suivre une voie tout opposée.

Mais il y a une fausse conversion et une vraie conversion. Indiquons rapidement quelques traits auxquels on peut les distinguer l'une de l'autre.

En premier lieu, toute vraie conversion doit être une conversion de fait et non pas seulement de paroles; une conversion qui agisse sur les actes de notre vie journalière, et qui ne se borne pas à des vœux et à des promesses. Ainsi, par exemple, supposons que l'un de vous se dise en ce moment: « Voilà, je me tourne vers Dieu! Dès cette heure je ne pècherai plus, j'essaierai de marcher dans la sainteté; mes vices, je les foulerai aux pieds; mes passions, je les jetterai  au vent; du fond de mon cœur je me convertis au Seigneur. » Mais si demain ce même homme a mis en oubli ces bonnes résolutions; si lui, qui aujourd'hui pleure peut-être en écoutant la Parole de Dieu, n'a plus demain ni larme sur sa joue, ni repentir dans son cœur, la conversion d'un tel homme est-elle vraie? Evidemment non! Ah! Mon cher auditeur, méfie-toi, je t'en conjure, d'une telle conversion. Prends garde de ne pas ressembler à un homme qui regarderait dans un miroir son visage naturel, et qui, après s'être regardé, s'en irait et oublierait aussitôt quel il est (Jacq., 1, 23, 24) ? Mets-toi bien dans l'esprit que ce n'est pas l'intention de te convertir qui te sauvera; ni tes promesses, ni tes solennelles résolutions, ni les impressions fugitives de ton cœur, ni cette larme qui sèche, hélas! Au bord de ta paupière, plus vite que la goutte de rosée ne sèche au soleil, ne constituent à elles seules la véritable conversion; un abandon sincère du péché, un élan de l'âme vers la sainteté, se manifestant jusque dans les plus petits détails de la vie ordinaire: voilà ce que tu dois posséder. Ainsi, mon frère, point d'illusion. Dis-tu que tu gémis sur tes péchés, que tu te tournes vers Dieu, et en même temps continu ­tu de jour en jour à marcher comme tu l'as toujours fait? Courbes-tu la tête, en murmurant avec l'accent de la contrition: « Seigneur, je me repens! » et tout à l’heure, retomberas tu dans tes fautes habituelles? S'il en est ainsi, sache-le, ta prétendue repentance vaut moins que rien; elle ne servira qu'à aggraver ta condamnation; car celui qui ayant fait un vœu à son Créateur, ne l'accomplit pas, ajoute à ses péchés un péché nouveau, puisqu'il a cherché à tromper le Tout-puissant et à se jouer du Dieu qui lui a donné la vie. Pour être vraie, je le répète, pour être conforme à l'esprit de l'Evangile, il faut que la conversion exerce une influence visible et bénie sur notre conduite extérieure tout entière.

D'autre part, il faut que la conversion soit complète, c'est-à-dire qu'on tourne le dos à tous ses péchés. Combien de gens dans le monde qui seraient disposés à dire: « Je renonce à ce vice, et encore à cet autre; mais quant à certaines convoitises favorites, à aucun prix je ne puis m'en séparer. » Ah! Sans doute, il te serait fort commode, ô pécheur! De pouvoir faire de telles réserves; mais je te déclare au nom de mon Dieu, que la conversion qu'il demande de toi, ne consiste pas à abandonner un, vingt, ou même cinquante péchés; mais qu'elle doit être un solennel dépouillement de tout péché. Tant que tu caresses dans ton cœur une seule de ces vipères maudites, qui s'appellent passions ou mauvais penchants, ta conversion n'est que mensonge!

Tant que tu gardes par devers toi une seule convoitise impure, cette seule convoitise, pareille à une voie d'eau dans un navire, coulera ton âme jusques en enfer! Ne te persuade donc pas que pour te convertir à Dieu, il ne s'agit que de te défaire de quelques vices extérieurs, de retrancher de ta vie les péchés les plus criants: c'est tout ou rien que Dieu demande de nous. Il méprise les réformes partielles. «  Repentez-vous, convertissez-vous! » nous dit-il dans sa Parole; et si notre repentance ne s'étend pas à tous nos péchés, sans exception, il ne la tient point pour sérieuse et sincère. L'âme vraiment pénitente hait le péché et non pas un péché; elle hait le mal dans sa nature, et non pas simplement dans telle ou telle de ses manifestations. Elle dit: «  Tu as beau te farder, ô péché! Tu m'inspireras toujours une invincible horreur. Oui, cache-toi sous les plaisirs les plus enivrants; comme le serpent aux écailles d'azur, revêts-toi des plus brillantes couleurs: ô péché! Je te haïrai encore, et je m'enfuirai à ton approche, car je connais ton venin et j'ai peur de ta morsure! »

Mes chers amis, j'insiste sur ce point, car je le crois d'une extrême importance. Aucun péché ne doit trouver grâce devant vous, sans quoi vous n'aurez jamais de part en Christ; aucune iniquité ne doit être épargnée, sans quoi les portes du ciel seront fermées pour vous: en un mot, pour qu'une conversion soit réelle, il faut qu'elle soit pleine et entière.

Mais il y a plus. Quand l'Ecriture nous dit: Si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée, elle veut parler d'une repentance immédiate. Vous pensez peut-être: « Quand nous approcherons des dernières limites de la vie terrestre, quand nous serons sur les extrêmes confins de l'impénétrable éternité, alors nous changerons nos voies. » Ah! Mes chers auditeurs, je vous en supplie, ne vous bercez point d'aussi folles pensées! Bien rares sont ceux qui se convertissent sur un lit de douleurs, après une longue vie de péchés. Un more changerait il sa peau et un léopard ses taches? Et comment donc celui qui a vieilli dans le, mal, pourrait-il se tourner vers le bien? Malheur à l'homme qui se flatte de se convertir sur son lit de mort!

Quand on ne s'est pas converti dans les jours de santé, il y a dix mille chances contre une que l'on ne se convertira pas non plus à l'heure de la maladie. D'ailleurs, que d'âmes qui s'étaient promis, avant de quitter le monde, un temps de recueillement et de silence, un temps où elles pourraient, comme autrefois Ezéchias, tourner leurs visage contre la muraille pour confesser leur péchés, et qui ont été amèrement déçues dans leur attente! Ne voit-on pas presque journellement des hommes tomber morts dans nos rues, sur nos places, ou jusque dans la maison de Dieu? N'en voit-on pas qui, sont soudainement retranchés au milieu de leurs projets, de leurs préoccupations, de leurs affaires? Et lors même que la vie s'éteint plus lentement, lors même que la mort est, pour ainsi dire, graduelle, est-ce bien le moment de se convertir? Demandez-le à ces chrétiens de tout rang et de tout âge, qui se sont écriés à l'approche de la mort: « Ah! Dieu soit béni de ce que je n'ai pas attendu  jusqu'à ce jour pour rechercher son pardon et pour implorer sa grâce! Que deviendrais-je, hélas! Si à ces angoisses physiques venaient se joindre les angoisses de la repentance, et si mon âme était bourrelée par le remords en même temps que mon corps est déchiré par la souffrance? » Pécheurs! Dieu vous dit dans sa Parole: Si vous entendez aujourd'hui ma voix, n'endurcissez point votre cœur. Profitez donc de ce conseil divin. Peut-être ce jour est-il le dernier qui vous sera donné pour vous repentir. C'est pourquoi la voix de l'éternelle sagesse crie à chacun de vous: « Aujourd'hui, aujourd'hui! » Parmi les sentences des rabbins juifs, on remarque celle-ci: «  Que chacun se repente »la veille de sa mort. 0r, tu peux mourir demain : hâte-toi donc de te repentir aujourd'hui.»

Ainsi vous disons-nous, ô pécheurs! Une conversion immédiate: voilà ce que le Seigneur demande de vous. Quand Dieu le Saint-Esprit a convaincu une âme de péché, cette âme ne parle plus de délais et d'ajournements; car elle sait que l'heure présente est la seule sur laquelle elle puisse compter pour se réconcilier avec Dieu.

En outre, la conversion dont mon texte parle, comme étant absolument nécessaire, est une conversion ou une repentance de cœur. Il ne s'agit pas de verser une larme menteuse, tandis que le ris est sur les lèvres; il ne s'agit pas d'étendre en quelque sorte, sur son âme, les insignes du deuil et de la pénitence, tandis qu'à l'intérieur tout est illuminé comme en un jour de fête: c'est l'absence de toute lumière, de toute joie dans le cœur, c'est une douleur profonde et intime qui caractérise les commencements de la vraie conversion. Un homme peut renoncer à tous ses péchés extérieurs et pour tant ne pas se repentir réellement. La conversion véritable est une transformation du cœur, non moins qu'un amendement de la vie; c'est le don de notre être tout entier au Seigneur pour lui appartenir en propre à tout jamais; c'est la renonciation aux péchés secrets, aussi bien qu'aux vices apparents. Ah! Mes chers auditeurs, je vous en supplie, examinez-vous avec soin à cet égard. Prenez garde de ne pas prendre, pour l'opération de l'Esprit, ce qui n'est que le travail de la pauvre nature humaine. Prenez garde de vous persuader que vous vous êtes sérieusement tournés vers Dieu, alors que peut-être vous ne vous êtes tournés que vers vous-mêmes. Souvenez-vous que l'oeuvre de la conversion ne consiste pas simplement à se détourner du vice et à pratiquer la vertu, mais qu'elle doit réagir sur tout l'ensemble de notre être moral, en sorte que le vieil homme devienne une nouvelle créature en Jésus-Christ. Si donc, mes chers amis, vous n'avez pas éprouvé une transformation pareille, je dois vous dire que vous n'avez point répondu à ce que mon texte demande de vous: vous ne vous êtes point convertis à Dieu.

Enfin, pour être digne de ce nom, la conversion doit être perpétuelle. Parce que je me tourne aujourd'hui vers Dieu, il ne s'ensuit pas que je sois réellement converti. Il faut que pendant toute ma vie et jusqu'à ce que je descende dans Je sépulcre, je lutte contre le péché, sans quoi ma conversion est plus que douteuse. Le fait que vous avez marché pendant une semaine dans les voies de la justice, ne prouve pas le moins du monde que vous soyez en état de grâce: pour être endroit d'arriver à cette conclusion, il faut que vous ayez une haine constante contre le péché. Le changement que Dieu accomplit dans les âmes, n'est ni superficiel ni transitoire; il ne se borne pas à couper le sommet de la plante vénéneuse que tout enfant d'Adam porte au-dedans de lui, mais il en extirpe toutes les racines; il ne se contente pas de balayer la poussière d'un jour, mais il enlève le fond d'impuretés qui est la cause première de celle poussière. Anciennement, lorsque de riches et généreux seigneurs visitaient les villes de leurs Etats, ils ordonnaient que les fontaines publiques jetassent du lait et du vin; mais les fontaines étaient-elles pour cela changées? Non, assurément; aussi, dès le lendemain, l'eau en jaillissait comme auparavant. De même, mes chers amis, vous pouvez aujourd'hui, en rentrant chez vous, faire semblant de prier; vous pouvez demain paraître sérieux, le jour suivant intègre, un autre jour faire profession de piété; cependant, si vous revenez à vos péchés, si, pour parler le langage de l'Ecriture, vous faites comme le chien qui retourne à ce qu'il avait vomi, et comme la truie qui, après avoir été lavée, se vautre de nouveau dans le bourbier (2 Pierre, Il, 22.), votre prétendue conversion, sachez-le, bien loin d'être une preuve de l'action de la grâce divine sur vos cœurs, ne servira qu'à vous précipiter plus sûrement dans l'abîme de l'éternelle perdition.

Je dois le dire: souvent il est très difficile de distinguer entre une conversion que j'appellerai légale, parce qu'elle est toute de formes et d'apparence, et la conversion évangélique; toutefois il y a certaines marques à l'aide desquelles on peut les reconnaître: je vais vous en indiquer brièvement quelques-unes, mes chers amis, et Dieu veuille se servir de mes paroles pour vous aider à discerner quel est le véritable état de vos âmes!

La conversion légale craint l'enfer, la conversion évangélique craint le péché. La conversion légale redoute les effets de la colère de Dieu; la conversion évangélique redoute la cause de cette colère, savoir, le mal. Quand une âme se repent de cette repentance à salut, que Dieu le Saint-Esprit peut seul produire et qui n'est autre chose que la vraie conversion, celte âme gémit, non à cause du châtiment attaché à l'offense, mais à cause de l'offense elle-même; et elle sent qu'alors même que l'enfer ne serait qu'un vain mot, alors même qu'il n'existerait ni ver qui ne meurt point, ni feu qui ne s'éteint point, sa haine pour le péché serait toujours aussi vive. La fausse repentance, au contraire, n'est que le fruit de la peur. Ainsi, parce qu'à l'approche de la mort vous tremblerez à l'idée du jugement de Dieu, est-ce à dire que vous serez convertis? Nullement: vous pourrez craindre le châtiment bien qu'aimant encore le pécher, Tout voleur craint la prison, mais s'il est libre demain, il est plus que probable qu'il volera encore, Tout assassin tremble à la vue de la potence ou de l'échafaud, mais combien qui attenteraient de nouveau à la vie de leurs semblables si la leur était épargnée !

Je le répète, le trait distinctif de la repentance évangélique est, non la crainte du châtiment, mais la haine du péché, tel est, mes chers auditeurs, le grand travail qui doit s'accomplir en chacun de vous, sans quoi vous serez infaillible ment perdus, sentez-vous que ce travail vous est encore complètement étranger? S'il en est ainsi, je ne puis que vous adresser de nouveau les foudroyantes paroles de mon texte: Si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée!

Une dernière remarque sur ce sujet. Quand une âme possède la repentance qui sauve, en d'autres termes, quand elle s'est convertie à Dieu, son péché lui inspire une horreur si invétérée et si profonde qu'elle désespère de jamais se laver par elle-même de ses souillures, et qu'elle reconnaît qu'il ne faut rien moins) pour la purifier, qu'un acte de la souveraine grâce de Dieu, si donc il se trouvait ici quel qu'un qui, tout en se flattant de s'être repenti, se persuadât qu'il peut, par une sainte conduite, effacer en quelque mesure ses iniquités; si, dis je, il supposait qu'en vivant à l'avenir dans la piété, il peut annihiler ses transgressions passées, que cet homme sache bien qu'il est encore le jouet d'une fatale illusion; car toute âme qui s'est véritablement tournée vers Dieu, bien loin de compter à quelque degré sur elle­ même, sera toujours prête à s'écrier:

« Eternel, ô mon Dieu, j'implore ta clémence!

Indigne de pardon, devant ta sainteté, Je n'ai droit, je le sens, qu'à ta juste vengeance.

Car ton œil est trop pur pour voir l'iniquité (Chants chrétiens)! »

Ces dispositions sont-elles les tiennes, mon cher auditeur? Sens-tu que le pêché est mort en toi? Le hais-tu comme un foyer de corruption et de souillure que tu voudrais à tout prix ôter de devant tes yeux? Mais en même temps reconnais-tu que jamais ce corps de mort ne sera enseveli, à moins que Christ lui-même ne le dépose dans le sépulcre? Dans ce cas, ô mon frère, ne trains rien: ta con version vient de Dieu, Oui, c'est là un dernier trait, un trait essentiel de toute vraie conversion: nous devons humblement reconnaître que nous méritons la colère de Dieu, que nous ne pouvons nous y soustraire ni par nos efforts, ni par les meilleures de nos actions, et que notre seul espoir de salut est uniquement et entièrement dans le sang et les mérites de Jésus-Christ. Si vous ne vous êtes point convertis de cette manière, encore une fois mon devoir est de vous crier dans les paroles de David: Si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée!

 

Passons maintenant au second point de notre sujet. C'est une terrible tâche que d'avoir à l'aborder, et si je ne consultais que mes propres inclinations, Dieu sait que je ne l'entre prendrais jamais. Mais tout ministre de l'Evangile est médecin des âmes; et, pas plus qu'un médecin du corps, il ne doit obéir à ses inclinations. Sous peine de faillir à son, devoir, il doit faire usage du couteau, quand il sait que la mortification est imminente, et pratiquer de profondes incisions dans les consciences, avec l'espoir que le Saint-Esprit se servira de ce moyen pour opérer leur guéri son. Au nom de mon Maître, j'affirme donc, de la manière la plus solennelle, que LE CHÂTIMENT DES INCONVERTIS EST CERTAIN ET NÉCESSAIRE. Le fidèle prédicateur Baxter avait coutume de s'écrier avec sa rude énergie: « Pécheur! » CONVERSION ou PERDITION: c'est ta seule alternative ! CONVERSION OU PERDITION: fais ton » choix! » C'est là aussi ce que je viens vous dire, mes chers auditeurs, et j'espère vous prouver aisément que si le méchant refuse de se convertir, Dieu se doit à lui-même de le faire périr.

Et d'abord comment supposer, je le demande, que le Dieu de la Bible puisse laisser le péché impuni? Quelques hommes, il est vrai, ont osé avancer une pareille énormité; assoupie par je ne sais quelles vapeurs narcotiques, leur intelligence a pu rêver un Dieu sans justice; mais je soutiens qu'une telle conception n'entrera jamais dans l'esprit d'un homme dont le sens est droit et le jugement sain. Quoi? Un prince injuste serait l'objet du mépris de tous; un gouvernement qui n'aurait point la justice pour base serait flétri par l'opinion publique: et Dieu, le juge suprême, le roi de toute la terre, serait privé de ce glorieux attribut? En vérité, cette supposition est aussi absurde qu'elle est impie! Enlever à Dieu sa justice sous prétexte qu'il est tout amour, c'est par le fait attenter à sa divinité et vouloir lui ravir son titre de Dieu. Le bras du Tout-Puissant serait incapable de gouverner le monde si son cœur ne renfermait pas la justice. Au reste, il y a dans l'homme un instinct naturel qui lui dit que s'il existe un Dieu, il doit être juste. Quant à moi, je puis à peine comprendre qu'on croie à l'existence de Dieu sans croire aussi au châtiment du péché. Comment supposer, en effet, que Celui qui est haut élevé au-dessus de ses créatures, qui contemple les moindres de leurs actions, regarde avec la même impassible sérénité les bons et les méchants, et réserve aux uns et aux autres la même louange et le même honneur? A mon sens, l'idée de Dieu est inséparablement liée à l'idée de justice, de telle sorte que qui dit « Dieu» dit aussi « justice. »

Mais d'ailleurs, soutenir qu'il n'y a point de châtiment éternel et que l'homme peut être sauvé sans conversion, n'est-ce pas donner le démenti à toutes les Ecritures? Quoi! Les annales de l'histoire divine ne sont-elles donc rien? Et si elles sont quelque chose, le Seigneur n'est-il pas étrangement changé s'il ne punit plus le péché? Quoi  l'Eternel a jadis flétri Eden et chassé nos premiers parents de ce jardin de dé lices, en punition de ce que les hommes appelleraient une légère offense ; quoi! Il a submergé le monde par le déluge et inondé la création des eaux qui dormaient ensevelies dans les entrailles de la terre: et il ne punirait plus le péché ? Que la grêle de feu qui tomba sur Sodome vous dise si Dieu est juste! Que le gouffre béant qui engloutit Coré, Dathan et Abiram, vous apprenne si le Seigneur épargne le coupable! Que les jugements éclatants qu'il fit tomber sur Pharaon, que ses exploits magnifiques dans la mer Rouge, que la destruction merveilleuse de Sanchérib et de son armée, que toutes ces choses prennent une voix pour vous instruire!

Et si je ne craignais de sortir de mon sujet, ne pourrais-je point parler de terribles jugements qui ont fondu sur ce siècle même? Sans doute, ce monde n'est pas le lieu des rétributions; et pour ma part, je ne suis point de ceux qui voient dans toute catastrophe un châtiment du ciel. C'est ainsi, par exemple, que je ne puis regarder les accidents qui surviennent parfois dans les théâtres comme une marque de la désapprobation divine, attendu que des accidents analogues se sont produits dans des lieux de culte. C'est ainsi également que, parce qu'un bateau aura chaviré le dimanche, je ne pense pas avoir le droit de conclure que la main de Dieu ait voulu punir les violateurs du sabbat qui s'y trouvaient: je conviens assurément que les victimes du sinistre commettaient un péché en passant le dimanche en partie de plaisir, mais ce que je n'oserais affirmer, c'est que Dieu les ait fait périr à cause de ce péché. Je crois que, dans un sens absolu, la justice rétributive n'aura son cours que dans le monde il venir; et en vérité, je ne saurais comprendre la Providence, si je croyais que, dès ici-bas, Dieu rend à chacun selon ses œuvres. Pensez-vous que ces dix-huit personnes sur qui la tour de Siloé est tombée et qu'elle a tuées, fussent plus coupables que tous les habitants de Jérusalem ? Non, vous dis-je, mais si vous en vous amendez, vous périrez tous aussi bien qu'eux (Luc, 13, 4,5,): telle est la déclaration du Maître.

Certains chrétiens ont fait beaucoup de tort à la religion en relevant tous les évènements d'une nature fâcheuse et en les représentant comme autant de manifestations de 1a vengeance divine. Je le répète, en thèse générale, il est incontestable que le Seigneur réserve le châtiment du péché pour la dispensation future; néanmoins, ce principe posé, je dis qu'il est des faits tellement remarquables que le chrétien ne peut qu'y voir la main de la Providence rendant au méchant selon son mauvais train. Je me souviens d'un fait de ce genre que j'ose à peine vous raconter, tant il est terrible. J'ai vu de mes yeux l'infortuné dont il s'agit. II n'avait pas craint d'appeler sur sa tête les plus horribles malédictions que la langue humaine puisse pro­noncer. Dans sa rage et sa furie, il exprima le vœu aussi étrange qu'épouvantable, que «  son cou fût tordu, que ses yeux fussent éteints, et que sa bouche refusât de s'ouvrir. » A peine le malheureux avait-il proféré cette imprécation, que le bout de son fouet, dont il venait de se servir pour maltraiter son cheval de la manière la plus cruelle, entra dans son œil. Une inflammation s'ensuivit; puis, un resserrement des mâchoires; et quand je le vis, son état était précisément celui qu'il avait osé désirer: par suite d'affreuses convulsions, sa tête était complètement retournée; il avait perdu la vue, et ses dents serrées ne laissaient échapper que des sons indistincts!...

Et combien de cas du même genre ne pourrais-je pas vous citer? Je pourrais, par exemple, vous rappeler l'histoire de cette femme qui, ayant pris Dieu à témoin qu'elle venait de payer un sac de farine, tandis qu'elle en tenait le prix dans sa main, tomba morte à l'instant même sur la place du marché (Ce fait remarquable a eu lieu en présence de nombreux témoins, à Devizes, ville d'Angleterre. Une colonne a été élevée sur la place du marché, afin d'en perpétuer le souvenir.).

On me dira peut-être que ce sont là de singulières coïncidences, de simples effets du hasard et rien de plus; mais je l'avoue, je ne suis pas assez crédule pour me contenter de celle explication. Je crois fermement, au contraire, que de tels faits sont, d'une manière toute spéciale, ordonnés de Dieu; ils m'apparaissent comme autant de démonstrations anticipées Je l'éternelle justice, et ils me disent que si les torrents de la colère divine ne fondent point sur l'homme en ce monde, il en tombe pourtant çà et là quelques gouttes, afin de nous prouver que la justice du Très-Haut n'est point une chimère.

Mais qu'ai-je besoin de chercher des preuves en dehors de vous, mes chers auditeurs, quand vos propres consciences reconnaissent instinctivement que Dieu doit punir le péché? Vous pouvez, il est vrai, nier qu'il en soit ainsi et vous égayer à mes dépens, mais prenez garde! L'homme croit souvent, à son insu, bien des choses que sa raison repousse, et la voix de la conscience est si forte qu'elle domine sa volonté même. Aussi, tandis que votre bouche répète; « Je ne puis croire que Dieu punisse le péché, » j'ose affirmer que, dans les profondeurs les plus intimes de votre âme, vous SAVEZ qu'il le fera! Il vous serait pénible, je le conçois, d'avouer vos craintes secrètes, après avoir fait sonner si haut qu'il n'existe aucun sujet de craindre; toutefois, je vous le conseille, modérez vos dénégations; laissez là ce ton de bravade; car, vous le dirai-je ? Plus vous affirmez que vous ne croyez ni à l'enfer ni à la justice de Dieu, plus je suis disposé à penser que vous y croyez fort bien: vous ne vous donneriez pas tant de peine pour nier ce que vous sauriez être faux. Mais au reste, quels que soient aujourd'hui vos sentiments, je sais une chose, ô pécheurs! Je sais qu'à l'heure de la maladie ou à l'approche du danger, nul ne demandera grâce plus haut que vous. Je sais que, lorsque vous serez couchés sur votre lit de mort, vous croirez à l'enfer. Ah! La conscience fait de nous tous des lâches: bon gré, mal gré, que nous en convenions ou non, elle saura bien nous forcer, un jour ou l'autre, à trembler en face de cette solennelle vérité: Si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée!

Et ici permettez-moi, mes amis, de vous raconter une anecdote; elle est très frappante, et nous fait voir que ceux-là même qui en temps ordinaire semblent les plus incrédules, montrent par leur conduite, à l'heure du danger, qu'ils croient non seulement à l'existence de Dieu, mais encore à sa justice. Au milieu des forêts du Canada habitait un fidèle ministre de l'Evangile. Un soir, il sortit, comme Isaac, pour méditer dans les champs. Bientôt il se trouva sur la lisière d'un bois, où il ne tarda pas à s'enfoncer en suivant un petit sentier que d'autres avaient suivi avant lui. Absorbé dans ses réflexions, le pasteur marche, marche encore, jusqu'à ce qu'enfin il s’aperçoive que les ombres du crépuscule se sont abaissées autour de lui. Il se demande alors avec inquiétude comment il passera la nuit, et frémit déjà à la pensée de n'avoir pour abri qu'un arbre de la forêt à la cime duquel il devra monter.

Tout à-coup il voit briller une lumière à quelque distance parmi le feuillage, et espérant qu'elle provient de quelque hutte où il trouvera un asile hospitalier; il se dirige en hâte vers le point lumineux. Enfin il l'atteint; mais qu'on juge de sa surprise quant, au lieu de la cabane qu'il pensait trouver, il voit dans une clairière un grand nombre de personnes réunies, et sur une plateforme improvisée avec des troncs d'arbre un orateur qui harangue l'assemblée. « Ah ! pense le bon ministre, quelle heureuse rencontre! Je suis tombé au milieu d'âmes fidèles, qui dans cette sombre forêt se sont réunies pour adorer Dieu, et quelque serviteur de Christ les entretient sans doute, à celte heure tardive, des choses qui regardent le royaume des cieux et sa justice.» Toutefois ces impressions agréables sont de courte durée; le pasteur s'approche, et quelle n'est pas son indignation en entendant le jeune homme qui occupe l'estrade, déclamer, de la manière la plus violente, contre son Créateur, jeter au Très-Haut d'insolents défis, proférer les blasphèmes les plus audacieux contre la justice du Tout-Puissant, et affirmer, avec une effronterie révoltante, que la vie à venir n'est qu'une fable!... L'ensemble de cette scène offrait un aspect des plus étranges; des torches de pin jetaient çà et là une lueur blafarde, tandis que d'épaisses ténèbres enveloppaient le reste du tableau. L'auditoire écoutait avec avidité, et quand l'orateur se rassit, des tonnerres d'applaudissements éclatèrent de toutes parts. « Les choses ne peuvent se passer ainsi, » pensa le ministre; « il faut que je me lève et que je parle: l'honneur de mon Dieu l'exige. » Cependant le digne homme éprouvait un certain embarras à prendre la parole devant un tel auditoire, et avant qu'il fût parvenu à vaincre sa timidité, un incident imprévu se produisit. Un homme entre deux âges, fort, robuste et à l'air respectable, se leva, et s'appuyant sur son bâton, s'adressa en ces termes aux assistants: «  Mes amis, j'ai un mot à vous dire ce soir. Je  n'essaierai pas de réfuter les arguments de l'orateur qui vient de parler ; je ne critiquerai pas son style; je ne ferai aucune remarque sur des assertions que je considère pourtant comme blasphématoires: je me bornerai à vous rapporter un simple fait, laissant à chacun de vous le soin de tirer ses  conclusions. Hier je me promenais au bord de la rivière qui coule ici près; sur ses  flots j'aperçus un jeune homme, seul, dans  un frêle esquif. L'esquif se précipitait vers les  rapides; le jeune homme n'en était plus maître; il ne pouvait se servir de ses avirons ni s'approcher du rivage. Je vis alors le mal  heureux se tordre les mains de désespoir;  bientôt il renonce à sauver sa vie, et se je tant il genoux, s'écrie avec une ardeur passionnée : « O Dieu! Sauve mon âme! Si mon  corps ne peut être sauvé, du moins, oh! Du  moins sauve mon âme! » Puis, je l'entends  confesser qu'il a été un blasphémateur, un impie; je l'entends prendre le Seigneur à témoin que si sa vie est épargnée il ne retournera plus à ses anciennes voies; je l'entends invoquer la miséricorde du ciel pour l'amour de Jésus-Christ, et conjurer Dieu avec instances de le laver dans le sang de son Fils… Ces bras, continua l'orateur, ces propres bras  arrachèrent ce jeune homme à une mort certaine. Je plongeai dans les flots, tirai la  barque jusqu'au rivage et sauvai sa vie. Ce  même jeune homme est maintenant devant  vous: c'est lui qui vient de vous parler et  de maudire son Créateur… Je n'ai rien de  plus à ajouter. » L'orateur se rassit.- ­Je vous laisse à penser, mes chers auditeurs, quel frisson glacial parcourut les veines du jeune homme à l'ouïe de ce récit, et quel murmure d'indignation s'éleva contre lui du sein de l'assemblée qui naguère l'applaudissait. Chacun reconnut que s'il est facile d'insulter le Dieu Tout-Puissant sur terre ferme et quand le danger est loin, il est beaucoup moins commode de faire le fanfaron quand on est au bord de la tombe. Tant il est vrai que tôt ou tard la conscience de l'homme le convainc que Dieu entrera en compte avec lui! Tant il est vrai que notre texte éveille un secret écho dans toute âme humaine: Si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée!

Mais il me tarde d'en avoir fini avec ce terrible sujet; et pourtant, avant de le quitter, je dois vous rappeler quelques déclarations de la Parole sainte, qui établissent, de la manière la plus positive, que la perdition éternelle est une réalité. Ah! Pécheurs! Vous vous plaisez à répéter que le feu de l'enfer est une fiction, et que les flammes de l'insondable abîme ne sont qu'un épouvantail inventé par des esprits fanatiques; mais si vous avez encore le moindre respect pour la Bible, comment osez-vous, je vous le demande, repousser une vérité qu'elle enseigne à chaque page? Mon Maître n'a-t-il pas dit, en parlant du séjour des réprouvés: Là où leur ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint  point? - « Figure de langage, métaphore!) Vous écriez-vous. Soit; mais s'il n'est question que d'un feu métaphorique, comment expliquez-vous, je vous prie, ces autres paroles du Seigneur Jésus: Craignez celui qui peut perdre l'âme et LE CORPS en les jetant dans la géhenne? De plus, n'est-il pas écrit que le Seigneur, au dernier jour, dira à ceux qui seront à sa gauche: Allez, vous maudits, au feu éternel préparé au diable et à ses anges? Et n'est-il pas ajouté en propres termes: Ceux s'en iront aux peines éternelles? - « C'est vrai dites-vous; mais il n'est pas philosophique de croire qu'il y ait un enfer; cette doctrine  saurait se concilier avec les données de la raison. » Et depuis quand, orgueilleux vermisseau, aveuglé par le péché, la Parole de Dieu doit-elle subir le contrôle de ta pauvre raison? D'ailleurs, n'y eût-il pas d'enfer, je soutiens que pour être rationnel tu devrais te conduire comme s'il y en avait un; car, ainsi que le répondit un jour fort spirituellement un humble chrétien à un incrédule: « Dans tous les cas, mieux vaut avoir deux cordes à son arc qu'une seule; s'il n'y a point d'enfer, je serai aussi bien partagé que vous, et s'il y en a, je le serai beaucoup mieux…» Mais pourquoi employé-je ce ton dubitatif? L'enfer existe - cela est certain - et vous le savez tous, ô pécheurs! Je ne pense pas qu'il y ait un seul homme né et élevé dans un pays soi-disant chrétien, dont la conscience soit assez endurcie pour rejeter absolument cette terrible vérité. Tout ce que j'ai à faire c'est donc de poser, en finissant, à chacune de vos âmes, cette question souverainement importante: « Sentez-vous que dés à présent vous êtes en état d'habiter le ciel? Sentez-vous que Dieu a changé votre cœur et renouvelé votre nature? En un mot, êtes-vous convertis? Si vous êtes forcés de répondre négativement à cette question, je vous en conjure, dites-vous bien qu'à moins que vous ne vous convertissiez, tout ce que l'éternité renferme de tourments et  d'angoisses deviendra inévitablement votre partage. Oh! Mon cher auditeur, pour l'amour de ton âme, réfléchis, réfléchis à ce que je te dis; fais-en l'application, non à ton prochain, mais à ta propre conscience; et puisse le Dieu Tout ­Puissant se servir de cette pensée pour te conduire à la repentance!

  

Et maintenant, indiquons, en peu de mots, quel est LE GRAND MOYEN PAR LEQUEL UNE AME PEUT ETRE CONVERTIE.

Et d'abord, je déclare, avec la plus entière conviction, que personne ne peut de soi-même se convertir, ou, ce qui est la même chose, éprouver la repentance à salut. « Mais alors, me demanderez-vous, quel est le but de ce discours? Prédicateur de l'Evangile, à quoi bon nous avoir parlé de la nécessité de nous repentir, si vous croyez que nous sommes incapables de le faire? « Voici ma réponse, mes chers auditeurs. Oui, pécheur, qui que tu sois, je sais que le péché est trop profondément ancré dans ton âme, pour que tu puisses jamais, de ton propre mouvement, te tourner vers Dieu. Mais écoute! Celui qui mourut au Calvaire a été élevé à la droite de Dieu, afin de donner la repentance et la rémission des péchés (Actes,5,31). Sens-tu en ce moment que tu es misérable et perdu? S'il en est ainsi, demande à Christ de le donner la repentance; car il peut la produire en toi par son Esprit, bien que tu sois impuissant à la produire toi-même. Ton cœur est-il dur comme du fer? Il peut le façonner dans la fournaise de son amour. Ton âme est-elle comme la pierre, même comme la pierre de la meule de dessous? Il peut la dissoudre par sa grâce, aussi aisément que la neige se fond au soleil. Si donc tu soupires après la repentance, je ne te dirai pas: « Repens-toi,  » car je sais que ces paroles ne seraient qu'une dérision; mais voici le conseil que je te donnerai. Va, pauvre âme, rentre dans ta maison, et ploie le genou devant Dieu, en lui confessant tes péchés. Dis-lui que tu ne peux pas te repentir comme tu le voudrais; dis-lui que ton cœur est dur comme le marbre; dis-lui qu'il est froid comme la glace. Tu peux faire cela, mon frère, pour peu que Dieu t'ait donné de sentir le besoin d'un Sauveur. Puis, dans la solitude et le silence, cherche à te souvenir de tes transgressions; et enfin, quand la conviction de péché se sera fortement emparée de toi, va méditer dam un autre lieu…« Et où cela? » Me demandes-tu. Au Calvaire, mon bien-aimé! Oui, assieds-toi, et relis les pages divines où sont retracés l'histoire et le mystère du Dieu qui mourut par amour; assieds-toi, et contemple par les yeux de l'esprit cet Homme glorieux dont les pieds et les mains percés laissent échapper des ruisseaux de sang. Que si cette vue (moyennant le secours de l'Esprit de Dieu), ne produit pas en toi la repentance, oh! Alors, en vérité, je ne connais rien qui puisse le faire. « Si vous sentez que vous n'aimez pas Dieu, a dit un vieux théologien, aimez-le jusqu'à ce que vous sentiez que vous l'aimez; si vous pensez que vous ne croyez point, croyez jusqu'à ce que vous sentiez que vous croyez. » On peut en dire autant de la repentance. Plus d'une âme gémissent de ne pouvoir se repentir, tandis que l'œuvre est déjà faite en elle. Si c'est ton cas, mon cher auditeur, je te dirai à mon tour: Conserve ta repentance, jusqu'à ce que tu sentes que tu t'es vraiment repenti. Reconnais simplement tes transgressions, confesse ta culpabilité, avoue que Dieu serait juste s'il te condamnait à la perdition éternelle; puis recueille ­toi, et dis avec une humble confiance: « 0 mon Sauveur, sur ta tête sanglante, ma main se pose par la foi! »

Oh! Mon Dieu, que ne donnerais-je point pour qu'en cet instant même, quelqu'un de ceux qui m'écoutent reçût la grâce de se convertir! Oh! Si j'avais des mondes à ma disposition, comme je les donnerais tous avec joie, si je pouvais à ce prix acheter une seule de vos âmes et l'amener à Christ! - Jamais celui qui vous parle ne perdra le souvenir de l'heure bénie dans laquelle la grâce de Dieu daigna se lever pour la première fois sur son âme. Je me trouvais dans une humble chapelle, parmi des chrétiens obscurs et méprisés du monde. J'y étais entré, chargé de mes transgressions, écrasé sous le poids de mon indignité. Soudain, le pasteur monte les degrés de la chaire, ouvre sa Bible, et lit cette précieuse déclaration de l'Ecriture:

Vous tous les bouts de la terre, regardez vers moi et soyez sauvés (Isaïe, 65, 22.). Puis il me semble qu'il fixe ses regards sur moi, et je l'entends qui s'écrie: « Jeune homme, regarde! Regarde! Regarde! Tu es l'un des bouts de la terre, tu le sens; tu as besoin d'un Sauveur, et tu trembles de peur qu'il ne veuille pas te sauver. Eh bien! Il te crie ce matin encore: « Regarde! Regarde vers moi...)

Oh! Comme mon âme tout entière fut ébranlée par ces paroles! « Quoi? Pensai-je, cet homme me connaîtrait-il, et saurait-il ce qui se passe en moi? » J'étais tenté de le croire, tellement ce qu'il disait répondait au besoin de mon cœur. Et je regardai! Et je me dis: « Le sort en est jeté! Advienne que pourra, je veux me confier en Christ; à la vie et à la mort, je me donne à lui! » Et dans ce même instant, je fus rendu capable, par la grâce divine, de tourner mes regards vers Jésus! Et moi, qui quelques secondes auparavant, étais abattu, découragé, prêt à tomber dans le désespoir; moi, qui aurais préféré mourir que de continuer à vivre de la vie de remords et de souffrances que je menais de puis quelque temps, je sentis tout à-coup comme si un ciel venait de naître dans ma conscience! Je rentrai chez moi tout joyeux. Mes proches, remarquant le changement de ma physionomie, me demandèrent ce qui me rendait si heureux; je leur dis que j'avais cru en Jésus, et qu'il était écrit: Il n'y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ (Rom., 8, 1). ­Oh! Si je savais qu'une œuvre semblable s'accomplit en ce jour dans quelque âme ici présente!... Où es-tu, toi, le dernier des pécheurs, le plus vil des vils? Où es-tu? Peut-être n'étais ­tu pas entré dans un lieu de culte depuis plus de vingt ans, mais te voici devant Dieu, couvert des plus noirs, des plus indignes forfaits. Pécheur, écoute le message que je t'apporte: Venez maintenant, dit l'Eternel, et débattons nos droits, quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige, et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine (Isaïe, I, 18). Et cette grâce pleine et entière, ce pardon tout gratuit, il te l'accorde pour l'amour de Jésus, à cause du sang de Jésus! Oh! Crois donc, pauvre âme, crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvée! Crois, et alors les menaces de mon texte ne te concerneront plus. Crois, car c'est ici le décret immuable du Tout-Puissant: Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira point sera condamné!

CONVERSION OU PERDITION!

Pécheur, choisis !

 

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NOUVELLE NAISSANCE

 

La voûte de l'Evangile; c'est un point sur lequel s'accordent tous les chrétiens vrais et sincères sans exception. Dans un sens, on peut dire que la régénération ou la nouvelle naissance (ce qui désigne une seule et même chose) est le fondement même du salut; sur elle reposent nos espérances pour le ciel; el de même qu'un architecte ne saurait veiller avec trop de soin à ce que l'édifice qu'il construit soit solidement assis sur sa base, de même nous devons tous examiner diligemment si nous sommes réellement nés de nouveau et si, par conséquent, nous sommes en sûreté pour l'éternité. Beaucoup d'âmes se flattent d'être régénérées, qui, en réalité, ne le sont point. Il convient donc à chacun de s'examiner fréquemment sous ce rapport, et il est du devoir de tout ministre de l'Evangile de revenir souvent sur un sujet, si propre à porter les enfants des hommes à s'éprouver sérieusement eux-mêmes, si propre à leur faire sonder leurs cœurs et leurs voies.

J’entre de suite en matière.

Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Avant tout, je donnerai QUELQUES EXPLICATIONS SUR LA NOUVELLE NAISSANCE; en second lieu, je dirai ce QU'IL FAUT ENTENDRE PAR LE ROYAUME DE DIEU; j'examinerai ensuite avec vous POURQUOI UN HOMME QUI N'EST POINT NÉ DE NOUVEAU NE SAURAIT ENTRER DANS LE ROYAUME DE DIEU; enfin avant de terminer, et en ma qualité d'ambassadeur de Christ, JE PLAIDERAI CONTRE VOUS-MEMES LA CAUSE DE VOS AMES IMMORTELLES.

  

En premier lieu, je voudrais vous faire bien comprendre, mes chers amis, ce qu'est LA NOUVELLE NAISSANCE. Observez la figure qui est employée dans mon texte; il est dit qu'un homme doit naître de nouveau. Evidemment, il est ici question de toute autre chose que de ces réformes extérieures et incomplètes dont la vie de presque tous les hommes nous offre des exemples. Pour mieux faire ressortir la différence essentielle qui existe entre un changement de cette espèce et le changement radical de la nouvelle naissance, permettez-moi d'avoir recours à une sorte de parabole: si vous la suivez avec soin, je crois que vous saisirez parfaitement ce que j'ai à cœur de vous démontrer.

Supposons que dans une contrée de l'Europe, en Angleterre, par exemple, il existe une loi portant que nul ne pourra être admis à la cour, s’occuper les emplois publics ou jouir des privilèges appartenant à la nation, s'il n'a reçu le jour sur le sol anglais. Supposons que ce soit là une condition sine qua non, une condition que rien ne saurait remplacer, en sorte que si un homme n'est point né sur le territoire britannique, possédât-il d'ailleurs tous les avantages et toutes les qualités imaginables, il est par cela seul privé à tout jamais du titre et des droits de citoyen anglais. Supposons maintenant qu'un étranger, un indien rouge, si vous voulez, arrive en Angleterre et qu'il veuille à tout prix se faire naturaliser. Il connaît pourtant la loi du royaume; il sait qu'elle est formelle, absolue, immuable; n'importe, il cherche à l'éluder. Il dit: « Je suis prêt à faire toutes sortes de concessions. Et d'abord je changerai de nom. Dans ma tribu, je portais un nom sonore; on m'appelait Fils du vent d'orient, ou quelque chose de semblable; mais désormais je me ferai appeler comme l'un de vous, je porterai un nom chrétien, je veux être sujet anglais.» Cet homme réussira-t-il ainsi à échapper aux exigences de la loi? Voyez-le s'approchant de la porte du palais et demandant d'être admis à la cour. -« Es-tu né sur le sol anglais?» Telle est la première question qu'on lui adresse. «Non, répond-il, mais j'ai pris un nom anglais. » - « Que nous importe, lui réplique-t-on; la loi est positive; puisque tu n'es point né dans ce pays, quand même tu porterais le nom des princes, du sang, tu ne seras jamais admis ici. »

Mes chers auditeurs, ceci s'applique à chacun de vous. Tous ou presque tous du moins, vous faites profession de christianisme. Vivant dans une contrée soi-disant chrétienne, vous considéreriez comme un déshonneur de ne pas vous dire chrétiens. Vous n'êtes ni païens ni infidèles; vous n'êtes ni juifs ni mahométans. Vous estimez que le nom de chrétien est un nom, recommandable; en conséquence, vous le portez. Toutefois, ne vous y trompez point: on n'est pas chrétien par cela seul qu'on s'intitule tel; et le fait que vous vous rattachez, extérieurement à la religion de l'Evangile parce qu'elle est la religion dominante de votre pays, ne vous servira absolument de rien, si vous ne remplissez la condition sans laquelle nul, ne verra le royaume de Dieu, en d'autres termes, si par la nouvelle naissance vous n'avez été faits les sujets de Jésus-Christ.

Mais, continue notre Indien rouge, je suis prêt à renoncer aussi au costume de ma race; j'adopterai les vêtements européens; je me sou mettrai, s'il le faut, aux exigences les plus capricieuses de la mode; l'œil le plus exercé ne découvrira rien en moi qui trahisse mon origine. Voyez: ces plumes, je les jette au vent; cette hache d'armes, je ne la brandirai plus; ce mocassin, je l'abandonne pour toujours, Désormais, je suis anglais par mon costume aussi bien que par mon nom. Ainsi paré d'habits de cour et vêtu selon toutes les règles de l'étiquette, ne puis-je point me présenter devant Sa Majesté? » En parlant ainsi, notre Indien frappe de nouveau à la porte du palais; mais, vain espoir! L’accès lui en est encore interdit; car la loi exige que ceux qui y entrent soient anglais de naissance, et toute la recherche, toute l'élégance de son costume ne saurait racheter l'absence de cette condition.

Ainsi en est-il d'un grand nombre de ceux qui m'écoutent. Vous ne portez pas simplement le nom de chrétiens: vous vous conformez aussi aux coutumes chrétiennes, Vous fréquentez assidûment la maison de Dieu; vous allez le dimanche à vos églises ou à vos chapelles; vous veillez à ce que certaines formes de la religion soient observées dans votre famille; peut-être même vos enfants vous entendent-ils quelquefois prononcer le saint nom de Jésus. Jusque-là, c'est bien, c'est très bien, et à Dieu ne plaise que je vous blâme à ce sujet; toutefois, souvenez-vous que ces choses, bonnes en elles-mêmes, deviennent mauvaises si vous n'allez pas plus loin. Souvenez-vous que malgré tous ces, dehors de piété, vous serez exclus du royaume de Dieu, à moins que vous n'y ajoutiez la chose essentielle, la chose qui donne du prix à tout le reste, c'est-à-dire la nouvelle naissance, Oui, mon cher auditeur, drapez-vous tant qu'il vous plaira dans les robes magnifiques d'une dévotion extérieure; ornez votre front des brillantes fleurs de la bénéficence et faites de l'intégrité la ceinture de vos reins; mettez à vos pieds la chaussure de la persévérance et traversez la vie en homme loyal et droit; mais sachez-le, sans la nouvelle naissance, tout cela aux yeux de Dieu est comme rien: ce qui est né de la chair est chair, et si vous êtes demeuré étranger à l'opération régénératrice du Saint-Esprit, en vérité, je vous le dis, les portes du ciel resteront à jamais fermées pour vous.

« Mais, reprend notre indien, je ferai plus que changer de nom et d'habits, j'apprendrai votre langage. Je renonce au dialecte de mes  pères. Les sons étranges dont je faisais naguère retentir la forêt vierge ou la sauvage prairie ne passeront plus mes lèvres. J'oublierai le ShuShuhgah et tous ces noms bizarres par lesquels je désignais mes oiseaux ou mon cerf. Je parlerai comme vous parlez, j'agirai comme vous agissez, Non seulement j'emprunterai votre costume, mais je m'appliquerai soigneusement à reproduire vos manières, votre ton, votre accent, votre voix. Je parlerai votre langue avec une correction, une pureté sans égales; en un mot, je ressemblerai à s'y méprendre à un Anglais de naissance; ne pourrai-je point alors me présenter à la cour? » - « Jamais! Répond le garde du palais; quoi que tu fasses, ton admission ici est impossible; car si un homme n'est né dans ce pays, il ne peut franchir le seuil de cette porte. »

Tel est le cas de plus d'un d'entre vous, mes chers auditeurs. Vous parlez absolument comme les chrétiens, vous avez à la vérité un peu trop de faconde religieuse; vous, vous êtes étudiés à copier si minutieusement les gens pieux, que vous avez fini par exagérer votre modèle; et vos moindres paroles sont tellement confites en dévotion qu'un œil clairvoyant ne tardera pas à y découvrir une contrefaçon. Toutefois, en général, on vous considère comme un chrétien de  bon aloi. Vous avez lu des biographies de croyants distingués, et parfois vous empruntez à ces ouvrages de longues tirades sur les expériences de l'enfant de Dieu, que l'on pense être de vous. Vous avez vécu avec des chrétiens, et vous avez appris à parler comme eux; il se peut même que vous ayez adopté certaines formules consacrées, certaine phraséologie purifaine auxquelles les âmes simples se laissent, prendre. Par le fait, il semble que vous ne différiez en rien de la masse des croyants. Vous êtes membres de l'Eglise; vous avez été baptisés; vous participez à la cène du Seigneur; peut-être êtes-vous anciens ou diacres. En Somme, vous avez tout du vrai chrétien, ­tout, sauf le cœur. Ah! Sépulcres blanchis, bien ornés au-dehors, mais pleins au-dedans de toute sorte de pourriture, prenez garde! Prenez garde! Il est surprenant de voir à quel point un peintre habile peut donner l'expression de la vie à une toile insensible et inanimée; mais il est une chose plus surprenante encore: c'est qu'one âme régénérée puisse reproduire aussi fidèlement l'image du chrétien. Quoi qu'il en soit, la règle contenue dans mon texte demeure inflexible: si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu; et malgré ses grands airs de dévotion, malgré les vains oripeaux de sa prétendue piété, malgré le pompeux étalage de ses soi-disant expériences personnelles, tout homme qui ne remplira point cette condition sera repoussé sans miséricorde des portes du ciel.

Mais j'entends des voix qui me crient: « Prédicateur de l'Evangile, tu manques de charité! »Peu m'importe, mes amis, ce que vous pensez à ce sujet; je n'ai aucun désir d'être plus charitable que Christ. Je n'ai rien dit de mon chef; Christ a parlé et je répète ses paroles. Si vous les trouvez dures, allez en demander raison à mon Maître; quant à moi, je ne suis pas l'auteur de cette vérité; j'en suis simplement l'interprète.

Il est écrit en toutes lettres: Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Supposez que votre domestique ayant transmis mot pour mot un message dont vous l'aviez chargé, s'entende apostropher et accabler d'injures par la personne à qui ce message était adressé. Son premier mouvement ne serait-il pas de se récrier: « Mais, monsieur, ne m'insultez pas, je suis innocent; je ne puis que vous rapporter ce que mon maître m'a dit; s'il y a faute, elle est à lui et non à moi. » Il en est exactement de même du serviteur de Dieu qui vous parle. Si vous trouvez qu'il manque de charité, ce n'est pas lui que vous accusez: c'est Christ. Ce n'est pas au messager que vous devez vous en prendre : c'est au message. Encore une fois, il est écrit: Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu… Je n'ai ni le temps ni le désir de discuter avec vous; je me bornerai à vous redire que cette déclaration vient de Dieu. Rejetez-la ou acceptez-la, à votre choix! Mais souvenez-vous que si vous la rejetez c'est à vos risques et périls, car ce n'est point impunément qu'on refuse de croire à une parole sortie de la bouche du Très-Haut.

Mais de quelle manière la nouvelle naissance peut-elle s'obtenir? C'est là une question qu'il importe de résoudre. Je me flatte qu'il n'est dans cette assemblée personne d'assez ignorant ou d'assez aveugle pour croire à la vertu régénératrice du baptême. Je penserais en vérité faire injure à mes auditeurs en supposant qu'il pût y, avoir parmi eux un seul homme assez peu éclairé pour ajouter foi à une semblable doctrine. Cependant, comme cette doctrine, aussi contraire au plus simple bon sens qu'aux enseignements de l'Ecriture, n'est que trop répandue dans le monde, je ne puis me dispenser d'en dire quelques mots.

Il y a des gens qui soutiennent fort gravement que les quelques gouttes d'eau répandues sur le front d'un enfant par un ministre du culte font de cet enfant un être nouveau, un être régénéré…Eh bien, je vous l'accorde.

Mettons qu'il en soit ainsi; mettons que par je ne sais quelle influence magique, la cérémonie du baptême produise nécessairement la nouvelle naissance. Mais, en retour de cette concession, permettez-moi de vous montrer vos soi disant régénérés quelque vingt ans plus tard.

Voyez-vous ce jeune homme qui dissipe les meilleures années de sa vie dans les plus coupables débordements?... C'est un de vos régénérés, car il a reçu les eaux du baptême : or, si le baptême régénère, ce jeune homme est régénéré tout comme un autre. Tendez-lui donc une main sympathique et recevez-le comme un frère dans le Seigneur. - Entendez-vous cet impie qui jure et blasphème contre Dieu? Son langage profane vous indigne et cependant qui le croirait? Il est régénéré; le ministre de la religion a versé sur son front les eaux sacramentelles : reconnaissez donc en lui un homme nouveau et un héritier du royaume de Dieu. ­Regardez cet ivrogne qui chancelle dans nos rues ; il est une plaie pour ses alentours; il se querelle avec tous ses voisins; il maltraite; sa malheureuse compagne; il est pire que la brute. Toutefois, ô prodige! Cet homme, ce misérable auquel vous rougiriez d'adresser la parole, il est régénéré! Oui, vous dis-je, il l'est tout autant que vous pouvez l'être, car il a été baptisé en bonnes formes.- Un dernier exemple. Voyez-vous cette foule qui se presse dans les rues? La potence est dressée. Un grand coupable, un assassin, un empoisonneur, dont le nom restera dans les fastes du crime comme un type de la perversité la plus noire, va subir sa sentence (Allusion au Dr Palmer, médecin anglais, qui fut exécuté à Londres en 4856 pour avoir empoisonné sa femme, en lui administrant pendant plusieurs mois de la strychnine en petites doses.). Eh bien, voilà encore un de vos régénérés ! A moins d'être en désaccord avec vous-mêmes, vous ne pouvez lui refuser ce titre, car lui aussi a été baptisé dans son enfance. Il était régénéré quand il préparait la coupe empoisonnée; régénéré, quand il l'administrait jour après jour à sa victime; régénéré, quand il la voyait se débattre dans l'agonie et mourir dans les tortures !... Régénéré, vraiment! Mais, à ce compte, qui voudrait, je vous prie, de votre régénération? Si telle était la régénération de l'Evangile, en vérité je serais le premier à dire que l'Evangile encourage le vice et la licence! Si l'Ecriture enseignait que des hommes qui vivent dans le péché, sont régénérés, et par conséquent en état de grâce, j'affirme qu'il serait du devoir de tous les honnêtes gens de réunir leurs efforts pour faire disparaître au plus tôt de ce monde un livre aussi pernicieux; car il renverserait les principes les plus élémentaires de la morale publique, et prouverait par là qu'il vient, non de Dieu  mais du diable.

Et ce que je dis du baptême des enfants, je le dis également du baptême des adultes. Pas plus que le premier, le second ne peut, nous faire naître de nouveau. S'il est ici des personnes qui pensent autrement, je n'y puis rien: si elles veulent garder leur opinion, qu'elles la gardent. En tous cas il me semble que l'histoire de Simon le magicien doit déranger singulièrement leur système. En effet, Simon fut baptisé dans les circonstances les plus favorables; il fut baptisé en pleine connaissance de cause, après avoir fait une profession publique de sa foi; et pourtant, bien loin d'avoir été régénéré par son baptême, il s'attire presque aussitôt, de la part de l'apôtre Pierre, cette sévère censure: Je vois que tu es dans un fiel très amer et dans les liens de l'iniquité (Actes, 8, 23.). Mais à quoi bon prendre la peine de réfuter une erreur aussi manifeste? Il devrait suffire, semble-t-il, d'énoncer une pareille doctrine pour que tout homme intelligent la rejetât avec mépris; toutefois, l'on comprend sans peine que les amateurs d’une religiosité élégante et frivole, qui veulent une piété toute de formes et d'apparat, et qui n'apprécient un culte qu'au point de vue de l'art et de la poésie, se fassent les défenseurs de cette doctrine, car ils ont cultivé leur goût au dépens de leur cerveau, et ils ont oublié que ce qui n'est pas en accord avec la saine raison d'un homme impartial et droit, ne peut être d'accord non plus avec la Parole de Dieu (Ce paragraphe et le précédent s'appliquent surtout, dans la pensée de l'auteur, aux puseyistes d'Angleterre; néanmoins nous avons cru utile de les reproduire, car sans parler d'une communion étrangère à la nôtre, où la doctrine de la régénération par le baptême est pour ainsi dire un article de foi, n'y a-t-il point, au sein même de nos Eglises évangéliques, beaucoup de personnes qui, à , leur insu peut-être, partagent à quelque degré les vues et les tendances Combattues ici par l'auteur? (Note du Traducteur.)).

L'homme ne saurait obtenir la nouvelle naissance par le baptême: voilà donc un premier point établi. Examinons maintenant s'il pourra l'obtenir par ses propres efforts? J'affirme que non. Sans doute, un homme peut réformer sa vie, et il est très bon qu'il le fasse: plût à Dieu que tous travaillassent dans ce sens ! C'est ainsi que l'on peut se corriger de certains vices, renoncer à certaines convoitises et triompher de certaines habitudes mauvaises qui vous maîtrisaient autrefois; mais quant à se régénérer, c’est absolument impossible. On aurait beau lutter, combattre, s'efforcer: jamais on n'y parviendra, par la raison toute simple que c'est là une chose au-dessus du pouvoir de l'homme.

Et en supposant même (ce qui est une absurdité) que quelqu'un pût réussir d'une manière ou d'une autre à se faire naître de nouveau, observez qu'il ne serait pas encore propre à entrer dans le ciel, car il y aurait toujours une condition qu'il ne saurait remplir, Si un homme ne naît DE L'ESPRIT, est-il dit expressément dans un des versets qui suivent mon texte, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Or, je le demande, tous les efforts de la chair ne sont-ils pas frappés d'impuissance en face de ce grand but à atteindre : la nouvelle naissance par le Saint-Esprit?

Comment donc un homme peut-il naître de nouveau? Le voici, mes bien-aimés. Il faut que Dieu le Saint-Esprit, par une action surnaturelle, c'est-à-dire plus que naturelle - (car remarquez que je prends ce mot dans son acception à la fois la plus simple et la plus absolue) - il faut, dis-je, que le Saint Esprit opère sur le cœur des hommes, et par ce travail divin, les hommes sont régénérés. Mais si Dieu le Saint-Esprit, qui produit en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir, n'agit point; s'il n'opère point sur notre volonté et sur notre conscience, la nouvelle naissance, je le dis hardiment, est une impossibilité, et par conséquent le salut l'est aussi. – «  Comment? » s'écrie quelqu'un, «  voudriez-vous réellement nous faire accroire qu'une intervention directe, de la Providence soit nécessaire pour qu'un homme naisse de nouveau?» Oui, mon cher auditeur, je l'ai dit et je le maintiens. Pour qu'une âme soit sauvée, il ne faut rien moins qu'une manifestation de la puissance divine, qui vivifie le pécheur, dompte la volonté rebelle, attendrit la conscience endurcie, de telle sorte que celui qui naguères méprisait Dieu et repoussait Christ, est conduit à se jeter, contrit et humilié, aux pieds de Jésus. On dira peut être que celte doctrine est du fanatisme, du mysticisme, de l'illuminisme; peu m'importe: c'est une doctrine scripturaire, et cela me suffit. Si un homme ne naît de l'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu, ce  qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de Esprit est esprit. Si ces déclarations ne sont pas de votre goût, je vous l'ai déjà dit, prenez-vous­ en à mon Maître et non à moi. En affirmant que pour entrer dans le royaume de Dieu, il vous faut quelque chose que vous n'obtiendrez jamais par vous-mêmes, j'expose simplement une vérité révélée par le Seigneur. Je le répète,  une opération divine est indispensable pour produire la nouvelle naissance: appelez cette opération miraculeuse, si vous voulez; elle l'est en effet, dans un certain sens. Il faut que Dieu intervienne en votre faveur; il faut qu'un travail divin s'accomplisse dans votre âme. Que vous soyez placé sous une divine influence, sans quoi, mon cher auditeur (faites d'ailleurs ce qui vous plaira). - vous périrez infailliblement. Si un homme ne naît de nouveau. Il ne peut voir le royaume de Dieu: c'est là une règle qui ne souffre point d'exception. Et notez bien que celle nouvelle naissance est une transformation radicale; elle nous donne une nouvelle nature, nous fait aimer ce que nous haïssions et haïr ce que nous aimions; elle Ouvre devant nous un chemin nouveau, de nouvelles perspectives; elle rend nos habitudes différentes. Nos pensées différentes, nos paroles différentes; elle nous rend différents en particulier, différents en public, en sorte que cette parole de l'Apôtre est accomplie en nous: Si quelqu'un est en, Christ, il est une nouvelle créature, les choses vieilles sont passées, voici, toutes choses sont devenues nouvelles (2 cor.5. 17.).

 

Passons au second point de notre sujet. ­j'espère avoir expliqué ce que l'on doit entendre par régénération ou nouvelle naissance, de manière à être compris par tout le monde. Demandons-nous maintenant ce que signifie cette expression: VOIR LE ROYAUME DE DIEU.

Elle signifie deux choses, mes bien-aimés.

Voir le royaume de Dieu sur la terre, c'est être membre de l'Eglise mystique de Jésus-Christ; c'est jouir des privilèges et de la liberté des enfants de Dieu; c'est pouvoir répandre avec confiance son âme dans la prière, vivre en communion avec Christ, recevoir les communications du Saint-Esprit et porter, à la gloire de Dieu, ces fruits excellents et bénis qui sont les effets de la nouvelle naissance. Voir le royaume de Dieu dans la vie à venir, c'est être admis dans le ciel; c'est contempler le Seigneur face à  face, c'est être fait participant de ces rassasiements de joie qui sont à la droite de Dieu pour jamais. Ainsi, lorsque Jésus-Christ déclare  dans les paroles de mon texte, que si un homme  ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu, il veut dire que cet homme ne peut ni goûter les dons célestes ici-bas, ni jouir des biens célestes dans l'éternité.

  

Je crois qu'il n'est pas nécessaire que je m'étende davantage sur ce point. Je vais donc passer outre et rechercher avec vous POURQUOI UN HOMME QUI N'EST POINT NÉ DE NOUVEAU NE SAURAIT VOIR LE ROYAUME DE DIEU.

Pour être plus bref, je restreindrai mes remarques au royaume de Dieu dans le monde à venir.

Et d'abord, un homme irrégénéré ne saurait voir le royaume de Dieu, par la raison bien simple qu'il serait hors de sa place dans le ciel. Il y a dans sa nature une incompatibilité complète avec les joies du paradis. Vous pensez peut-être, mes chers amis, que le ciel consiste simplement en ces murailles de pierres précieuses, en ces portes de perles et en ces rues pavées d'or fin dont nous parle l'Apocalypse. Détrompez-vous. Toutes ces magnificences ne sont, pour ainsi dire, que l'enveloppe extérieure du ciel. Le ciel proprement dit est toute autre chose. C'est un état d'âme qui doit commencer ici-bas, que l'Esprit de Dieu peut seul produire en nous, et à moins que cet Esprit n'ait entièrement renouvelé notre être moral en nous faisant naître de nouveau, il est impossible que nous jouissions des choses du ciel. Qui de nous ne voudrait jamais croire qu'un pourceau pût faire un cours d'astronomie ou qu'un limaçon pût bâtir une ville? Evidemment, il y a dans ces deux cas impossibilité physique, impossibilité absolue: or, j'affirme qu'il y a impossibilité tout aussi grande à ce qu'un pécheur irrégénéré jouisse jamais du ciel. Et il ne faut pas un grand effort d'esprit pour le comprendre. Aucun des goûts de l'homme naturel ne serait satisfait dans le ciel; il n'y trouverait rien de ce qu'il aime. Si on le transportait au milieu des délices de la sainte Jérusalem, il y serait profondément mal heureux. Il s'écrierait: « De grâce, de grâce, laissez-moi, sortir! Je ne puis supporter l'ennui de ce lieu. » J'en appelle à vous-mêmes, mes auditeurs inconvertis : n'est-il pas vrai que bien souvent le sermon vous semble trop long, le chant des louanges de Dieu fatigant et insipide, et l'obligation de venir chaque dimanche à la maison de Dieu un fardeau insupportable? Que feriez-vous donc, je vous le demande, si vous étiez tout d'un coup transporté dans un lieu où le Seigneur est loué nuit et jour? Puisqu'une courte prédication suffit aujourd'hui pour vous ennuyer, qu'éprouveriez-vous, en entendant les éternels entretiens des rachetés, discourant de siècle en siècle des insondables merveilles de l'amour rédempteur? Puisque la compagnie des justes vous est antipathique ici-bas, comment pourriez-vous passer l'éternité avec eux?...

Ah ! Mes amis, il y en a beaucoup parmi vous, je le crains, qui préfèrent chanter toute autre chose que des psaumes, qui trouvent la Bible mortellement ennuyeuse et qui ne prennent aucun intérêt aux choses d'en haut. Qu'on donne aux uns la coupe enivrante, aux autres les voluptés de la vie, à ceux-ci les folies et les joies du siècle: voilà leur ciel. Mais un tel ciel n'existe pas encore que je sache. Le seul qui existe, c'est le ciel des êtres spirituels, le ciel de la louange, le ciel de l'adoration, le ciel de l'adoption par le Bien-aimé, le ciel de la communion avec Christ. Or, vous ne comprenez rien à ces choses; vous traitez de visionnaires ceux qui vous en parlent; il y a plus: si vous  les possédiez, vous n'y prendriez aucun plaisir, car la faculté de les apprécier vous manque.

Ainsi, par le seul fait que vous n'êtes point nés de nouveau, vous êtes vous-mêmes le premier obstacle à votre admission dans le ciel; et en supposant que Dieu vous ouvrît la porte toute grande et qu'il vous criât: « Entrez! » je le répète, vous ne pourriez pas, vous ne voudriez pas y habiter, car si un homme ne naît de nouveau, il est impossible, moralement impossible qu'il puisse voir le royaume de Dieu.  S'il y avait ici des personnes complètement sourdes et que je disse qu'elles ne peuvent jouir de nos chants sacrés, avancerais-je une chose étrange, ou malveillante, ou cruelle? Eh! Non, sans doute: je constaterais leur inaptitude à entendre, voilà tout. De même, quand Dieu vous dit que vous ne pourrez voir son royaume, il constate votre entière inaptitude à jouir du ciel, et par conséquent à y entrer.

Mais ce n'est pas tout; il y a d'autres raisons qui ferment les saintes portes du paradis à l'homme irrégénéré. Interrogeons les intelligences-célestes qui sont devant le trône de Dieu.­-« O vous esprits bienheureux et purs, anges, principautés et puissances, dites-nous, je vous prie, si des âmes qui n'aiment point Dieu, qui ne croient point en Christ, qui ne sont point nées de nouveau, seraient les bienvenues parmi vous?... » Il me semble voir  des milliers de lances s'élever par-dessus les murailles du paradis et des milliers de chérubins, au visage flamboyant, nous regarder avec surprise du haut du ciel. « Non, jamais! » s'écrient-ils tous d'une voix; « jadis nous avons combattu le dragon et nous l'avons précipité dans l'abîme parce qu'il nous incitait à la révolte; et maintenant comment admettrions-nous le méchant au milieu de nous? Non, non! Ces murs d'albâtre ne doivent pas être ternis par le contact de doigts impurs et pleins de convoitise; ces rues pavées d'or ne doivent pas être foulées par les pieds des profanes et des ouvriers d'iniquité; et aussi longtemps que ces bras auront de la force et ces ailes de la puissance, le pêché n'entrera point ici! »- Repoussé par les anges, je m'adresse aux élus glorifiés, aux esprits des justes rachetés par la grâce souveraine. « Enfants de Dieu, consentiriez-vous à ce que les pécheurs entrassent dans le ciel tels qu'ils sont, sans être nés de nouveau? Vous aimez les hommes; Vous êtes amour comme votre Dieu: dites, dites, dites, voudriez-vous que les enfants du monde fussent confondus avec vous?..» Je vois le saint homme Lot qui se lève et qui s'écrie d'une voix frémissante: « Quoi? N’ai-je point été assez longtemps affligé de la conduite des abominables?.. » Je vois Abraham qui s'avance à son tour et qui dit: « Non, nous ne voulons point que les méchants habitent parmi nous. Pendant mon séjour sur la terre, je n'ai que trop vécu dans leur compagnie; leurs mauvaises paroles et leurs railleries, leurs discours profanes et leur vaine manière de vivre ont cruellement attristé mon âme. Jamais nous ne souffrions qu'ils entrent ici.» Et tout célestes qu'ils sont, tout remplis d'amour que sont leurs esprits, il n'est pas un seul des saints glorifiés qui ne repoussât avec une juste indignation le pécheur assez téméraire pour oser se présenter à la porte du ciel sans que son âme ait été entièrement renouvelée au moyen de la nouvelle naissance.

Mais tout cela ne serait encore rien. Si les remparts du ciel n'étaient défendus que par des anges, nous pourrions peut-être les prendre d'assaut, et si les portes du paradis n'étaient gardées que par des saints, nous pourrions peut-être les ouvrir de vive force. Mais le Tout-Puissant a dit: Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Quoi, pécheur? Oserais-tu tenter d'escalader les créneaux du ciel quand Jéhovah lui-même est prêt à te précipiter en enfer? Aurais-tu l'inconcevable insolence de vouloir lui résister? Dieu l'a dit, Dieu l'a dit, de cette voix qui fait trembler la terre:

« Vous ne verrez point mon royaume! » Peux-tu lutter avec le Souverain? Peux-tu combattre la toute-puissance? Donneras-tu le démenti au Très-Haut? Ver de la poudre! T’élèveras-tu contre ton Créateur? Insecte d'un jour, qui tremble lorsque l'éclair sillonne la nue, feras-tu la guerre au Dieu fort? Essaieras-tu de lui tenir tête? Ah! Pauvre insensé, comme l'Eternel se rirait de toi! De même que la neige se fond au soleil et que la cire se fond au feu, ainsi te fondrais-tu en sa présence, si seulement sa fureur s'enflammait tant soit peu! Ne te berce donc point d'une vaine espérance. Dieu a scellé contre toi les portes du paradis, et jamais tu n'y entreras tel que tu es. «Je ne récompenserai point le méchant avec le juste, » a dit le Dieu de la justice; « je ne souffrirai point que rien de souillé ternisse la pureté sans tache de mon saint paradis. Si le pécheur se convertit, j'aurai compassion de lui, mais s'il ne se convertit pas, je suis vivant, dit l'Eternel, que je le mettrai en pièces comme le vase d'un potier, et il n'y aura personne qui le délivre! » Eh bien! Pécheur, que comptes-tu faire? Veux-tu t'élancer contre le bouclier du Roi des rois? Veux-tu à toute force pénétrer dans son ciel, alors que son arc est tendu contre toi et que sa flèche va percer ton cœur? Quoi! Lorsque son épée est déjà levée sur ta tête, oseras-tu bien le braver en face?... Va, infime pot de terre, va, si bon te semble, contester avec tes pareils ! Chétive sauterelle, va guerroyer contre des sauterelles comme toi; mais de grâce, ne songe pas à te mesurer avec le Tout-Puissant! Il l'a dit, et jamais - non - jamais - aucune âme vivante n'entrera dans son royaume, à moins d'être née de nouveau. - Si cette doctrine vous déplaît, mes chers auditeurs, je vous le dis encore, accusez mon Maître et non pas moi, car je ne fais que répéter ses enseignements; et si je vous parle aujourd'hui en son nom, oh ! Croyez-le, c'est par amour pour vos âmes immortelles; c'est de peur que, faute d'avoir connu la vérité, vous ne périssiez dans les ténèbres et que vous ne couriez, les yeux bandés, à votre perdition éternelle.

  

Et maintenant, je désire en finissant PLAIDER CONTRE VOUS LA CAUSE DE VOS AMES.

J'entends une personne qui se dit: « Oui, c'est vrai; la nouvelle naissance est nécessaire pour entrer au ciel; aussi j'espère qu'après ma mort, je naîtrai de nouveau. » Oh! Pécheur qui te tranquillises de la sorte, laisse-moi te dire que tu es le plus insensé des hommes! Une fois morte ne sais-tu pas que le sort des humains est irrévocablement fixé? Au-delà de la tombe, la conversion n'est plus possible: il est trop tard. Notre vie est comme de la cire qui s'amollit à la chaleur du feu; la mort y pose son funèbre cachet; puis la cire se refroidit et l'empreinte ne peut être changée. Chacune de nos âmes est semblable à du métal en ébullition qui se précipite de la chaudière dans des moules: la mort refroidira ce métal bouillant et nous serons moulés pour l'éternité. J'entends la voix inflexible du destin qui crie sur les morts: Que celui qui est saint se sanctifie encore davantage, que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore (Apoc., 22, 11.)! Les damnés sont perdus sans retour; ils ne sauraient naître de nouveau. Toujours maudits et toujours maudissant; toujours lut tant contre Dieu et toujours écrasés sous ses pieds; toujours blasphémant son nom et toujours couverts d'un opprobre éternel; toujours se révoltant contre sa puissance et toujours torturés par les pointes aiguës du remords, ils n'ont d'autre perspective que de voir se renouveler d'âge en âge leurs péchés et leurs tourments. Non, de l'autre côté du tombeau, il n'est plus de régénération possible.

« Quant à moi, dira un autre, je ferai en sorte d'être régénéré lorsque je serai à l'article de la mort. » Et toi aussi, ô homme. Tu n'es qu'un misérable insensé! Comment sais-tu, je te prie, que tu vivras un jour de plus? As-tu donc pris un bail pour ta vie comme tu l'as fait pour ta maison? Peux-tu assurer le souffle de tes narines, comme tu assures tes meubles ou tes récoltes? Peux-tu dire avec certitude qu'un autre rayon de lumière n’atteindra jamais ton œil? Et sais-tu bien si ton cœur dont les battements sont comme la marche funèbre qui t'accompa­gne vers le sépulcre, n'en battra pas bientôt la dernière note ?... Si tes os étaient de fer, tes muscles d'airain et tes poumons d'acier, alors je concevrais, ô homme! Que tu comptasses sur l'avenir. Mais tu es formé de la poudre de la terre; tu es pareil à la fleur d'un champ; ta vie est vacillante comme une lampe qui s'éteint; tu peux mourir d'un instant à l'autre…O mort! Je te vois au milieu de celle grande assemblée, aiguisant ta faux sur la pierre du temps. Aujourd'hui - aujourd'hui tu vas la lever sur quelques-uns de nous; et demain - ­demain - le jour suivant, tu continueras ton œuvre de destruction; tu faucheras l'herbe de la terre et nous tomberons les uns après les autres! Il faut, IL FAUT mourir: telle est la loi fatale qui pèse sur les enfants d'Adam. Comme un torrent impétueux, comme un navire entraîné par un tourbillon, comme une pièce de bois descendant le courant et se précipitant vers une cataracte, ainsi nos jours se précipitent vers l'éternité. Il n'est pas de puissance capable d'arrêter aucun de nous dans sa course rapide. En cet instant même, nous mourons- nous sommes en voie de mourir!

Et cependant, ô inconcevable folie! Tu oses dire, mon cher auditeur, que tu prendras soin de naître de nouveau au moment de comparaître devant Dieu! Ah! Ce n'est point du temps à venir qu'il s'agit: es-tu régénéré maintenant? Voilà la question. Si tu ne l'es pas aujourd'hui, demain il peut être trop tard; demain tu peux être en enfer, demain tu peux être perdu sans retour !....

Mais j'entends une autre voix qui s'écrie dédaigneusement : « Pour ma part, il m'importe fort peu de naître de nouveau, car je ne crois pas que je perde beaucoup en étant exclu du paradis. » Ah ! Pécheur, tu parles de la sorte parce que tu ne comprends rien à ces choses. Maintenant les vérités les plus solennelles te font sourire, mais un jour viendra, sache-le, où ta conscience sera tendre, ta mémoire fidèle, ton jugement éclairé, et tes idées bien différentes de ce qu'elles sont aujourd'hui. En enfer, les pécheurs ont beaucoup plus de sens commun qu'ils n'en ont sur la terre; en enfer, ils ne rient plus des flammes éternelles; ils ne méprisent plus la fournaise ardente de feu et de soufre. Dès que le ver qui ne meurt point commence à leur ronger le cœur, ils perdent à l'instant même leur verve et leur audace. Aujourd'hui vous pouvez à votre aise vous moquer du serviteur de Dieu qui vous parle en son nom, mais, soyez-en sûrs, la mort mettra fin à vos moqueries. Oh! Mes chers auditeurs, s'il ne fallait qu'encourir voire mépris, Dieu sait que je m'y soumettrais de bon cœur! Méprisez-moi, oui, méprisez-moi tant qu'il vous plaira; mais, je vous en conjure, au nom de vos intérêts éternels, ne vous méprisez pas vous mêmes! Oh! Ne soyez point assez stupides, assez dépourvus d'intelligence pour courir en sifflant au feu éternel et en riant à la perdition! Lorsque vous serez en enfer vous reconnaîtrez, mais trop tard, que c'est un lieu dont on ne doit point se jouer. Lorsque vous verrez les portes du ciel se fermer devant vous, il ne vous sera plus aussi indifférent d'être exclu du paradis. Vous êtes venus pour la plupart m'entendre prêcher aujourd'hui, comme vous, seriez allés à l'opéra ou au concert: vous espériez, sinon que je vous amuserais, du moins, que je vous procurerais quelques distractions. Ah! Dieu m'est témoin que tel n'a point été mon but. Je suis venu ici ce matin résolu, s'il le fallait, à faire usage de paroles dures, à ne point ménager le pécheur, et cela dans son propre intérêt, afin qu'il ne périsse pas, mais qu'il vive. Je suis venu aussi pénétré du sentiment de ma responsabilité, et pressé de vous avertir solennellement, afin qu'au dernier jour je sois trouvé net du sang de vous tous. Et maintenant, s'il est une seule âme parmi vous qui se perde, ce ne sera point faute d'avoir connu la vérité. Hommes et femmes qui m’écoutent, souvenez-vous que si vous périssez, mes mains sont lavées dans l'innocence, car je ne vous ai point caché le sort qui vous attend. Encore une fois, je vous crie: Repentez-vous, repentez-vous, repentez-vous, car si vous ne vous repentez, vous périrez tous sans exception! Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.

Mais ici je prévois une nouvelle interruption.   « Naître de nouveau? Naître de nouveau? Dira quelqu'un; quel mystère! Je ne puis le comprendre. Ministre de l'Evangile, explique-le­  moi, je te prie. » - Mon frère, mon frère, tu es fou, complètement fou!...Vois-tu ce feu?

Il est minuit, nous sommes réveillés en sursaut; nous nous élançons hors de nos lits; une lueur sinistre illumine nos fenêtres; nous nous précipitons dans la rue. Elle est déjà envahie par la foule. On va, on vient, on se heurte, on se presse; c'est à qui atteindra le plus tôt le foyer de l'incendie. Les pompiers sont à l'œuvre; des torrents d'eau sont lancés sur la maison enflammée. Mais écoutez, écoutez! Dans: cette maison il y a un homme; il est à l'étage supérieur, il n'a que tout juste le temps de s'échapper. On lui crie de toutes parts: « Au feu! Au feu! Vite, descendez! » Mais il ne donne pas signe de vie. Voyez: une échelle est placée contre le mur, elle atteint le rebord de la fenêtre, une main vigoureuse enfonce le châssis…Et le malheureux, que fait-il pendant tout ce temps? Est-il attaché à son lit? Est il infirme, ou bien quelque mauvais esprit l'é­treint-il de sa main de fer et l'a-t-il cloué au plancher? Non, non, non, rien de tout cela. Il sent les planches s'échauffer sous ses pieds; la fumée le suffoque, les flammes envahissent sa chambre; il sait qu'il n'y a pour lui d'autre moyen de salut que cette échelle qui est là sous sa fenêtre. Et il ne bouge pas! Et il ne s'émeut pas ! Mais au nom du ciel, que fait donc cet homme? - Ce qu'il fait? J’ose à peine vous le dire, car vous ne pourrez croire à tant de folie…Il est tranquillement assis au milieu de la chambre et se parle ainsi à lui-même: « L'origine de ce feu est bien mystérieuse; je ne puis me l'expliquer; comment faire pour la découvrir?» Tu ris de ce malheureux, mon cher auditeur, et tu as raison, mais en riant de lui, sache que tu ris de toi-même. Oui, ta folie est non moins grande que celle de cet homme. Tu cherches une réponse à telle question et encore à telle autre, et cela tandis que ton âme est menacée de la mort éternelle! Oh! Quand tu seras sauvé, tu pourras à ton aise poser toutes les questions qu'il te plaira; mais tant que tu es dans la maison embrasée, en danger de périr d'un moment à l'autre, est-ce bien le temps, je te le demande, de chercher à sonder les mystères, de t'embarrasser du libre arbitre, de l'élection de grâce, de la prédestination absolue ou d'autres sujets du même genre? Toutes ces questions sont fort bonnes à leur place, et ceux qui sont déjà sauvés font très bien de s'en occuper. Qu'après l'incendie et lorsqu'on est en lieu sûr, l'on se mette à discuter sur la cause probable du sinistre, rien de mieux; mais quant à présent, ô pécheur irrégénéré, l'unique question qui doit te préoccuper est celle-ci: « Que faut-il que je fasse pour être sauvé? Comment échapperai-je à la grande condamnation qui pèse sur moi? »

Mais, hélas! Mes amis, je ne puis vous parler comme je le voudrais!... Il me semble que j'éprouve en ce moment quelque chose de pareil à ce que dut éprouver le Dante en écrivant son Enfer. Les contemporains du grand poète disaient de lui que sûrement il avait visité les régions infernales, tant il les décrivait avec solennité et puissance. Ah! Plût à Dieu que je pusse vous parler ainsi! Encore quelques jours, quelques années tout au plus, et nous nous rencontrerons face à face devant le tribunal de Dieu. « Sentinelle, sentinelle, dira une voix, as-tu averti ces âmes de fuir a colère à venir? » Que répondrez-vous? Pourrez-vous dire que je ne l'ai point fait? Non, je sais que vous ne le pourrez pas. Je sais que tous, même le plus impie d'entre vous, serez contraints dans ce grand jour de répondre au souverain Juge: « Oh! Seigneur, nous nous sommes ri de ton ministre, nous nous sommes égayés à ses dépens, nous n'avons point pris garde à ses paroles; mais nous ne pouvons le nier, il nous a parlé avec sérieux, il nous a avertis de notre danger, il nous a exposé clairement toute la vérité; il a fait son de voir à l'égard de nos âmes! »

Une dernière remarque et je vous quitte.

Plusieurs de vous ont des parents au ciel, n'est-il pas vrai? Peut-être des êtres aimés vous ont-ils dit, en pressant votre main dans leur main défaillante: « Adieu! Au revoir là-haut! » Mais, ne vous y trompez point: si vous ne naissez de nouveau, vous ne les reverrez jamais, car vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu. « Quoi! S’écriera l'un; ma mère dort là­ bas dans le cimetière; je visite souvent sa tombe et je me plais à l'orner de fleurs, en souvenir de celle qui me porta. Oh! C’était une sainte femme que ma mère; elle mourut en priant pour moi. Et dois-je donc renoncer à toute espérance de la revoir? » Oui, mon frère, oui, te dis-je, à moins que tu ne naisses de nouveau. - Pauvres mères affligées, vos petits enfants sont maintenant dans le ciel; vous chérissez la pensée de les retrouver un jour devant le trône de Dieu; toute fois, je vous le déclare, jamais, non, jamais vous ne les reverrez si vous ne naissez de nouveau. - Oh! Mes bien-aimés, voulez-vous donc à cette heure dire un éternel adieu aux esprits des justes parvenus à la perfection? Vous résignerez-vous à être séparés pour toujours de ceux de vos amis qui sont maintenant dans la gloire? Il le faut, à moins que vous ne vous convertissiez. Il n'y a point d'autre alternative. Ou bien il faut que vous couriez à Christ, que vous vous confiez en lui, que vous le suppliez de vous renouveler par la vertu de son Saint-Esprit, ou bien il faut qu'élevant les yeux vers le ciel, vous disiez : « Chœur des bienheureux, je n'entendrai jamais vos célestes accents! Parents vénérés, tendres soutiens de mon enfance, vous qui m'entourâtes de tant de soins et de tant d'amour, je chéris votre mémoire; mais entre vous et moi, il y a un abîme! Vous êtes sauvés et je suis perdu…»

Oh! Je vous en supplie, mes chers amis, réfléchissez à ces choses, et ne soyez point de ces auditeurs oublieux qui écoutent toujours et ne retiennent jamais. Si ce que je viens de vous dire a produit sur vos âmes la moindre impression, gardez-vous d'étouffer celte impression: c'est peut-être le dernier appel que Dieu vous adressera. Oh! Que votre responsabilité sera grande si vous périssez après avoir entendu annoncer la vérité ! Que votre sort sera terrible si vous êtes perdus avec les sons de l'Evangile retentissant encore à vos oreilles!....

 

 

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UN SERMON POUR TOUT LE MONDE

 

Je multiplierai les visions et je proposerai des similitudes. (OSÉE, 12, 44.)

 

Lorsque le Seigneur voulait amener son peuple d'Israël à la repentance, il ne négligeait aucun moyen propre à le faire réfléchir. Selon l'expression d'un prophète, il lui donnait précepte après précepte, et ligne après ligne, un peu ici et un  peu là. Tantôt c'était la verge à la main  qu'il instruisait ses enfants rebelles, et alors il les visitait par la peste, la guerre ou la disette. D'autres fois, au contraire, il semblait vouloir les gagner à force de bienfaits; car il multipliait extrêmement leur froment, leur huile et leur vin, et ne leur envoyait plus la famine. Mais le plus souvent, hélas! Les enseignements de sa providence restaient sans effet, et alors même que sa main était étendue, soit pour châtier soit pour bénir, Israël continuait à se révolter contre le Très-Haut. En vain leur envoyait-il messager sur messager; en vain leur parlait-il tour à tour par le sublime Isaïe, par le plaintif Jérémie et par cette rapide succession de prophètes au coup d'œil inspiré, à la voix de tonnerre, qui répétaient à l'envi les brûlants appels de Jéhovah: tout était inutile: le peuple refusait d'écouter ces répréhensions; il endurcissait son cœur et persévérait dans ses iniquités. Parmi les nombreux moyens que Dieu employait pour captiver son attention et toucher sa conscience, l'usage des similitudes doit être mis au premier rang. Souvent les prophètes étaient appelés non seulement il prêcher, mais à être eux-mêmes des signes et comme de vivantes paraboles au milieu de leur génération. C'est ainsi, par exemple, que l'Eternel commanda à Esaïe d'appeler son fils Maher-Sçalal-Hascbaz, c'est-à-dire: « Qu'on se dépêche de butiner. » car avant que l'enfant sache crier: mon père et ma mère, on enlèvera la puissance de Damas et le butin de Samarie, en la présence du roi d'Assyrie (Esaïe, 8, 3, 4.). C'est ainsi encore que, dans une autre occasion, le Seigneur dit au même prophète: « Va, et délie le sac de dessus tes reins, et déchausse les souliers de tes pieds; »  ce qu'il fit, allant nu et déchaussé. Puis l'Eternel dit: «  Comme mon serviteur Esaïe a marché nu et déchaussé, ce qui est un signe et un prodige contre l'Egypte et contre Cus pour trois années; ainsi le roi d'Assyrie amènera d'Egypte et de Cus, prisonniers et captifs, les jeunes et les vieux, nus et déchaussés, ce qui sera l'opprobre de l'Egypte (Esaïe, 20, 2-4,). » Osée, le prophète aux écrits du  quel j'ai emprunté mon texte, eut également à enseigner le peuple par plusieurs similitudes remarquables. Les noms de ses enfants avaient un sens emblématique. L'Eternel lui ordonna d'appeler son fils Jizréhel, car dans peu de temps, lui dit-il, je ferai venir sur la maison de Jéhu la punition du sang de Jizréhel, et quant il sa fille, le prophète dut la nommer Lo-ruhama, car, lui dit le Seigneur, je ne continuerai plus à faire miséricorde à la maison d'Israël (Osée, l, 4-6.). Ainsi, par diverses images significatives, Dieu contraignait son peuple à entendre sa voix. Les prophètes devaient faire des choses étranges, afin que leurs contemporains étonnés s'entretinssent de ce qu'ils avaient fait, et afin que l'enseignement divin qui ressortait de ces signes s'emparât avec plus de force de leurs consciences et de leurs cœurs.

Une pensée m'a frappé ces jours derniers, mes chers auditeurs, et cette pensée, la voici: c'est que Dieu nous parle encore en similitudes.

Lorsque le Seigneur Jésus était sur la terre, il se plaisait à enseigner le peuple par des paraboles, et maintenant qu'il est au ciel, il fait de même. La Providence est le sermon de Dieu. Les objets qui nous environnent, les événements qui se passent autour de nous, sont comme autant de voix par lesquelles Dieu cherche à nous instruire, et pour peu que nous fussions sages, nous trouverions à chaque pas des leçons pleines d'importance. 0 fils des hommes! Le Seigneur vous avertit chaque jour par sa Parole; il s'adresse à vous par la bouche de ses serviteurs, de ses ministres; mais outre cela, sachez-le, il vous parle sans cesse en similitudes. Il ne néglige aucun moyen pour ramener ses enfants coupables, pour faire retourner à la bergerie les brebis perdues de la maison d'Israël. Je me propose aujourd'hui, mes bien-aimés, de vous démontrer successivement que le Seigneur vous instruit par des similitudes, TOUS LES JOURS, EN TOUTES SAISONS, EN TOUS LIEUX, et QUELLE QUE SOIT VOTRE VOCATION.

Et d'abord, ai-je dit, il vous instruit TOUS LES JOURS par des similitudes. Commençons aux premières heures de la journée. Vous vous êtes réveillés ce matin, et en vous levant, votre premier soin, n'est-il pas vrai? A été de couvrir votre corps, de vous vêtir de vos habits. Est-ce que la voix de Dieu ne vous a point alors parlé? Est-ce qu'elle n'a pas dit à chacun de vous, si du moins vous avez voulu l'écouter: « Pécheur! Quand les vains songes de la vie auront pris fin, quand le grand jour de l'éternité aura lui pour toi, que sera-ce si lu n'as rien pour te couvrir? Avec quoi cacheras-tu la nudité de ton âme? Si pendant cette vie tu méprises la robe de noce, la justice parfaite de Jésus-Christ, que feras-tu, je le Je demande, quand la trompette de l'archange, pénétrant jusqu'aux profondeurs du sépulcre, te réveillera soudain dans ta couche glacée, quand les cieux embrasés seront dissous et que les colonnes du globe trembleront de terreur au Son du tonnerre de Jéhovah? Où trouveras-tu alors de quoi te vêtir?

Pourras-tu aller à la rencontre de ton Créateur sans une couverture pour voiler la honte? Adam ne l'osa point: et toi, l'oseras-tu? Mais en admettant même que tu aies celle audace, le Seigneur ne te repoussera-t-il pas dans sa juste colère? Ne t'enverra-t-il pas dans le séjour de tourments, afin que tu sois brûlé au feu qui ne s'éteint point, parce que tu auras négligé de vêtir ton âme, tandis que tu étais encore dans ce lieu de préparation? »

Mais vous voilà habillés; vous vous réunissez aux divers membres de vos familles; vos enfants s'assemblent autour de votre table; ils prennent part au repas du matin. - Si vous avez été intelligents, mes chers auditeurs, en ce moment encore, vous avez sûrement entendu la voix de Dieu. « Pécheur! » semblait vous dire, ce Dieu de miséricorde, « pécheur! À qui un ­enfant irait-il, si ce n'est à l'auteur de ses jours? Où pourrait-il chercher son pain quotidien, si ce n'est à la table de son père? » Et tandis que vous donniez à vos enfants la nourriture dont ils avaient besoin, le Seigneur ne vous apparaissait-il pas sous les traits touchants d'un père de famille et ne murmurait-il pas dans le silence de votre cœur: « Mon enfant, combien je serais heureux de nourrir ton âme ! Combien je prendrais plaisir à te donner le pain du ciel et à te rassasier de la nourriture des anges! Mais tu as dépensé ton argent pour ce qui ne nourrit point et ton travail pour ce qui ne rassasie point. Ecoute-moi attentivement et tu mangeras ce qui est bon et ton âme jouira de ce qu'il y a de meilleur. Viens, mon enfant, viens à ma table. Le précieux sang de mon Fils a été versé pour être ton breuvage, et sa chair a été rompue pour te servir d'aliment. Pour quoi donc errerais-tu toujours loin de moi, affamé et altéré? Viens à ma table, ô mon enfant, car j'aime que mes fils et mes filles s'y assoient sans crainte et y savourent les choses excellentes que je leur ai préparées. »

Ensuite, mes chers amis vous avez sans doute quitté votre demeure et vous êtes allés au travail jusqu'au soir. J'ignore quelle est votre profession ou comment votre temps est employé: d'ailleurs, je me réserve de revenir plus tard sur ce point. Mais quelles que puissent être vos occupations, sûrement, bien-aimés, tandis que vos doigts travaillaient, Dieu parlait à vos cœurs; et à moins que les oreilles de vos âmes n'aient été complètement bouchées, à moins que vos esprits n'aient été pesants et engourdis, vous avez dû discerner ses appels. Quand, par exemple, le soleil brillait au-dessus de vos têtes et que l'heure de midi avait sonné, le Seigneur ne vous rappelait-il point que le sentier du juste est comme la lumière resplendissante qui augmente son éclat jusqu'à ce que le jour soit en sa perfection? Ne vous disait-il point: «Voilà, j'ai tiré le soleil des ténèbres de l'orient; je l'ai conduit par ma puissance; je l'ai aidé à gravir les incommensurables hauteurs des cieux; et maintenant, comme un homme vaillant qui a fait sa course, comme un géant qui a atteint le but, il est parvenu à son zénith. Ce que je fais pour le soleil, je suis prêt, ô pécheur, à le faire pour loi, remets ta voie sur l'Eternel et il éclairera ton sentier. Ta vie sera comme la lumière et ton chemin comme le midi, ton soleil ne se couchera point pendant qu'il est encore jour, mais les jours de ton deuil seront finis; car l'Eternel sera pour toi une lumière éternelle et ton Dieu sera ta gloire, »

Mais le soleil s'est abaissé vers l'occident, ses rayons ont perdu de leur vif éclat, et à mesure que les ombres du soir enveloppaient la nature, le Seigneur ne te parlait-il point, ô mon frère, de la fin qui avance à grands pas? « Les soleils ont leurs couchers elles hommes ont leurs tombeaux, »semblait te dire la sagesse éternelle.

« Prends garde, ô mortel, de bien employer le soir de ta vie, car la lumière du soleil ne subsistera point à jamais. Il y a douze heures au jour, mais dans la nuit du sépulcre où tu vas, il n'y a ni œuvre, ni discours, ni science, ni sagesse.

Hâte-toi donc; fais selon ton pouvoir tout ce que tu auras moyen de faire, travaille pendant qu'il fait jour, car la nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler. » - Et lorsque le soleil se couche dans sa gloire, admire, ô homme, les teintes splendides dont il revêt l'étendue des cieux; observe combien son disque paraît grandir à mesure qu'il s'approche de l'horizon; et en contemplant ce sublime spectacle, fléchis le genou devant ton Dieu et fais monter vers lui celle humble prière: « Seigneur, que ma mort soit semblable au coucher du soleil! Si à cette heure suprême, je suis environné de nuages ou de ténèbres, aide-moi à les dissiper par lit splendeur de ma foi. Entoure-moi, ô mon Dieu, de plus de lumière sur mon lit de mort que je n'en ai eu pendant toute ma vie. Si un grabat doit être ma couche funèbre, si je dois expirer dans quelque réduit solitaire, que du moins, ô mon Dieu, ma pauvreté soit illuminée par l'éclat que tu me donneras, en sorte que mon exemple fasse briller à tous les yeux la grandeur d'une mort chrétienne. » - C'est ainsi, ô homme, que Dieu te Parle en similitudes depuis le lever jusqu'au coucher du soleil.

Et maintenant la nuit est venue; tu allumes ton flambeau; tu t'assieds entouré de tes enfants, et le Seigneur t'envoie un petit prédicateur qui à sa manière te prêche un solennel sermon. Ce prédicateur, c'est un moucheron qui tournoie et tournoie autour de ta chandelle. Il se délecte à sa clarté, il se baigne dans sa lumière, jusqu'a ce qu'enfin ébloui, fasciné, saisi de vertige, il brûle ses ailes délicates. Tu cherches à le sauver, mais vaines tentatives! Immobile un moment, le fol insecte rassemble bientôt ses forces; il se précipite tête baissée dans la flamme et trouve ainsi la mort et la destruction. Est-ce que le Seigneur ne t'a point dit alors: « Pécheur, voilà ton image! Tu aimes l'éclat fascinateur des folies du siècle. Oh! Que n'es-tu assez sage pour craindre et pour fuir le péché, car celui qui prend plaisir à sa lumière, sera consumé par ses flammes! » Est-ce que ta main ne te paraissait pas comme l'image de la main du Tout-Puissant, qui voudrait t'éloigner de ta propre ruine, qui te reprend par sa providence, qui semble te crier continuellement: « Pauvre insensé! Ne te perds pas toi-même! » Et tandis que la mort du chétif insecte te faisait peut-être éprouver quelque tristesse, une voix solennelle ne se faisait-elle pas entendre au fond de ton cœur, t'avertissant du sort terrible qui deviendra ton partage, quand, après t'être laissé emporter par le tourbillon étourdissant des joies du monde, tu tomberas, à la fin, dans le feu éternel, - ayant sacrifié ton âme (ô comble de la folie!) pour des jouissances aussi trompeuses qu'éphémères !... te rappelle-t-il pas cette  parole  du Maître: Quand le père de famille sera entré et qu'il aura fermé la porte, et que vous étant dehors, vous vous mettrez à heurter et à dire.. Seigneur, Seigneur, ouvre-nous, il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes? Ah! Pécheur, vains seront tes coups, lorsque les verrous de l'éternelle justice auront irrévocablement fermé pour le genre humain les portes de la grâce; lorsque la main du Père tout-puissant aura recueilli ses enfants bien-aimés dans l'heureuse enceinte du paradis, laissant les ouvriers d'iniquité dans les ténèbres glacées du dehors, dans ces ténèbres ou il y a des pleurs et des grincements de dents.....

Dis, pécheur, Dieu ne t'a-t-il point parlé de cette manière? Et lorsque ton doigt était sur la serrure de ta porte, le sien n'était-il pas sur ton cœur? Tu t'es endormi, mais bientôt tu as été réveillé en sursaut. La voix lugubre du garde de nuit répétant les heures, ou son pas lourd et mesuré retentissant sous ta fenêtre, t'on fait tressaillir. O homme! Si tu as eu alors des oreilles pour ouïr, n'as-tu pas entendu dans ton âme ce cri saisissant:« Voici l'époux qui vient; sortez au devant de lui! » Et chaque son qui à l'heure de minuit a interrompu ton sommeil n'aurait-il pas dû te faire ressouvenir de la trompette de l'archange qui annoncera la venue du Fils de l'homme, au jour où il jugera les vivants et les morts selon mon Evangile? - Oh! Mes chers auditeurs, si vous étiez sages! Si vous compreniez ces choses! Si vous vouliez prêter l'oreille à la voix de Dieu! Car, en vérité, je vous le dis, tous les jours et il chaque heure du jour, depuis les premières lueurs de l'aurore jusqu’aux ombres du crépuscule et aux profondes ténèbres de minuit, Dieu parle à l'homme: il lui parle en similitudes.

  

Changeons maintenant le cours de nos pensées, et observons que le Seigneur nous parle en similitudes non seulement tous les jours, mais. EN TOUTES SAISONS.

Il n'y a que peu de temps que nous ensemencions nos jardins et que nous répandions le froment dans nos larges sillons. Dieu nous a. donné le temps des semailles, pour nous rappeler que nous sommes comme la terre, et qu'il répand sans cesse du bon grain dans nos cœurs. « Prends garde, ô homme! » semble t-il nous dire, « prends garde de ne pas ressembler à ce chemin sur lequel la semence étant tombée, les oiseaux du ciel vinrent et la mangèrent toute. Prends garde de ne pas ressembler non plus à un endroit aride et pierreux, de peur que la semence ne germe incontinent, et que le soleil étant levé, elle ne soit brûlée, parce qu'elle n'entrait point profondément dans la terre. Et prends garde aussi, ô fils de l'homme, de ne pas être comme ce terrain où les épiles crûrent et étouffèrent la semence, mais efforce-toi plutôt d'être semblable à la bonne terre dans laquelle la semence porte du fruit, un grain trente, un autre soixante, et un autre cent. »

Mais ce n'est pas tout. En déposant notre semence dans la terre, nous savions qu'elle germerait et croîtrait. N'y a-t-il pas 1à une leçon pour nous? Est-ce que toutes nos actions ne sont pas comme autant de grains de semence? Nos moindres paroles elles-mêmes ne sont-elles pas comme des graines de sénevé? Et ne pourrait-on pas comparer nos conversations journalières à une poignée de semence que nous répandrions sur le sol? Oh! Qu’elle est sérieuse la pensée que chaque mot qui sort de notre bouche vivra indéfiniment, que nos actes sont immortels comme nous-mêmes, et qu'après être restés quelque temps ensevelis dans la poussière pour être mûris, ils reparaîtront infailliblement sur la scène du monde! Les semences amères du péché auront pour fruit terrible la mort éternelle; et Je bien que la grâce de Dieu nous aura permis de faire, portera, par sa pure miséricorde et non par aucun mérite qui nous soit propre, une abondante moisson de gloire, en ce jour béni où ceux qui auront semé avec larmes moissonneront avec chants de triomphe.

Ecoute donc le temps des semailles qui te crie, ô mon frère: « Prends garde de semer de bonne semence dans ton champ. »

Mais lorsque cette saison de l'année a fait place à une autre, Dieu a-t-il pour cela cessé de parler? Oh! Non. Premièrement l'herbe, ensuite l'épi, et puis le grain tout formé dans l'épi t'adressent tour à tour une homélie. Quelle puissante prédication en particulier le Seigneur ne nous fait-il pas entendre au temps de la mois son! « 0 Israël, »  nous crie-t-il, « souviens-toi que l'éternelle moisson approche! Ce que l'homme aura semé, c'est ce qu'il moissonnera aussi. Celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption, mais celui qui sème pour l'esprit moissonnera de l'esprit la vie éternelle. » Allez, mes bien-aimés, allez parcourir nos campagnes alors que le soleil d'été a doré nos guérets, et pour peu que vos cœurs soient susceptibles d'impressions sérieuses, vous trouverez dans ce spectacle une source intarissable d'instructions. En vérité, je n'oserais essayer d'explorer les riches mines de sagesse renfermées dans un champ de blé. Pensez, mes chers amis, aux sentiments de joie avec lesquels on salue l'époque de la moisson: n'est-ce pas là un emblème de la joie qu'il y aura dans le ciel lorsque les rachetés seront recueillis, comme des épis mûrs, dans le céleste grenier? Puis considérez l'épi de blé quand il a atteint une parfaite maturité: voyez comme sa tête se penche vers le sol. Autrefois, il la tenait droite et fière, mais maintenant, comme il paraît humble! Est-ce que le Seigneur ne te dit rien par cette similitude, ô chrétien? Est-ce qu'il ne dit pas à tous les pécheurs sans distinction que s'ils veulent être prêts pour le jour de la grande moisson, ils doivent eux aussi courber le front jusque dans la poudre, en criant comme le péager: « o Dieu, sois apaisé envers moi: qui suis pécheur? Et lorsque nous voyons les mauvaises herbes croître parmi le froment, ne semble-t-il pas que nous entendions notre Maître redire la parabole de l'ivraie? Ne sommes-nous pas comme transportés par la pensée au jour du grand triage, alors que le Père de famille dira aux moissonneurs: Cueillez premièrement l'ivraie et liez-la en faisceaux pour la brûler, mais assemblez le froment dans mon grenier? Et à moi en particulier, ministre de l'Evangile, tu prêches à ta manière, ô moisson jaunissante! J'entends ta voix qui me crie: « lève tes yeux et regarde les campagnes, voici, elles sont déjà blanches et prêtes à être moissonnées. Travaille donc toi même et prie le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson.» - Elle te parle aussi, ô homme chargé d'années! Elle te l'appelle que la faucille de la mort est déjà aiguisée et que tu seras bientôt retranché; mais en même temps, elle te console par la douce pensée que le froment sera mis en sûreté, et que, si tu es chrétien, tu seras recueilli dans le grenier de ton Maître, pour faire sa joie et ses délices pendant toute l'éternité. - Ecoutez donc, ô fils des hommes, le bruissement harmonieux des épis qui se balancent dans la plaine, et comprenez les sérieuses leçons qu'il vous donne!

Dans peu de temps, mes bien-aimés, vous verrez des nuées d’oiseaux s'assembler sur les toits de nos demeures. Ils s'élèveront dans les airs en tournant, tournant, tournant toujours, comme pour dire un dernier adieu à notre vieille Europe; puis ils se formeront en colonnes serrées, ayant chacune un chef à sa tête; et tandis que l'hiver, de sa main glacée, s'apprêtera à dépouiller les bois qui les ont vus naître, ils s'élanceront au-dessus des vagues bleues de l'Océan pour aller au loin chercher des cieux plus doux. Est-ce que le Tout-Puissant ne t'enseigne rien par là, ô pécheur? Ne te souviens-tu pas qu'il a dit dans sa Parole: La cigogne même a connu dans les cieux ses saisons ; la tourterelle, l'hirondelle et la grue observent le temps qu'elles doivent venir, mais mon peuple n'a point connu le droit de l'Eternel? Ne semble-t-il pas aussi nous avertir tous qu’un froid et sombre hiver va venir sur le monde; un temps de détresse tel qu'il n'y en a point eu et qu'il n'y en aura jamais de semblable; un temps où toutes les joies du péché se flétriront comme se flétrissent les fleurs à l'approche des frimas; un temps où le beau soleil de la prospérité sera remplacé pour le pécheur par les tristes nuages du désenchantement? « Mortels, mortels, hâtez-vous! » semble nous dire la voix de Dieu. « Prenez votre essor vers ce pays fortuné où Jésus habite! Fuyez le péché qui est en vous et le péché qui vous entoure! Fuyez la ville de la destruction! Fuyez le tourbillon des plaisirs et les orages des passions! Envolez-vous comme des oiseaux à leurs nids! Traversez sans crainte l'océan de la  repentance et de la foi, pour aller chercher un refuge dans la terre de la miséricorde, afin que lorsque le grand jour de la vengeance divine passera sur le monde, vous soyez à l'abri dans les fentes du rocher. »

Je me souviens d'une circonstance de ma vie où Dieu parla à ma conscience d'une manière bien frappante, au moyen d'une similitude. On était en plein hiver. La campagne était noire et désolée; à peine pouvait-on découvrir le moindre vestige de verdure. Des haies dégarnies, des arbres dépouillés, et puis la terre, sombre et froide, qui s'étendait jusqu'à l'horizon: voilà tout ce que l'œil rencontrait. Mais tout à coup Dieu parla; il ouvrit les trésors de la neige, et des flocons éblouissants descendirent des cieux, jusqu'à ce qu'enfin toute la nature fût devenue une masse d'étincelante blancheur. Depuis quelque temps je cherchais mon Sauveur, et ce fut justement vers cette époque que je le trouvai; aussi n'oublierai-je jamais avec quelle force ces paroles se présentèrent à mon esprit: Venez maintenant, dit l'Eternel, et débattons nos droits.

Quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige, et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine. « Pécheur! » sembla me dire une voix divine, « pécheur! Tu es semblable à cette terre noire et aride. Ton âme est pareille à ces arbres desséchés, à ces buissons sans fleurs ni feuillage. Mais la grâce de Dieu est comme la neige: elle tombera sur toi jusqu'à ce que ton cœur incrédule resplendisse de la blancheur du pardon, jusqu'à ce que ta pauvre âme souillée soit entièrement couverte de la pureté sans tache du Fils de Dieu. » Et à chacun de vous, mes bien-aimés, le Seigneur tient le même langage. Il vous crie en cet instant même: « Pécheur! Tu es noir, mais je suis prêt à te blanchir. J'envelopperai ton cœur dans la justice immaculée de mon Fils, et revêtu des vêtements de ce Fils de mon amour, tu seras saint comme je suis saint. »

Et quand le vent mugit à travers les arbres, quand il renverse tout sur son passage, souvenons-nous de l'Esprit du Seigneur qui souffle où il  veut et quand il lui plaît. Soupirons avec plus d'ardeur après cette divine et mystérieuse influence qui peut seule nous faire avancer dans notre voyage vers les cieux, renverser les cimes altières de notre orgueil naturel, déraciner les cèdres magnifiques de notre justice propre, et ébranler jusque dans ses fondements les refuges de néant où nous nous croyons en sûreté, pour nous faire regarder à Celui qui est le seul abri contre la tempête, le seul refuge assuré quand le souffle des terribles est comme un tourbillon qui abattrait une muraille.

Enfin, lorsque oppressé par la chaleur du jour, tu te mets à couvert à l'ombre d'un arbre, l'ange de l'Eternel, ô mon frère, ne se tient-il pas à côté de toi, murmurant à ton oreille:« Pécheur, élève tes yeux en haut. De même que cet arbre te garantit des rayons brûlants du soleil, de même il est un Etre tout bon, qui est comme le pommier parmi les arbres des forêts et qui t'invite à venir t'asseoir sous son ombrage. Va donc a lui. Il te garantira de l'éternelle vengeance de son Père. Il te couvrira de son ombre, alors que les ardeurs dévorantes de la colère divine darderont en plein sur la tête des ouvriers d'iniquité. »

  

Mais si le Seigneur nous parle en tous temps, observons qu'il nous parle aussi EN TOUS LIEUX. Où que nous allions et quelles que soient les scènes que nous ayons sous les yeux, il nous parla en similitudes. Va à ton étable, ô mon frère, et ton bœuf et ton âne t'instruiront: Le bœuf connaît son possesseur et l'âne la crèche de son maître; mais Israël n'a point de connaissance, mon peuple n'a point d'intelligence. Il n'est pas jusqu'au chien qui te suit comme ton ombre dont tu ne puisses recevoir de sérieux avertissements. Le chien suit son maître; il ne suivra point un étranger, car il ne connaît point la voix de l'étranger; mais toi, tu oublies ton Dieu et tu te détournes dans des sentiers obliques. - Regarde aussi ces poussins qui boivent dans la mare, et que leur exemple te reprenne à cause de ton ingratitude. Ils boivent, et à chaque gorgée, ils lèvent leurs petites têtes vers le ciel, comme pour remercier Celui qui envoie la pluie de la goutte d'eau qui les désaltère; tandis que toi, créature intelligente, comblée des dons de Dieu, tu bois et tu manges sans penser à le bénir pour les aliments qu'il te donne, sans faire monter des actions de grâce vers le tendre Père qui te nourrit! Le fouet est pour le cheval et le licol est pour l'âne, et tous les deux obéissent à leurs conducteurs; mais c'est en vain, ô homme, que Dieu t'a châtié par sa providence et qu'il t'a bridé par ses commandements: tu es plus obstiné que l'âne ou que le mulet; tu ne veux pas courir dans la voie de la justice; tu te détournes pour suivre volontairement la perversité de ton méchant cœur. - Mes chers amis, ce que je dis n'est-il point vrai? Si vous êtes encore sans Dieu et sans Christ, vos consciences ne sont-elles point forcées de reconnaître que ces choses s'appliquent à vous? Ah! Plaise à Dieu que quelqu'une de mes paroles pénétrant jusqu'au fond de vos âmes vous amène à trembler devant le Très-Haut, et à le supplier de vous accorder aujourd'hui même un nouveau cœur et un esprit droit, afin que vous ne soyez plus semblables aux bêtes des champs, mais que vous deveniez des hommes pleins du Saint-Esprit, vivant dans l'obéissance à leur Créateur!

Mais poursuivons notre examen. -Si vous avez voyagé, vous avez certainement dû observer qu'en quelques endroits la route était jonchée de pierres; peut-être même avez-vous murmuré parce que la voie que vous deviez suivre était rude et raboteuse. Mais, d'un autre côté, n'avez-vous point réfléchi que ces cailloux dont vous vous plaigniez, étaient destinés à améliorer la route, et qu'il n'est pas jusqu'aux chemins les plus impraticables qui ne deviennent à la longue faciles et pléniers si on a soin de les couvrir de pierres? Or, ceci ne vous a-t-il point conduit à penser à tout ce que Dieu a fait pour amender vos âmes? Que de fois n'a t il pas jeté sur vous les lourdes pierres de l'affliction! Qui pourrait dire le nombre des avertissements qu'il a étendus sur vos consciences? Et cependant, vous n'êtes pas meilleurs; au contraire, vous empirez de jour en jour. Ah! Prenez garde que lorsque le souverain Juge viendra constater par lui-même si le chemin de votre conduite morale est de venu, en quelque mesure, conforme au chemin royal de la sainteté, il n'ait lieu de s'écrier:« Hélas! J’ai réparé cette route, mais elle n'en vaut pas mieux. Qu'elle reste donc telle qu'elle est, couverte d'ornières et de fange, jusqu'à ce que celui qui l'entretient si mal, y trouve la mort. »

Et quand tu es allé au bord de la mer, mon cher auditeur, la grande voix de l'Océan ne t’a-t-elle point parlé? Inconstant comme les vagues, tu ne sais point obéir comme elles. Dieu tient en bride la vaste mer; il a environné ses flots écumants d'une ceinture de sable; il leur a assigné des limites qu'ils ne peuvent franchir. Ne me craindrez-vous point, dit l'Eternel, et ne serez-vous point épouvantés devant ma face? Moi, qui ai mis le sable pour borne à la mer, par une ordonnance perpétuelle, et qu'elle ne passera point; ses vagues s'émeuvent, mais elles ne seront pas les plus fortes; et elles bruirent, mais elles ne la passeront point. Que ta conscience te reprenne, ô homme. D'un rivage à l'autre rivage, la mer obéit à son Créateur; mais toi, tu ne veux point le reconnaître comme ton Dieu, et lu dis dans ton fol orgueil: « Qui est l'Eternel afin que je le craigne? Qui est Jéhovah afin que je reconnaisse sa puissance? »

Ecoute aussi les montagnes et les collines, car elles t'instruisent à leur tour. Tu vois en elles un emblème de la stabilité de Dieu. Il subsistera d'âge en âge. Ses attributs sont éternels, ses perfections immuables. Ne crois pas qu'il puisse changer.

Et maintenant, pécheur, je t'en supplie, en retournant chez toi aujourd'hui, ouvre tes yeux, et si rien de ce que j'ai dit n'a atteint ta conscience, peut-être que Dieu placera sur ton chemin quelque objet qui te fournira un texte sur lequel tu te prêcheras à toi-même un sermon que tu n'oublieras jamais. Oh! Si j'avais plus de temps, plus de pensées et plus de paroles, je ferais comparaître successivement en ta présence les choses qui sont là-haut au ciel, et ici-bas sur la terre et dans les eaux qui sont sous la terre; et à mesure qu'elles défileraient devant toi, je sais qu'elles te diraient d'un commun accord: « Souviens-toi de l'Eternel, ton Créateur, pour le craindre et pour le servir, car c'est lui qui t'a fait et tu ne t'es point fait toi-même. Nous lui obéissons, et notre obéissance fait notre gloire: obéis comme nous, et comme nous tu l'en trouveras bien. 0 hommes  garde-toi de fermer l'oreille à cette voix d'exhortation qui l'arrive de toutes parts. Obéis tandis que tu le peux encore, de peur que lorsque ta vie sera terminée, toutes ces choses qui t'avertissent aujourd'hui ne s'élèvent alors en témoignage contre toi; de peur que le caillou du chemin ou la pierre de la muraille ne prenne une voix pour te condamner; que les vallées et les coteaux ne te maudissent et que les bêtes des champs ne soient tes accusateurs. 0 hommes, sache-le, la création tout entière est ton censeur. Dieu désire que tu sois sauvé; c'est pourquoi il a placé dans la nature et dans la providence des signaux indicateurs, afin de te montrer le chemin qui mène à la ville de refuge (Nombres, 35, 10-28.). Pour peu que tu sois intelligent, tu ne saurais donc l'égarer, et si tu le fais, souviens-toi que ton ignorance volontaire ou ta coupable négligence seront la seule cause de ta perle, car Dieu a tracé ton chemin devant toi, et l'encourage de taules manières à y courir.

Je crains de vous fatiguer, mes chers amis; toutefois, je remarquerai, avant de terminer, que l'homme, quelle que soit SA VOCATION, peut recevoir instruction de celte vocation même.

Et d'abord, l'agriculteur peut entendre chaque jour mille sermons. J’en ai déjà indiqué quelques-uns; qu'il ouvre seulement les yeux, et il en découvrira d'autres. A chaque pas il peut discerner la voix des anges elle murmure des esprits célestes, l'invitant à se tourner vers Dieu, car pour qui sait écouter, la nature entière, je le répète, a une langue toujours prête à rendre hommage il son Créateur.

Mais il est des hommes dont la vocation ne leur permet que rarement de contempler la nature, et pourtant il ceux-là même, Dieu parle constamment en similitudes. Voyez le boulanger qui nous fournit notre pain. Il remplit son four de combustible, il lui donne le degré de chaleur nécessaire; après quoi, il y met sa pâte. Or, tandis qu'il est là, debout à l'entrée de son four, bien insensible serait sa conscience si elle ne tremblait pas, car il est un passage de l'Ecriture qu'il doit comprendre mieux que personne: « Voici, un jour vient, embrasé comme une fournaise, et tous les orgueilleux, et tous ceux qui commettent la méchanceté seront comme du chaume, et ce jour-là qui vient les embrasera, a dit l'Eternel des armées, et ne leur laissera ni racine ni rameau! » Oui, de la bouche du four sort un brûlant et terrible appel, et si l'homme in converti voulait y prendre garde, sûrement son cœur fondrait comme de la cire au dedans de lui.

Voyez encore le boucher: l'animal qu'il va égorger ne lui dit-il rien? En voyant la brebis lécher, pour ainsi dire, son couteau, et le bœuf marcher à la tuerie sans se douter de ce qui l'attend, ne devrait-il pas faire un sérieux retour sur lui-même? Vous tous qui êtes sans Christ, ne ressemblez-vous pas en effet à des bêtes qu'on engraisse pour la boucherie? Bien plus vous êtes même plus insensés que le taureau, car vous courez au-devant de votre exécuteur, et vous suivez bénévolement le grand destructeur des âmes jusque dans les profondeurs de l'enfer. Est-ce que l'intempérant qui se plonge tête baissée dans ses honteux excès, ou le voluptueux qui se livre résolument à ses débauches, ne sont pas à la lettre comme le bœuf qui s'en va à la boucherie jusqu'à ce qu'un dard lui perce le cœur ? Dieu n'a-t-il point aiguisé son épée et préparé le glaive de sa justice afin de mettre à mort les bêtes grasses de la terre, au jour où il dira aux oiseaux de toutes espèces, et à toutes les bêtes des champs: « Assemblez-vous et venez! Amassez-vous de toutes parts pour mon sacrifice, et vous mangerez de la chair, et vous boirez du sang jusqu'à en être ivres? »  Oui, boucher, ton métier te fournit de solennels enseignements: puisses-tu en profiter!

Et vous dont l'art consiste à confectionner des chaussures pour nos pieds, vous avez aussi une sérieuse leçon à apprendre. La pierre sur laquelle vous battez votre cuir vous accuse, car votre âme est peut-être aussi dure qu'elle. Le Seigneur ne vous a-t-il pas frappé presque aussi souvent que vous frappiez cette pierre? Et pourtant votre cœur n'est ni brisé ni attendri. Oh! Que ferez-vous, je vous le demande, lorsque au dernier jour le souverain Juge, voyant que vous portez encore au dedans Je vous un cœur de pierre, vous jettera dans les ténèbres du dehors, parce que vous aurez méprisé ses répréhensions et fermé l'oreille à la voix de ses châtiments ?....

Que le brasseur n'oublie point que s'il prépare de la boisson pour les outres, l'Eternel prépare aussi une coupe mixtionnée, dont tous les méchants suceront les lies. - Que le potier tremble, de peur qu'il ne soit trouvé semblable à un vase gâté. - Que l'imprimeur veille à ce que sa vie soit composée de types célestes, et non des noirs caractères du péché. - Peintre, prends garde ! Celui qui sonde les cœurs et les reins ne se contentera pas de la plus belle peinture; des réalités sans apprêt ni vernis, voilà ce qu'il exigera de toi.

D'autres parmi vous se livrent à un commerce qui les oblige à faire usage de poids et de mesures. Qu'ils n'oublient pas, en pesant leurs marchandises, de se peser aussi eux-mêmes. Qu'ils se représentent le grand Juge la balance de l'éternelle justice à la main, plaçant son Evangile dans un plateau et leurs âmes dans l'autre, puis prononçant ces solennelles paroles: «  Mene, Mene, Tekel: Tu as été pesé dans la balance et tu as été trouvé léger (Dan, 5, 25-27.) Et quand vous mesurez vos étoffes et que vous coupez la quantité dont vos chalands ont besoin, pensez à la mesure de vos jours; réfléchissez de combien petite durée vous êtes. Votre vie, vous le savez, ne doit pas dépasser une certaine longueur, et chaque année la mesure avance, elle avance toujours, jusqu'à ce qu'enfin les ciseaux de la mort en trancheront le fil. Et que sais-tu, ô pécheur, si le temps qui te reste à vivre n'est pas réduit à la mesure de quatre doigts? Qu'est ce que ce malaise qui te mine, si ce n'est le premier coup de ciseau? Qu'est ce que ce tremblement dans tes membres, cet affaiblissement de ta vue, cette perte de ta mémoire, ce déclin de ta vigueur, si ce n'est la première déchirure? Ah! Souviens-toi que bientôt, oui, bientôt, le fragile tissu de ta vie sera déchiré en deux, que le nombre de tes jours sera accompli, que tes années seront dissipées, finies, perdues sans retour!

Mais peut-être, mon frère, es-tu en service et tes occupations sont-elles de nature très diverse.

Dans ce cas, diverses également sont les instructions que Dieu te donne. L'ouvrier attend son salaire et le mercenaire achève sa journée: voilà une similitude qui s'adresse tout particulièrement à toi. Lorsque tu auras achevé ta journée ici-bas, toi aussi tu recevras ton salaire. Qui donc est ton Maître? Sers-tu Satan, le monde, les convoitises de la chair, et tes gages te seront-ils comptés dans la monnaie brûlante de l'enfer? Ou bien es-tu au service du Prince de la paix, du doux Emmanuel, et recevras-tu pour prix de ta journée une couronne d'or dans le ciel? Oh! Bienheureux es-tu si tu sers un bon maître! Car tel qu'est ton maître, tel sera ton salaire, et tel qu'est ton travail, telle sera ta récompense.

Ou bien es-tu de ceux qui travaillent avec la plume, qui jour après jour écrivent sans relâche? S'il en est ainsi, rappelle-toi, ô homme, que ta vie tout entière est une écriture. Même lorsque ta main ne manie pas la plume, tu écris: tu enregistres sur les pages de l'éternité, soit tes péchés, soit ta sainte confiance en Celui qui t'a aimé. Heureux seras-tu, ô écrivain, si au dernier jour ton nom se trouve inscrit sur le livre de vie de l’agneau, si les sombres caractères qui retracent l'histoire de ton pèlerinage ici-bas, sont effacés par le sang de Jésus, et si tu portes gravé sur ton front, en traits indélébiles, le saint nom de Jéhovah.

Ou bien, tu es peut-être médecin ou pharmacien; tu prescris ou tu prépares des remèdes pour guérir le corps de l'homme. Dans l'un et l'autre cas, Dieu te parle en similitudes. Il se tient à côté du mortier où tu mélanges tes drogues, ou près de la table sur laquelle tu écris tes ordonnances, et il te dit: « O homme, toi aussi tu es malade, mais je puis t'indiquer un remède souverain. Le sang et la justice de Christ, saisis par la foi et appliqués par l'Esprit, guériront ton âme souffrante. Je puis le composer une potion qui te délivrera de tous les maux et te fera parvenir à cet heureux séjour dont les habitants ne diront plus: « Je suis malade (Esaïe, 33, 24.)» Veux-tu prendre le remède que je te prescris ou veux-tu le rejeter? Te semble-t-il amer et en détournes ­tu tes lèvres? Allons, bois, mon enfant; bois sans hésiter, car il y va de ta vie. Comment échapperas-tu, en effet, si tu négliges un si grand salut?

Moules-tu le fer, fonds-tu le plomb ou travailles-tu quelque autre métal arraché aux entrailles de la terre? Alors prie le Seigneur de fondre ton cœur et de le jeter dans le moule de son Evangile. – Fais-tu des vêtements pour tes semblables? Oh! Prends garde d'être toi-même couvert d'un vêtement qui subsistera aux siècles des siècles.

Ou bien ton art est-il celui de construire? Es tu occupé tout le jour à placer pierre sur pierre, et à remplir les interstices avec du mortier? Souviens-toi, ô mon frère, que tu bâtis pour l'éternité. Oh! Puisses-tu toi-même être assis sur le seul fondement solide qui est Christ. Et puisses-tu bâtir sur ce fondement non du bois, du foin, dut chaume, mais de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, afin que ton ouvrage résiste à l'épreuve du feu. Prends garde, ô homme, de ne pas être un simple échafaudage dont le Seigneur se sert pour bâtir son Eglise, mais qui ensuite doit être abattu et brûlé au feu qui ne s'éteint point. Prends garde de construire l'édifice de ton salut sur le roc et non sur le sable. Prends garde enfin que le précieux ciment du sang de Jésus, t'unisse à la maîtresse pierre de l'angle, ainsi qu'à chacune des pierres qui composent la maison spirituelle du Seigneur.

Es-tu joaillier ou lapidaire? Tailles-tu le diamant et donnes-tu à la pierre précieuse l'éclat qui en fait le prix? Plût à Dieu que tu voulusses profiter du contraste qui existe entre ton âme et le joyau sur lequel tu exerces ton art! Plus tu le tailles, plus il brille; mais toi, ô homme, quoique tu aies été taillé, battu, pulvérisé, dirai-je, par les coups de l'affliction; quoique la mort, tantôt sous la forme du choléra, tantôt sous celle de la fièvre ou de quelque autre maladie, ait souvent frappé à ta porte, tu n'en es pas plus brillant; au contraire, lu sembles plus terne. Et comment s'en étonner? Tu n'es pas, hélas, un diamant; tu n'es qu'un caillou de nulle valeur; aussi quand l'Eternel mettra à part ses plus précieux joyaux, il ne te serrera pas dans la cassette de ses trésors, car tu n'es point au nombre des chers enfants de Sion qui sont estimés comme le meilleur or.

Tu le vois, mon cher auditeur, quelle que puisse être ta position, quel que soit l'étal que tu exerces, Dieu parle incessamment à la conscience. Oh! Puisses-tu, dès aujourd'hui, ouvrir tes yeux et tes oreilles, afin que tu voies et que tu entendes les choses excellentes que ton, Père céleste veut t'enseigner.

Et maintenant quittons les similitudes et résumons nettement et clairement ce qu'il importe à chacun de savoir. Pécheur! Tu es encore sans Dieu et sans Christ. D'un moment à l'autre tu peux mourir. Tu ne saurais affirmer qu'aujourd'hui même, avant que l'aiguille de l'horloge ait achevé le tour du cadran, tu ne sois au milieu des flammes de l'enfer… Bien plus: tu es déjà condamné, parce que tu ne crois pas au nom du Fils unique de Dieu. Mais voici, Jésus-Christ te dit en ce jour: Oh! Si tu voulais être sage! Si tu voulais considérer ta dernière fin! Il crie en cet instant à tous ceux qui m'écoutent: Combien de fois ai-je voulu vous rassembler comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu! Je vous en conjure, mes chers auditeurs, l'entrez en vous-mêmes, considérez vos voies. S'il vaut la peine de vous préparer un lit dans les flammes éternelles, faites-le! Si les plaisirs de ce monde méritent qu'on perde son âme pour en jouir, si le ciel est un mensonge et l'enfer une imposture, persévérez dans vos iniquités! Mais s'il est vrai qu'il y ait un enfer pour les pécheurs et un ciel pour les âmes qui se repentent; si toi-même, ô mon frère, tu dois passer toute une éternité dans l'un ou l'autre de ces lieux, -je te le demande sans détour, sans similitude, aussi simplement que possible: es-tu sage de vivre comme tu le fais? Es-tu sage de vivre sans sa simplicité: « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé. » Jésus est mort, il est ressuscité, et maintenant il faut que tu l'acceptes comme TON Sauveur. Il faut que tu croies fermement qu'il peut sauver à plein tous ceux qui s'approchent de Dieu par lui; plus encore: il faut que croyant cela de tout ton cœur, tu te jettes, sans hésiter, corps et âme, dans les bras de Jésus.

Esprit de Dieu! Aille-nous tous à faire ces choses! Que par le moyen de similitudes, ou par les dispensations de ta providence, ou par la voix de tes prophètes, nous soyons tous amenés à toi! Oui, Seigneur, sauve-nous pour l'éternité, et qu'à toi en soit toute la gloire!

 

 

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TEL MAITRE, TELS DISCIPLES

 

Eux, voyant la hardiesse de Pierre et de Jean, et sachant que c'étaient des hommes sans lettres et du commun peuple, ils étaient dans l'étonnement, et ils reconnaissaient qu'ils avaient été avec Jésus (Actes,4,13).

Admirez, mes frères, la puissance de la grâce divine. Quelle merveilleuse et rapide transformation n'accomplit-elle pas dans l'homme! Ce même Pierre, qui, hier encore, suivait son Maître de loin et niait avec imprécations de le connaître, nous le voyons aujourd'hui déclarant hardiment, de concert avec le disciple bien aimé, que le nom de Jésus est le seul nom par lequel les hommes puissent être sauvés, et prêchant la résurrection des morts par le sacrifice de son Seigneur crucifié. Comme on devait s'y attendre, les Scribes et les Pharisiens ne tardèrent pas à se demander d'où leur venait celle mâle assurance. Evidemment elle ne prenait sa source ni dans le prestige de la science, ni dans celui du génie, car Pierre et Jean étaient des hommes sans lettres. Elevés au rude métier de pécheurs, leur unique élude avait été celle de la mer, et le seul art qu'ils eussent cultivé, celui de jeter ou de retirer leurs filets; à cela se bornait tout leur savoir: on ne pouvait donc attribuer au sentiment de leur valeur personnelle la hardiesse dont ils faisaient preuve.

La position qu'ils occupaient dans le monde n'était pas de nature non plus il expliquer celle hardiesse. En générale le rang confère à l'homme une sorte de dignité native, et alors même qu'il est dépourvu de tout mérite propre, il lui communique un certain ton d'autorité qui en impose à bien des gens. Mais les disciples de Jésus n'étaient point dans ce cas. C'étaient, au contraire, nous dit notre texte, des hommes du commun peuple; leur naissance était humble, leur condition obscure; ils n'étaient revêtus d'aucunes fonctions propres à les mettre en évidence. Or, les Scribes et les Pharisiens savaient tout cela; aussi éprouvèrent-ils d'abord un profond étonnement en voyant la conduite des apôtres; mais bientôt ils furent obligés d'arriver à la seule conclusion qui pût jeter du jour sur ce mystère: ils reconnurent qu'ils avaient été avec Jésus. Tel était, en effet, le secret de la manière d'être des apôtres. Le saint et doux commerce qu'ils avaient entretenu avec le Prince de lumière et de gloire, fécondé, si je puis ainsi dire, par l'influence de l'Esprit du Dieu vivant, sans laquelle ce parfait exemple lui-même aurait été vain, les avait remplis d'élan, d'ardeur et de courage pour la cause de leur Maître.

Oh! Mes frères en Jésus-Christ, plussent à Dieu que ce beau témoignage rendu aux apôtres par la bouche même de leurs ennemis, pût être rendu à chacun de nous! Ah! Si nous vivions comme Pierre et Jean; si notre conduite était comme la leur, une épître vivante, lue et connue de tous les hommes, si, en nous voyant agir, le monde était forcé de reconnaître que nous avons été avec Jésus, quel bonheur pour nous­ mêmes et quelle bénédiction pour nos alentours!

C'est sur ce sujet que j'ai à cœur, mes bien aimés, de vous parler aujourd'hui. Selon la grâce que Dieu me donnera, je chercherai à réveiller, par  mes avertissements, les sentiments purs que vous avez, exhortant chacun de vous à imiter Jésus-Christ, le divin Modèle, de telle sorte que tous ceux qui vous voient discernent en vous les vrais disciples du Fils adorable de Dieu.

Avant tout, j'exposerai CE QU'UN CHRÉTIEN DOIT ÊTRE. Ensuite je rechercherai successive ment QUAND ET POURQUOI IL DOIT ETRE TEL; en fin je dirai COMMENT IL PEUT DEVENIR TEL.

  

Et d'abord:

QU'EST CE QU'UN CHRÉTIEN DOIT ÊTRE?

A cette question, je réponds:

Tout chrétien doit être une fidèle reproduction de Jésus-Christ. Vous avez souvent lu, je n'en doute pas, des récits éloquents de la vie de Jésus et vous avez admiré le talent des pieux auteurs qui les ont écrits; mais la meilleure vie de Jésus c'est sa vivante biographie, écrite dans les paroles et les actions de son peuple. Oui, mes chers amis, si nous étions en réalité ce que nous sommes en apparence; si l'Esprit du Seigneur remplissait le cœur de tous ses enfants, et si l'Eglise, au lieu de compter, parmi ses membres, tant de formalistes, ne se composait que d'âmes vraiment animées de la vie de Dieu, tous, tant que nous sommes, nous refléterions la glorieuse image de notre Maître: nous serions des portraits de Christ, et des portraits tellement conformes à l'original, que pour saisir la ressemblance, le monde n'aurait pas besoin: de nous considérer longtemps et attentivement, mais qu'au premier coup d'œil jeté sur nous, il serait contraint de s'écrier: « Cet homme a été avec Jésus! Il lui ressemble; c'est un de ses disciples; dans ses actes de tous les jours, dans sa vie tout entière, on reconnaît les traits divins du saint Homme de Nazareth. »

Mais avant d'aller plus loin, je crois utile de présenter une observation. En exposant ce que l'homme est appelé à devenir, je m'adresse spécialement aux enfants de Dieu. Non pas que je désire leur faire entendre le langage de la légalité. Grâces à Dieu, nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce. Les vrais chrétiens se considèrent comme moralement obligés d'observer les préceptes du Seigneur; toutefois, ce n'est point parce que la loi les tient courbés sous son joug de fer: c'est parce que l'amour de Christ les presse. Ils estiment qu'ayant été rachetés par un sang divin, ayant été acquis par Jésus-Christ, ils sont tenus de garder ses commandements infiniment plus qu'ils ne le seraient, s'ils étaient encore sons la loi. Ils se considèrent comme redevables à Dieu, dix mille fois autant qu'ils n'auraient jamais pu l'être sous la dispensation mosaïque. Non point par force ou par nécessité, ou par crainte du fouet, ou dans un esprit de servile obéissance, mais par amour et par gratitude envers son Père céleste, le racheté de Jésus s'offre à lui tout entier, heureux de se dépenser à son service et de travailler sans relâche à devenir un véritable Israélite, en qui il n'y a point de fraude. - J'ai tenu à m'expliquer nettement sur ce point, afin que personne ne puisse s'imaginer que je prêche les œuvres, comme moyen de salut. Nous sommes sauvés par grâce, par la foi, ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie (Ephes, 2, 8, 9.): voilà ce que je maintiendrai toujours, envers et contre tous. Mais d'un autre côté, il est de mon devoir d'enseigner, avec non moins de force, que la grâce reçue dans le cœur doit nécessairement produire la sainteté dans la vie. Nous sommes tenus, mes bien-aimés, moi, de vous exhorter incessamment aux bonnes œuvres, et vous, de vous y appliquer pour les usages nécessaires (Tite, 3, 14.).

Encore un mot d'explication. Lorsque je dis que l'enfant de Dieu doit être une copie frappante de Jésus, je ne prétends pas assurément qu'il puisse parfaitement reproduire tous les traits de notre Seigneur et Sauveur. Néanmoins, de ce que la perfection est au-dessus de notre portée, s'ensuit-il que nous devions y tendre avec moins d'ardeur? A Dieu ne plaise! Sans doute, quand il peint, l'artiste n'ignore pas qu'il ne deviendra jamais un Appelles; mais cela le décourage-t-il? Nullement. Il manie le pinceau avec d'autant plus de soins, afin de parvenir à ressembler au grand maître dans quelque humble mesure. Il en est de même du sculpteur. Quoique certain à l'avance qu'il n'éclipsera jamais Praxitèle, abandonnera-t-il pour cela le ciseau? Non; il taillera le marbre avec toujours plus d'ardeur, cherchant à se rapprocher autant que possible du sublime modèle qu'il a devant lui. Ainsi doit-il en être du chrétien. Quoiqu'il ne sente que trop bien, hélas! Qu’il ne saurait s'élever jusqu'aux hauteurs d'une excellence accomplie, et que sur cette terre il n'offrira jamais qu'une bien faible copie de son Maître, cependant, il doit tenir ses yeux constamment fixés sur cette grande image, et mesurer ses propres imperfections par la distance qui le sépare de Jésus. «Excelsior! (Plus haut) en avant!» telle est la devise qui convient au chrétien; et oubliant, comme saint Paul, les choses qui sont derrière lui, il doit s'avancer vers le but, jaloux d'être transformé de plus en plus à la glorieuse ressemblance de son Seigneur.

En premier lieu, le chrétien doit s'efforcer ressembler à Christ, dans sa hardiesse. Il faut le dire, la hardiesse est une vertu fort peu goûtée de nos jours. On la flétrit volontiers du nom d'intolérance, d'opiniâtreté, de fanatisme. Mais quelle que soit le nom qu'on lui donne, cette vertu n'en est pas moins précieuse. Si les Scribes avaient dû définir ce qu'étaient Pierre et Jean, nul doute qu'ils ne les eussent qualifiés d'audacieux fanatiques.....

Quoi qu'il en soit, Jésus-Christ et ses disciples étaient remarquables par leur courage.

Voyant la hardiesse de Pierre et de Jean, les juifs reconnaissaient qu'ils avaient été avec Jésus, dit mon texte .Jésus ne courtisa jamais le riche; jamais il ne courba le front devant les grands ou les nobles de la terre. Vrai homme aussi bien que vrai Dieu, il marcha au milieu de ses semblables la tête haute, dans le sentiment de sa dignité d'homme: prophète envoyé de Dieu, il dit librement et hardiment ce qu'il avait à dire. N'avez-vous jamais admiré, mes frères, le beau trait de courage par lequel le Sauveur commença son ministère? I1 se trouvait dans la ville où il avait été élevé. I1 entre dans la synagogue; le livre de la loi est mis entre ses mains; il sait que nul prophète n'est honoré dans son pays, mais que lui importe? I1 déroule sans crainte: le volume sacré, il lit, puis il explique ce qu'il a lu. Et quelle est la doctrine que Jésus expose ainsi en pleine synagogue, devant un auditoire composé en grande partie de Scribes et de Pharisiens , tout pleins de leur propre justice et tout fiers de pouvoir se dire «les enfants d'Abraham? » Sûrement, il a choisi un sujet adapté au goût de ses compatriotes, un sujet qui lui fournira l'occasion de se concilier leur bienveillance. Non, tout au contraire. Jésus prêche une doctrine qui de tout temps a été méprisée et haïe: la doctrine de l'élection. Ecoutez-le: Je vous dis, en vérité, qu'il y avait plusieurs veuves en Israël au temps d'Elie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, tellement qu'il y eut une grande famine par tout le pays, néanmoins Elie ne fut envoyé chez aucune d’elles, mais chez une femme veuve de SAREPTA, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël, au temps d'Elisée le prophète, toutefois aucun d'eux ne fut guéri; le seul Naman qui était syrien le fut (Luc, 4, 25-27.). En d'autres termes, Jésus déclare ouvertement que Dieu fait miséricorde à qui il veut, et sauve qui il lui plaît. Ah! Comme ses auditeurs grincèrent des dents contre lui! Avec quelle fureur ils le traînèrent hors de la ville pour le précipiter du sommet de la montagne! N'admirez-vous pas son héroïsme?

Il sait que leurs cœurs sont pleins de haine; il entend leurs menaces; il voit leurs bouches écumant de rage, mais il ne les craint point; il se tient au milieu d'eux, calme et ferme, comme l'ange qui ferma la gueule du lion. Il annonce fidèlement ce qu'il sait être la vérité de Dieu, et en dépit de leurs colères, leur fait entendre cette vérité jusqu'au bout. - Tel fut Jésus durant toute sa vie. Voit-il un Scribe ou un Pharisien dans la foule? Il ne se laisse point intimider par leur présence, mais les montrant du doigt, il s'écrie; « Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites! » Et lorsqu'un docteur de la loi l'interrompt en disant: «  Maître, en disant ces choses, tu nous outrages aussi, » il se retourne et ajoute avec une nouvelle énergie: « Malheur aussi à vous, Docteurs de la loi! Parce que vous chargez les hommes de fardeaux qu'ils ne   peuvent porter, et vous-mêmes n'y touchez pas d'un de vos doigts (Luc, 11, 44,-47.). »Oui, en toutes occasions, Jésus agit avec droiture et courage. Jamais il ne connut la crainte de l'homme; jamais il ne trembla devant personne. Insoucieux de gagner l'estime d u monde, il traversa la vie comme, l'élu de Dieu, comme Celui que le Père avait, oint au-dessus de tous ses semblables. Mes chers amis, imitez Christ sous ce rapport. Tel fut le Maître, tels doivent être les disciples. Ne vous  contentez pas, je vous en supplie, de cette religion si fort en vogue aujourd'hui, qui se modifie suivant les circonstances, qui a besoin pour s'épanouir d'une atmosphère de serre chaude, qui s'étale complaisamment dans les salons évangéliques, mais dont on ne soupçonne pas même l'existence en dehors d'une certaine société. Non, si vous êtes des serviteurs de Dieu, soyez comme Jésus-Christ: pleins d'une sainte audace pour la cause de votre Maître. Ne rougissez point de confesser votre foi. Jamais le nom de chrétien ne vous déshonorera: prenez garde de ne point déshonorer ce nom. L'amour de Christ n'a jamais nui à personne; il peut, il est vrai, vous attirer quelques froissements temporaires de la part de vos amis et quelques propos calomnieux de la part de vos ennemis; mais prenez patience, et vous triompherez de tout. Prenez patience; car au jour où votre Maître apparaîtra dans la gloire de ses anges, pour être admiré de tous ceux qui l'aiment, vous aussi vous serez glorifiés, et ceux-là même qui vous auront méprisés, haïs, insultés ici-bas, seront contraints de vous rendre hommage. Soyez donc comme Jésus, mes bien-aimés, sans peur et sans reproche, vaillants pour votre Dieu, en sorte que, voyant votre hardiesse, le monde soit forcé de dire: « Il ont été avec Jésus. »

Mais de même qu'un seul trait ne rend pas la physionomie d'un homme, de même la seule vertu du courage ne vous fera pas ressembler à Christ. Il y a eu des chrétiens qui ont été de nobles cœurs, de grands caractères, mais qui ont porté la hardiesse à l'excès: ils ont été, non le portrait de Christ, mais sa caricature. A notre courage, il faut que nous amalgamions, pour ainsi dire, la douceur de Jésus. Que le courage soit l'airain, que l'amour soit l'or; et du mélange de ces deux éléments sortira un riche métal, digne de servir à la construction du temple de Dieu. Que la douceur et la hardiesse soient fondues ensemble dans votre cœur. Le chrétien courageux peut assurément accomplir des merveilles. John Knox (Célèbre réformateur écossais, ami de Calvin, remarquable sur tout par la fermeté de ses principes, par l'austérité de son caractère et par son courage à toute épreuve.) fit beaucoup pour la cause de son Maître, mais peut-être aurait-il fait davantage si, à son admirable intrépidité, il avait joint un peu plus d'amour. Luther fut un conquérant - honneur à sa mémoire et paix à ses cendres!....Toutefois, il semble, à nous qui le contemplons d'une certaine distance, que s'il avait parfois mêlé un peu d'aménité à son indomptable énergie; que si, tout en poursuivant l'erreur jusque dans ses derniers retranchements, il avait parlé avec un peu plus de mesure, il semble, dis-je, que Luther lui-même aurait pu faire plus encore qu'il n'a fait. Appliquons-nous donc, mes bien-aimés, à imiter Jésus, non seulement dans son courage, mais aussi dans son aimable douceur. Voyez-le pendant son Séjour Sur la terre. Un enfant vient-il à lui? Il le prend dans ses bras en disant: « Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empêchez point. » Une veuve qui a perdu son fils unique se trouve-t-elle sur son passage? Il la regarde avec une tendre sympathie, lui dit: «.Ne pleure point,» et d'un mot, lui rend son, enfant. Rencontre t-il un aveugle, un lépreux, un paralytique? Il leur parle avec bonté, les touches et les guérit. Il vécut pour les autres, non  pour lui-même. Ses travaux incessants n'avaient qu'un but: le bien de ceux qui l'entouraient. Et pour couronner sa vie de dévouement, vous savez l'étonnant sacrifice qu'il daigna offrir à son Père. O prodige Je miséricorde! Il donna sa vie pour l'homme coupable. Sur l'arbre de la croix, an milieu des angoisses d'une lente agonie, en proie à des souffrances indicibles, il consentit à mourir à notre place, ainsi, mes bien-aimés. Imitez Christ dans sa débonnaireté, dans son support, dans son amour. Qu'il n'y ait en vous ni aigreur ni rudesse.

Parlez avec bonté, agissez avec bonté, conduisez-vous avec bonté. Alors le monde pourra dire de vous ce que les Juifs disaient autrefois des apôtres: « Ils ont été avec Jésus! »

Un autre grand trait du caractère de Jésus, c'était sa profonde et sincère humilité. A cet égard aussi, soyons tels que notre Maître. A Dieu ne plaise que nous soyons ou rampants ou serviles! (Loin de là; nous sommes libres; la vérité nous a affranchis; nous sommes donc égaux à tous, inférieurs à personne) Toutefois nous devons être humbles de cœur, comme Jésus. 0 toi, chrétien orgueilleux.- (car, quelque paradoxal que cela puisse paraître, il y a des chrétiens de cette espèce, on n'en saurait douter: je ne suis pas assez peu charitable pour refuser absolument le titre de frère à tout homme qui est entaché d'orgueil): - ô toi, dis-je, chrétien orgueilleux, regarde à ton Maître, je t'en supplie. Vois-le se dépouillant de la majesté divine et daignant converser avec le genre humain; vois-le parlant à des enfants, habitant au milieu! Des paysans de la Galilée, et enfin - ô profondeur incomparable de condescendance! -lavant les pieds de ses disciples et les essuyant avec un linge. Voilà, ô chrétiens, le Maître que vous prétendez servir! Voilà le Seigneur que vous faites profession d'adorer! Et cependant, j'en appelle à vos consciences, combien parmi vous qui rougiraient de tendre la main à un de leurs semblables, vêtu autrement qu'eux-mêmes ou moins favorisé en biens de ce monde ?...On l'a dit avec raison: dans la société actuelle, l'or ne fraternise que difficilement avec l'argent, et l'argent à son tour regarde la monnaie de cuivre du haut de sa grandeur; mais dans l'Eglise il n'en doit pas être ainsi. En devenant membres de la grande famille de Christ, il faut que nous nous dépouillions de ces préjugés de caste, de rang et de fortune. Rappelle-toi, croyant,  quel était ton Maître. Enfant de la pauvreté, il naquit, il vécut au milieu des pauvres, il mangea avec eux. Et tu oserais, toi, vermisseau d'un jour, marcher l'air hautain et le regard superbe, te détournant avec mépris des vermisseaux, tes frères, qui marchent à tes côtés?...

Qu'es-tu donc toi-même, je te le demande, qu'es-tu, si ce n'est le plus misérable d'entre eux, puisque ton or, ou ton élévation, ou tes vêtements somptueux te rendent vain? Va, pauvre âme, tu es bien petite aux yeux de Dieu!

Christ était humble; il n'avait ni fierté ni arrogance; il savait s'abaisser pour servir les autres; il n'avait point égard à l'apparence des personnes. Ami des péagers et des gens de mauvaise vie, il ne rougissait point d'être vu avec eux. Chrétien, sois tel que ton Maître. Comme lui sache t'abaisser. Bien plus: sois une de ces âmes qui estimant les autres comme plus excellentes qu'elles-mêmes, ne croient pas s'abaisser en se mettant toujours au dernier rang, qui considèrent comme un honneur de s'asseoir avec les plus chétifs des enfants de Dieu, et qui disent dans la sincérité de leur cœur: « Si mon nom est seulement écrit il la dernière page du livre de vie, c'en est assez pour une créature aussi indigne que moi.»Oui, applique-toi, ô mon frère, à ressembler à Christ par ton humilité.

Je pourrais continuer ainsi, mes chers amis, passant pour ainsi dire en revue les divers traits qui caractérisent la sainte et parfaite figure du Fils de Dieu; toutefois, je crois inutile de pour suivre cette étude, car chacun de vous peut la faire aussi bien que moi. Pour cela, il lui suffira de contempler l'image du Sauveur telle qu'elle est peinte d'après nature dans son Evangile. D'ailleurs, le temps me manquerait si je voulais vous présenter une esquisse tant soit peu complète du caractère de Jésus. Je n'ajouterai donc qu'un seul mot: imitez Christ dans sa sainteté. Etait-il dévoré de zèle pour le service de son Maître! Soyez-le vous aussi. Allez de lieu en lieu en faisant le bien. Ne gaspillez point votre temps: il est trop précieux pour le perdre. - Jésus était-il animé d'un esprit de renoncement, ne recherchant jamais son propre intérêt, mais ayant égard à celui des autres? Comme lui, renoncez à vous-mêmes. - Etait-il fervent d'esprit? Comme lui, priez sans cesse.- Avait-il une déférence sans  bornes pour la volonté de son Père? Comme lui, soumettez-vous sans murmure. - Etait-il patient? Comme lui, apprenez à souffrir. - Par-dessus tout, Ô croyant, pardonne à tes ennemis comme Christ pardonna aux siens. Que celle sublime, parole de ton Maître: « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font! » retentisse toujours à tes oreilles. Quand tu es disposé à te venger toi même, quand tu sens l'indignation bouillonner; dans ton cœur, mets de suite un frein au fougueux coursier de la colère et ne permets pas: qu'il t'emporte dans son impétueux élan. Sou viens toi que l'emportement n'est autre chose qu’une folie temporaire. Pardonne comme tu espères être pardonné. Amasse des charbons de feu; sur la tête de ton ennemi par ta bonté à son égard. Qui rend le bien pour le mal ressemble à Dieu: cherche donc à ressembler à ce Dieu d'amour et en toutes choses efforce toi, de te conduire de telle manière que tes ennemis eux-mêmes soient contraints de dire: " Cet homme a été avec Jésus. ».

  

Mais il ne suffit pas de savoir ce que le chrétien doit être; il faut encore savoir QUAND IL DOIT ÊTRE TEL.

Dans le monde on pense généralement qu'il est très convenable d'être pieux le dimanche, mais qu'il importe peu ce qu'on est le lundi.

Que de soi-disant ministres de l'Evangile qui sont de très fervents prédicateurs le jour du sabbat, et des prédicateurs d'impiété pendant le reste de la semaine ! Que de personnes qui se rendent à la maison de Dieu, l'air solennel, le maintien grave, qui se joignent au chant et font semblant de prier, mais qui en réalité n'ont point de part ni rien à prétendre en cette affaire, étant encore dans un fiel : très amer et dans les liens de l'iniquité! Posons-nous donc sérieusement celte question, mes chers auditeurs: quand! Est ce que le chrétien doit, ressembler à son Maître? Y a-t-il un temps, où le soldat de Christ puisse dépouiller son uniforme déboucler son armure et devenir semblable aux autres hommes? Oh! Non, mille fois non ! En tous temps et en tous lieux, il faut que le chrétien soit en réalité ce qu'il fait profession d'être. Je me souviens d'une conversation que j'eus il y a quelque temps avec une personne du monde. «  Je n'aime pas, » me disait-elle, « que mes visiteurs abordent des sujets religieux; sans doute; la religion est bonne le dimanche et lorsqu'on est dans la maison de Dieu; mais dans un salon, je la trouve fort déplacée. » A cela je répondis que si la religion devait être bannie de partout excepter des lieux de culte, nos temples et nos chapelles se trouveraient bientôt transformés en vastes dortoirs, « Pourquoi cela? » demanda mon interlocuteur avec surprise. « Eh! C’est bien simple, » répliquai-je. « Tous, nous aurons besoin de la religion pour mourir: or, comme la mort peut nous sur­prendre d'un instant à l'autre, qui voudrait s'éloigner du seul lieu où la religion serait admise?... » Oui, à l'heure suprême, chacun de nous aura besoin des consolations de l'Evangile; niais comment pourrions-nous espérer d'en jouir, si, pendant notre vie, nous n'obéissons  point aux préceptes de ce même Evangile? Imitez donc Christ en tous temps, mes bien-aimés. Imitez-le dans votre vie publique. Plusieurs d'entre nous sont peut-être appelés à vivre dans une sorte de monde officiel; le rang que nous occupons, les fonctions dont nous sommes investis, nous donnent peut-être quelque relief sur nos semblables. Oh! S’il en est ainsi, prenons garde. Nous sommes épiés; n'en doutons pas. Nos paroles sont relevées, nos actes commentés; noire conduite tout entière est examinée, analysée, mise en pièces. Le monde, au regard d'aigle, aux yeux d'Argus, le monde ne nous perd pas de vue; il nous surveille, nous observe et de sévères critiques sont toujours prêtes à fondre sur nous. Voulons-nous, mes chers amis, réduire au silence nos adversaires? Efforçons-nous de vivre de la vie de Christ dans nos relations avec les hommes. Appliquons-nous à copier si fidèlement notre Maître dans notre conduite publique que nous puissions toujours dire: « Ce n'est plus moi qui vit, c'est Christ qui vit en moi. » - Et vous, en particulier, membres de nos Eglises, qui êtes appelés à les diriger, à veiller à leurs intérêts, à délibérer sur leurs affaires, soyez animés de ce même esprit, je vous en supplie. Combien parmi vous qui, semblables à Diotrèphe, aiment à être les premiers! (3 Jean, 9) Combien qui aspirent à primer et à dominer sur ceux qui les entourent, oubliant que d'après l'Evangile, tous les chrétiens sont égaux devant Dieu, qu'ils sont tous frères, et que, par conséquent, ils ont tous droit aux mêmes privilèges! Je vous le dis donc: cherchez à vous pénétrer de l'esprit de votre Maître dans vos rapports avec vos Eglises respectives, en sorte que les membres de ces Eglises puissent vous rendre d'un commun accord ce beau témoignage: « Ils ont été avec Jésus. »

Mais par-dessus tout, ressemblez à Christ dans vos maisons. Une maison où l'on respire une atmosphère chrétienne est la meilleure preuve d'une piété vivante. Pour savoir ce que je suis, ce n'est point dans mon lieu de culte qu'il faut aller, mais dans mon intérieur; ce n'est point mon pasteur qu'il faut consulter; c'est la personne qui me voit de plus près. C'est la servante, l'enfant, l'épouse, l'ami qui peuvent le mieux juger de ce que vaut mon christianisme. Un homme pieux doit nécessairement exercer une bonne influence sur ses alentours. « Jamais je ne croirai qu'un homme soit un vrai chrétien, » disait un prédicateur célèbre (Rowland Hill), « si sa femme, ses enfants, ses domestiques, voire même le chien qui vit sous son toit, ne ressentent les heureux effets de sa piété.»

Telle est la religion de la Bible. Ce n'est point au langage, ce n'est point aux dehors, c'est à la vie qu'on reconnaît l'enfant de Dieu. Si votre entourage ne gagne rien à votre christianisme, si en vous voyant au milieu de votre famille, les mondains ne sont pas contraints de dire: « Voilà une maison mieux dirigée, mieux gouvernée que les nôtres, » - ne vous y trompez point: vous êtes encore étrangers à la piété seule digne de ce nom. Que vos serviteurs, en vous quittant, ne puissent pas dire: « Singuliers chrétiens que ceux-là, vraiment! Point de culte le matin, point de culte le soir. Le dimanche, il est vrai, ils allaient à la maison de Dieu; ils y entendaient annoncer le saint Evangile; mais quant à moi, on me laissait travailler tout le jour; ou si, par extraordinaire, on me permettait de sortir, ce n'était que le soir, à la hâte, lorsque j'étais exténué de fatigue. » Non, mes frères, qu'on ne puisse pas dire ces choses de vous. Que votre piété influe au contraire jusque sur les moindres détails de votre vie domestique. Montrez à tous ceux qui vous entourent que votre religion est avant tout une religion pratique. Qu'elle soit lue et connue dans votre cercle intime aussi bien et mieux encore que dans le monde. Je dis: mieux encore, car ce que vous êtes chez vous, vous l'êtes en réalité, Trop souvent notre vie extérieure n'est qu'un rôle d'emprunt, et tous nous sommes plus ou moins des acteurs; mais dans la vie privée, le masque tombe, et nous nous montrons tels que nous sommes. Prenons donc garde de ne pas négliger la piété du chez soi, les devoirs de tous les jours. Imitons Christ dans nos maisons.

Enfin, mes bien-aimés, avant de quitter celle partie de mon sujet, je vous dirai encore: Imitez Jésus en secret. Oui, quand aucun œil ne vous voit, si ce n'est l'œil de Dieu; quand les ténèbres vous enveloppent, quand vous n'êtes pas exposés à l'observation de vos semblables, même alors, soyez tels que Jésus-Christ. Rappelez-vous son ardente piété sa dévotion intérieure. Rappelez-vous comment, après avoir laborieusement instruit la multitude pendant le jour, il se retirait au milieu des ombres de la nuit pour implorer le secours de son Père. Rappelez-vous comment la vie de son âme fut sans cesse alimentée par de nouvelles communications du Saint-Esprit qu'il puisait dans la prière. Chrétiens, à cet égard comme à tous les autres, suivez l'exemple de votre Sauveur. Ayez toujours l'œil ouvert sur votre vie secrète: que celle vie soit telle que vous n'ayez pas honte de la lire devant tous au grand jour du jugement. Ah! Si les secrets des cœurs étaient dévoilés en ce moment Afin que nous pussions être sauvés. Christ est l'amour incarné. En lui nous voyons la plus touchante, la plus parfaite personnification de la bienveillance et de la charité. Comme Dieu est amour, Christ est amour. O chrétiens ! Soyez donc amour, vous aussi. Que votre bon vouloir, votre compassion, votre bénéfice ce rayonne sur tout ce qui vous entoure. Ne dites pas à ceux qui souffrent: « Allez en paix, chauffez-vous et vous rassasiez, » mais faites part de votre pain à sept et même à huit (Jacq., 2,16; Ecclés., 11,2.). Si vous ne pouvez imiter Howard (Philanthrope anglais du siècle dernier, bien connu par Son dévouement à visiter les prisons, non seulement dans sa patrie, mais dans toute l'Europe.) et comme lui ouvrir les portes des cachots pour faire entendre aux prisonniers un message d'espérance; si vous ne pouvez pénétrer dans les tristes demeures de la misère et du vice, faites du moins ce que vous pouvez, chacun dans la sphère qui lui est propre. Que vos paroles, que vos actions respirent l'amour.

Que Christ revive pour ainsi dire en vous, par la douceur et la bonté. S'il est une vertu qui, plus que toute autre, convient au disciple de Jésus, assurément c'est cet esprit de mansuétude et de bénignité, cet esprit qui le porte à aimer le peuple de Dieu, à aimer l'Eglise, à aimer le monde, à aimer tous les hommes. Et pourtant que de chrétiens, à l'humeur difficile et chagrine, n'y a-t-il pas dans nos Eglises, qui semblent avoir dans leurs tempéraments une si forte mesure de vinaigre et de fiel, qu'en vérité c'est à peine si l'on peut obtenir d'eux une bonne parole! Ils s'imaginent qu'il n'est possible de défendre la religion autrement que par des paroles acerbes; aussi ne plaident-ils jamais la cause de leur Maître sans se laisser aller à des accès d'emportement, et si dans leur famille, dans l'Eglise ou ailleurs tout ne marche pas an gré de leurs désirs, ils considèrent comme un devoir de rendre leur face semblable à un caillou (Essaie, 50, 7,) et de défier tout le genre humain. De tels chrétiens ressemblent à des glaçons isolés; personne ne se soucie de s'approcher d'eux; on les évite, on redoute leur contact. Solitaires et oubliés, ils flottent sur les vagues de la vie, jusqu'à ce que le courant les ait emportés. Et quoique sans doute, les chères âmes, nous serons fort heureux de les rencontrer dans le ciel, leurs esprits ont toujours été si mal tournés, que franchement nous ne sommes pas fâchés de vivre loin d'eux sur la terre… Ne soyez point comme ils le seront au dernier jour, on verrait, hélas! Que la vie intérieure du plus grand nombre n'est pas une vie, mais une mort. Il est même de vrais chrétiens dont on peut dire que leur vie est à peine une vie. C'est une sorte de demi existence. Ils se traînent péniblement dans le chemin du ciel. Une ou deux fois par jour, ils élèvent en hâte vers Dieu une prière, une aspiration, un soupir tout juste ce qu'il faut pour conserver dans leur âme une étincelle de vie, mais rien de plus. Oh ! Mes frères en Christ, je vous en supplie, ne vous contentez point d'un aussi déplorable état. Faites, tous vos efforts pour ressembler davantage à Jésus dans votre vie intime. Surtout, vaquez avec soin à vos dévotions particulières. Vous le dirai-je? Je crains que même parmi ceux d'entre vous qui sont le plus avancés dans la piété, la prière individuelle ne soit trop négligé (Nous avons cru devoir supprimer ici quelques détails se rapportant exclusivement à M. Spurgeon et à son troupeau, et donner à ce passage une application plus étendue, tout en ne nous écartant pas de la pensée de l'auteur, (Note du. Traducteur,)).

Et pourtant, le Seigneur ne vous a t il pas encouragés de toutes, manières à lui exposer vos besoins? N'a-t-il pas répondu mille et mille fois à vos supplications? Voudriez-vous donc vous ralentir dans vos prières ? Voudriez-vous cesser de crier au Seigneur?

Oh ! Non, mes bien-aimés, qu'il n'en soit point ainsi. Allez dans vos maisons, tombez à genoux, intercédez avec une nouvelle ardeur auprès de votre Père céleste, lui demandant ses bénédictions et pour vous-mêmes, et pour vos amis, et pour le monde entier. Souvenez-vous spécialement de vos pasteurs, afin qu'ils soient soutenus dans l'œuvre si difficile de leur ministère. Suppliez Dieu de vous rendre capables de tenir vos mains élevées en haut, comme autrefois Moïse sur la montagne, afin que les Josué qui sont dans la plaine puissent combattre et vaincre les Amalécites (Exode, 17, 8-13.). C'est maintenant le moment décisif: perdrons-nous la bataille par notre faute? C'est ici l'heure de la marée montante: n'en profiterons-nous pas pour entrer dans le port? Hâtons-nous donc! Faisons force de rames, déployons les voiles de la prière et supplions le Seigneur de les enfler lui-même par le souffle puissant de son Esprit. Oui, vous tous qui aimez l'Eternel, de tout pays et de toute dénomination, unissez vous tous ensemble pour demander à Dieu de répandre cet Esprit par toute la terre, de nous accorder un temps de nouvelle Pentecôte, de ranimer, pour l'amour de son Fils, sa faible et languissante Eglise. Oh! Mes chers amis, si nous faisions ainsi; si, comme un seul homme, nous tombions aux pieds de notre Père céleste, c'est alors que le monde reconnaîtrait que véritablement nous avons été avec Jésus!

  

Mais une autre question se présente: POURQUOI LES CHRÉTIENS DOIVENT-ILS IMITER CHRIST ?

La réponse est facile. En premier lieu, ils doivent le faire dans leur propre intérêt. S'ils tiennent à leur honneur et à l'estime de leurs semblables, qu'ils se conduisent de manière à ne pas être trouvés menteurs devant Dieu et devant les hommes. S'ils tiennent à la santé de leurs âmes, s'ils désirent être préservés de chutes et se maintenir dans le droit chemin, qu'ils s'appliquent à ressembler toujours plus à Jésus. S'ils tiennent à leur bonheur personnel; s'ils veulent que leurs âmes soient nourries de choses grasses et de vins bien purifiés (Esaïe, 25, 6.); s'ils souhaitent de jouir d'une sainte et douce communion avec Jésus, et de pouvoir planer au-dessus des peines et des soucis de la vie, qu'ils marchent sur les traces de leur Maître. Oui, croyez-le, mes chers auditeurs, rien n'est plus à votre avantage; rien ne vous procurera tant de prospérité, tant de paix, tant de force; rien ne vous aidera si efficacement à avancer vers le ciel, à traverser la vie, le front serein et les yeux brillants de gloire; en un mot, rien ne contribuera davantage à vos jouissances spirituelles que de vivre dans une constante imitation de Jésus. C'est lorsque vous serez rendus capables, par la puissance du Saint-Esprit, de placer, pour ainsi dire, vos pas dans l'empreinte de ses pas, que vous serez le plus heureux. C'est alors aussi qu'on reconnaîtra en vous de véritables, de sincères enfants de Dieu. 0 chrétiens, je vous le dis encore: dans voire propre intérêt, imitez Christ.

Imitez-le aussi dans l'intérêt de la religion. Ah ! Pauvre religion, tu as été assaillie par de cruels adversaires; mais que sont les blessures qu'ils t'ont faites, comparées à celles que tu as reçues de la main de tes prétendus amis? Personne, ô Evangile de Christ, ne t'a causé tant de dommage que ceux qui font profession d'être tes disciples! Personne, ô sainte el aimable piété, ne t'a porté de plus rudes coups que le soi-di­sant chrétien qui vit d'une manière indigne de sa vocation, que l'homme à double face, qui s'introduit dans la bergerie de l'Eglise, comme un loup en habits de brebis! Plus que le moqueur, plus que l'incrédule, plus que le sceptique, ils font tort à la cause de Christ, tous ceux qui prétendent la servir, mais dont les actes démentent les paroles. Chrétien, aimes-tu cette cause? Voudrais-tu voir l'Evangile apprécié, honoré, glorifié? Le nom du cher Rédempteur est-il précieux à ton âme? Soupires-tu après le temps où les royaumes de la terre seront soumis au Seigneur et à son Christ? Désires-tu voir les forteresses renversées, et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu détruite? La vue des pécheurs qui périssent autour de toi te pénètre telle de douleur, et brûles-tu de les gagner à Jésus, de sauver leurs âmes du feu éternel? Voudrais-tu les empêcher à tout prix de tomber dans les demeures des réprouvés? Ton cœur est-il ému de compassion à cause de tes compagnons d'immortalité? Souhaites-tu ardemment que Christ jouisse enfin du travail de son âme et qu'il en soit rassasié? S'il en est ainsi, ô mon frère, que ta vie soit en accord avec tes principes. Marche devant Dieu dans la terre des vivants. Conduis-toi en toute rencontre comme il convient à un élu. Souviens-toi quels nous de vous être par une sainte conduite et par des œuvres de piété. Voilà le meilleur moyen de travailler à la conversion du monde. Oui, j'en suis convaincu, une telle conduite ferait plus pour l'évangélisation de la société que tous les efforts des œuvres de missions, quelque excellentes que soient ces œuvres. Montrons aux incrédules que notre vie est supérieure à la leur: alors, ils ne pourront se refuser à croire que la religion est une réalité. Mais s'ils nous voient agir dans un sens et parler dans un autre, savez-vous ce qu'ils diront? Ils diront: « Ces gens soi-disant pieux ne volent pas mieux que le commun des hommes! » Pourquoi donc deviendrions-nous des leurs! Pourquoi renoncerions-nous à nos habitudes? » Et en parlant ainsi, le monde serait dans son droit; son langage serait celui du plus simple bon sens. C'est pourquoi, mes chers amis, je vous en conjure, si vous aimez la religion, par égard pour elle, au nom de ses intérêts les plus sacrés, soyez conséquents avec vous-mêmes. Vivez dans la sainteté; ayez en horreur le mal et attachez-vous fortement au bien. En un mot, imitez le Seigneur Jésus.

Mais l'argument le plus fort, le plus puissant qu'il me soit possible de vous présenter est celui-ci: Pour l'amour de Christ, efforcez-vous de lui ressembler. Oh ! Que ne puis-je, mes bien-aimés, dresser en cet instant devant vous la croix de mon Sauveur, vous placer en présence de Jésus mourant pour vos péchés, et lui laisser le soin de plaider sa propre cause! Je sens que ma langue est comme attachée à mon palais; les paroles me manquent; je suis incapable de toucher vos cœurs; mais ses plaies, ses  blessures, son côté percé trouveraient des accents capables de vous émouvoir. Pauvres lèvres muettes et sanglantes, avec quelle éloquence ne nous parleriez-vous pas! « Mes amis! »Nous dirait Jésus de sa douce voix, en nous montrant ses mains meurtries; « mes amis, voyez mes mains: elles ont été percées à cause de vous. Voyez mon côté: il a été ouvert pour être la source de votre salut. Voyez mes pieds: là est la marque des clous. Chacun de ces membres a été rompu pour vous. De ces yeux se sont échappés des torrents de larmes. Ce front fut couronné d'épines. Ce visage a reçu des soufflets, ces cheveux ont été arrachés; mon corps tout entier est devenu un foyer d'inexprimables souffrances. Pendant de longues heures, je suis resté suspendu au bois, exposé aux ardeurs d'un soleil brûlant - et tout cela, ô mes disciples, je l'ai enduré pour l'amour de vous !

Ne voulez-vous donc pas m'aimer à votre tour? Ce que je vous commande, c'est Je suivre mes traces y a-t-il aucun crime, aucun défaut en moi? Oh non! Vous le savez, je suis plus beau que les plus beaux d'entre les fils des hommes, plus aimable que les plus aimables. Dites, mes amis: vous ai-je fait quelque tort? N'ai-je pas au contraire tout fait pour votre salut? Et à présent encore, ne suis-je pas assis à la droite de mon Père afin d'intercéder pour vous? Maintenant donc, ô mes disciples, si vous m'aimez..... (Chrétien! sois attentif. Que ces douces paroles de ton Sauveur retentissent toujours à tes oreilles comme la lointaine harmonie de clochettes d'argent…) si vous m'aimez, dit Jésus, gardez mes commandements. » Oh ! Chrétien, puissent ces mots pénétrer jusqu'au fond de ton cœur!

« Si vous m'aimez, si vous m'aimez » Mais ai-je bien entendu? Glorieux Rédempteur! Pourquoi dis-tu: Si? Cher Agneau de Dieu, immolé pour nos offenses, se pourrait-il donc qu'il y eût un si à notre amour pour toi? Quoi? Lorsque je suis témoin de tes souffrances, lorsque je vois ton sang couler goutte il goutte pour le salut de mon âme, serait-il possible que je ne t'aimasse point? Et cependant, hélas! Je l'avoue en gémissant, tI'0p souvent tu as sujet de douter de mon amour. Trop souvent mes pensées, ou mes paroles, ou ma conduite te donnent le droit de me dire: « Si vous m'aimez! » Toute fois, malgré mes chutes et ma tiédeur, il me semble, ô mon Sauveur, que mon amour pour toi est une réalité. Il me semble que tu es plus précieux à mon âme que la lumière du jour ne l'est à mes yeux, Oui, je t’aime- je sens que je t'aime! Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime! - Voilà le langage que peut tenir du fond du cœur tout véritable croyant; et à celui qui lui parle de la sorte, Jésus répond, en abaissant vers lui un regard de tendre approbation: « Puisque tu m'aimes, ô mon disciple, puisque tu m'aimes, garde mes commandements. » Oh! Mes bien-aimés, je vous le demande, quel motif plus puissant que celui là pourrais je invoquer pour vous porter à imiter Jésus? Où trouver un argument plus irrésistible que celui de l'affection et de l'amour? La gratitude produit l'obéissance: soyez donc tels que voire Maître; et ainsi le monde connaîtra que vous avez été avec Jésus.

           

  

           

Mais vous êtes émus, vous pleurez peut-être, et vous demandez avec anxiété: « Comment pouvons-nous imiter Celui qui est mort pour nous? » Je vais, en finissent, m'efforcer de répondre à cette question; en d'autres termes je vais vous dire COMMENT L'HOMME PEUT DEVENIR SEMBLABLE A CHRIST et être transformé à son Image.

Et d'abord, mes chers amis, je vous dirai ceci: I1 faut que vous connaissiez Christ comme votre Rédempteur, avant que vous puissiez le suivre comme votre modèle, On parle beaucoup aujourd'hui de l'exemple de Jésus, et c'est à peine si l'on trouverait une personne dans le monde qui ne fût disposée à reconnaître la beauté morale et l'excellence incomparable de son caractère. Toutefois, je vous le dis, quelque excellent que soit l'exemple de Christ, il eût été absolument impossible: à aucun enfant d'Adam de suivre cet exemple, si, en même temps qu'il était notre Modèle, Jésus n'avait été aussi notre sacrifice. Croyez-vous donc, mes chers auditeurs, que son sang a été répandu pour vous? Pouvez-vous vous associer à ces paroles d'un cantique:

Tu m'as aimé, moi, vile créature,

Jusqu'à t'offrir en  victime pour moi;

Ton propre sang a lavé ma souillure,

Et par ta mort, je suis vivant pour loi? (Chants chrétiens)

S'il en est ainsi, vous êtes en bonne voie de devenir conformes à l'image de Christ. Mais aussi longtemps que vous n'avez pas été baignés dans cette Source abondante Qu'Emmanuel remplit de son sang précieux, il est inutile que vous cherchiez à lui ressembler. Vous perdriez votre temps, croyez-le. Vos passions sont trop fortes, vos âmes trop corrompues et vous construiriez un édifice qui, dépourvu de fondement, aurait à peu près la solidité d'un rêve. Je le répète: vous ne pouvez mouler votre vie sur celle de Christ, tant que vous n'aurez pas reçu son pardon et revêtu sa justice.

« Grâces à Dieu » diront quelques uns, «  nous en sommes arrivés là; nous savons que nous avons part au salut, mais, hélas! Nous savons aussi qu'il existe en nous des imperfections en grand nombre. Nous voudrions ressembler à Christ, mais nous ne pouvons y par venir. Que nous faut-il donc faire? » A ceux-là, je réponds: Mes chers amis, étudiez attentivement le caractère de Jésus. C'est une chose triste à dire, mais c'est un fait: aujourd'hui la Bible est traitée, en quelque sorte, comme un livre suranné, même par beaucoup de chrétiens. Il y a tant de feuilles religieuses, de publications périodiques et autres productions éphémères, qu'en vérité, le devoir de sonder les Ecritures est en danger d'être négligé. Chrétien, veux tu ressembler à ton Maître? Contemple- le. Il y a dans la personne de Christ une merveilleuse puissance qui fait que plus on le contemple plus on lui devient conforme. Je me regarde dans un miroir, puis je m'en vais, et j'oublie aussitôt ce que je suis. Mais quand je contemple Christ, je deviens tel que Christ. Regarde donc à lui, Ô croyant. Etudie son image dans les Evangiles; pénètre-toi bien de ses traits augustes.

« Mais, » dites-vous peut-être encore, « nous avons souvent contemplé notre divin Modèle et pourtant nous ne voyons pas que nous ayons fait de grands progrès. » Eh bien, mes amis, savez-vous ce qu'il vous faut faire encore? Il faut corriger chaque jour votre pâle et faible copie. Le soir repassez dans votre souvenir les actions des vingt-quatre heures qui viennent de s'écouler et les examinez scrupuleusement devant Dieu. Lorsqu'on me soumet les épreuves de quelques-uns de mes ouvrages, je dois marquer il la marge les corrections à faire. J'aurai beau lire et relire une épreuve, que si je n'indiquais pas les fautes qui s'y trouvent, l'imprimeur les laisserait toutes subsister. Ainsi devez-vous faire, mes bien-aimés. Marquez le soir, il la marge de votre journée, les fautes que vous avez commises, afin de vous les rappeler et de n'y point retomber le lendemain. Faites cela, jour après jour, avec simplicité, avec persévérance, notant vos manquements un à un, afin que vous puissiez les éviter à l'avenir. Certains philosophes de l'antiquité ont dit qu'il est du devoir de l'homme de rentrer en lui-même trois fois le jour et d'examiner ses actes. Cette maxime est excellente: suivons-la. Ne soyons point légers et oublieux, mais plutôt éprouvons-nous soigneusement nous-mêmes; constatons nos chutes, et nos misères, et travaillons ainsi à sanctifier notre vie.

Enfin (et c'est le meilleur conseil que je puisse vous donner), - si vous voulez ressembler à Christ, recherchez une mesure toujours plus abondante de l'Esprit de Dieu. Vains sont tous vos efforts pour imiter Jésus, si vous ne recherchez pas son Esprit. Prenez un morceau de fer, essayez de le courber, vous n'y réussirez jamais.

Placez-le sur l'enclume saisissez le marteau du forgeron, frappez à coups redoublés, et vous n'aurez rien fait. Tordez-le, tournez-le en tous sens, ayez recours à toute sorte d'engins, vous ne le façonnerez jamais à votre guise. Mais placez-le dans le feu, qu'il se ramollisse et devienne malléable; puis mettez-le sur l'enclume et chacun de vos coups aura un si puissant effet que vous pourrez lui donner la forme qui vous convient. Il en est de même du coeur de l'homme. Ne cherchez pas à façonner votre cœur, froid et dur comme il l'est par nature, mais plongez-le tout d'abord dans la fournaise de la grâce divine; là laissez-le s'échauffer et se fondre; après quoi il sera comme de la cire molle et pourra reproduire fidèlement l’empreinte du Seigneur Jésus.

Oh! Mes frères, qu'ajouterai-je pour vous porter à donner à ce sujet toute votre attention? Pensez, oh! Pensez, je vous en supplie, que si vous ressemblez à Christ sur la terre, vous lui ressemblerez dans le ciel; que si, par la puissance de l'Esprit, vous devenez des disciples de Jésus ici-bas, vous deviendrez ci-après participants de sa gloire! A la porte du paradis se tient un ange, qui n'admet dans le séjour de délices que ceux-là seuls dont les traits présentent une frappante analogie avec ceux de notre adorable Rédempteur. Voici un homme qui s'avance, le front ceint d'une couronne royale. « Tu as une couronne, il est vrai, » dit l'ange, « mais ici, les couronnes ne servent de rien. » Un autre approche revêtu des insignes du pouvoir ou des robes de la science. « Tout cela était bon en son temps, » dit l'ange; « mais ni les honneurs ni la science ne donnent accès au ciel. » Un troisième paraît, rayonnant de jeunesse, de charmes et de grâce. « Tu pouvais plaire sur la terre, » dit l'ange; « mais dans la nouvelle Jérusalem, la beauté extérieure n'a aucun prix. » Un antre encore avance, ayant pour héraut la renommée, et pour avant-coureur les applaudissements du genre humain, mais l'ange le repousse lui aussi, en disant: « Toutes les gloires humaines sont ici de nulle valeur. »Enfin, un autre se présente: peut-être a-t-il été pauvre, ignorant, méprisé des hommes; n'importe! En le regardant l'ange sourit: « Voici une image du Seigneur Jésus! » s'écrie-t-il avec joie; « un reflet de sa sainteté, une empreinte de sa personne! C'est le Seigneur lui-même qui vient sous la forme d'un de ses disciples. Sois le bienvenu, ô racheté! Tu as été avec Jésus, tu as été fait semblable à lui, la gloire éternelle l'appartient; entre dans la joie de ton Seigneur. »

Mes frères, mes chers frères, pour l'amour de vos âmes, réfléchissez à ces choses. Qui est tel que Christ entrera dans le ciel, mais qui n'est pas tel que Christ sera précipité en enfer!

Le jour vient où les choses de même espèce seront rassemblées et liées ensemble: l'ivraie avec l'ivraie; le froment avec le froment. Si vous êtes tombés avec Adam et que vous quittiez la vie étant morts dans vos fautes et dans vos péchés, votre portion pour l'éternité sera avec ceux qui sont morts spirituellement; mais si dès ici-bas vous ressuscitez avec Christ en nouveauté de vie, alors vous régnerez avec lui aux siècles des siècles. Le froment avec le froment, l'ivraie avec l'ivraie. Ne vous abusez point: on ne se joue point de Dieu; ce que l'homme aura semé, c'est ce qu'il moissonnera aussi. Emportez donc celte pensé dans vos cœurs, mes bien aimés, que vous pouvez juger de votre état spirituel en vous comparant à Christ. Si vous êtes tels que votre Maître, si, malgré vos misères et vos infidélités, vous lui ressemblez en quelque mesure par votre courage, votre douceur, votre humilité, votre amour, alors vous êtes à Christ et vous serez pour toujours avec lui, Si au contraire vous n'êtes pas conformes à la glorieuse image de Christ, vous n'avez aucune part ni rien à prétendre au salut qui est en lui.

Puissent mes faibles paroles contribuer à nettoyer l'aire de l'Eglise de la balle qui l'encombre! Puissent-elles surtout conduire plusieurs âmes à chercher à devenir participantes de l'héritage des saints dans la lumière, par la foi en Jésus-­Christ, à la louange de sa grâce! Qu'à lui soit rendu tout honneur, dès maintenant el à jamais! Amen.

 

 

 

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LE PREMIER ET GRAND COMMANDEMENT

 

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force…C'est là le premier et grand commandement (Marc, 12, 30; et Matt., 22, 38).

 

Le Sauveur a dit en parlant de mon texte: « C'est là le premier et grand commandement. » Et en effet, il est  « le premier, » - le premier tout d'abord par rang d'ancienneté, car il est antérieur aux dix commandements de la loi écrite. Avant que l'Eternel eût dit: « Tu ne commettras point adultère, tu ne déroberas point, » les paroles de mon texte étaient une des lois qui régissaient l'univers. Les intelligences célestes s'inclinaient déjà devant elle, alors que l'homme n'avait pas encore été créé.

Il n'était pas nécessaire que Dieu dit aux anges: «  Vous ne tuerez point, vous ne déroberez point, » car le meurtre et le larcin étaient probablement impossibles pour eux; mais assurément il dut leur dire: « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu; » et dès que Gabriel, enfanté à l'existence par le souffle du Très-Haut, se fut élancé hors du néant, le grand principe de l'amour de Dieu lui fut sans nul doute inculqué. Ce commandement est donc « le premier» par son ancienneté. Dans le jardin d'éden, Adam y était soumis; même avant la création d'Eve sa femme, il lui avait été donné; et lorsque encore tout autre précepte eût été superflu, celui-ci était gravé sur la table de son cœur: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. »

Mais le commandement qui nous occupe n'est pas seulement « le premier» par son antiquité: il l'est aussi par son importance. Un précepte qui regarde directement le Dieu tout-puissant doit, sans contredit, avoir la priorité sur tous les autres. La plupart des articles de la loi morale traitent des rapports d'homme à homme; mais ici, il ne s'agit de rien moins que des rapports de l'homme avec son Créateur. Les règlements de la loi cérémonielle n'entraînaient pour celui qui les violait, que des conséquences d'une portée secondaire; mais la désobéis à cet ordre fondamental provoque la colère de l'Eternel et attire sa malédiction sur la tête du transgresseur. Celui qui tue ou qui dérobe commet un forfait d'autant plus grave qu'en péchant contre son prochain, il viole du même coup l'injonction de mon texte; mais en supposant que le vol ou l'homicide, ou tout autre péché n'impliquât pas nécessairement la violation du premier commandement, celte violation constituerait à elle seule la plus grave, la plus énorme des offenses. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu c'est le prince des commandements, le souverain de la loi; à lui appartient la préséance sur toutes ces règles augustes que Dieu jugea bon plus tard de donner à ses créatures.

Observons encore que ce commandement est « le premier» par sa justice. Si l'on ne peut toujours saisir l'équité de ce précepte: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même; » s'il m'est parfois malaisé de comprendre pourquoi je suis tenu j'aimer l'homme qui me hait et qui m'insulte, ici, nulle difficulté de ce genre ne saurait exister. L'ordre d'aimer le Seigneur notre Dieu s'adresse à nous avec une autorité si puissante; il est tellement corroboré par les instincts de la nature et par la voix de la conscience, qu'en vérité il faut avoir perdu tout vestige de sens moral pour oser contester sa parfaite justice. Souviens toi donc, ô homme, que c'est ici le premier commandement. A quelque loi que tu désobéisses, prends garde du moins d'observer celle-ci. Si tu avais enfreint les ordonnances de la loi cérémonielle, le sacrificateur aurait pu faire propitiation pour toi, mais comment échapperas-tu si tu pèches contre ce premier commandement? L'ordre est formel, précis, inflexible. Tu peux violer les lois humaines, quitte à subir la peine prononcée contre ceux qui les violent, mais si tu fou les aux pieds celle-ci, ta punition, sache-le, sera trop lourde pour que ton âme puisse la porter. Elle te précipitera, ô pécheur, elle te précipitera comme une meule de moulin, jusques aux plus bas fonds des enfers! Prends donc garde à ce commandement plus qu'à tout autre; tremble en sa présence, et applique-toi à lui obéir, car c'est le premier de tous les commandements.

Le Sauveur dit aussi que c'est le grand commandement, et cela est vrai. Il est « grand » par son étendue, ou, pour mieux dire, par son ampleur, car il renferme dans ses entrailles tous les autres. Quand Dieu dit: « Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier; » quand i1 dit: « Tu ne te feras point d'images taillées et tu ne te prosterneras point devant elles, » ou bien encore: « Tu ne prendras point le nom de l'Eternel ton Dieu en vain, » il n'a fait que développer, à un point de vue particulier, l'idée générale contenue dans mon texte. C'est le sommaire et la substance de la loi. Il n'y a pas jusqu'au second commandement lui-même qui ne se trouve comme enveloppé dans les vastes plis du premier. Qui dit: « Tu aimeras ton prochain, » sous-entend, par le fait: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, » car l'amour du prochain ne saurait exister sans l'amour de Dieu, et l'amour de Dieu à son tour produit nécessairement l'amour du prochain.

De plus, le premier commandement est « grand » par ses exigences: exigences parfaitement justes, parfaitement légitimes, mais qui n'en sont pas moins d'une rigidité effrayante. Que nous demande t il, en effet? Il nous demande nos pensées, notre force, notre Coeur, notre vie; en d'autres termes, il exige que nous concentrions dans l'amour de Dieu toutes les facultés de notre âme, toutes les puissances de notre être! - Et celui qui désobéira jusqu'à la fin à ce commandement reconnaîtra, pour son éternel malheur, qu'il est « grand » encore dans un autre sens: grand dans sa puissance de condamnation, car il sera comme un glaive à deux tranchants pour frapper le transgresseur, comme une foudre vengeresse qui éclatera sur sa tête rebelle et qui le détruira entièrement. Ecoutez donc, ô vous Gentils, et vous aussi, ô maison d'Israël, écoutez ce premier et grand commandement que je viens vous répéter de la part de mon Maître: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur) de toute ton âme, de tonte ta pensée et de toute ta force.

Je diviserai mon discours en deux parties, ou plutôt j'examinerai avec vous deux simples questions: la première: QUE NOUS DIT CE COMMANDEMENT? La seconde: QU'AVONS-NOUS A LUI RÉPONDRE?

  

Et d'abord constatons que les premiers mots de mon texte nous imposent un devoir, le devoir d'aimer Dieu: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Il y a bien des manières de manquer à ce devoir. Il est une classe d'hommes qui le méprisent sciemment et audacieusement, car ils haïssent Dieu. Ici, c'est l'incrédule sans pudeur qui grince des dents contre le Très-Haut; là, c'est le sceptique plus raffiné qui lance le venin de ses blasphèmes contre la personne de son Créateur. Il ne manque pas de gens dans le monde qui se posent ouvertement en athées, et quoique, au fond de leurs consciences, ils sachent très bien qu'il y a un Dieu, néanmoins, de leurs lèvres, ils nient effrontément son existence. De tels hommes nient qu'il y ait un Dieu, parce qu'ils donneraient tout au monde pour qu'il n'y en eût point. La pensée est fille du désir; mais il faut que le cœur soit parvenu à la dernière phase de l'endurcissement el de la corruption avant que cette pensée ose se traduire par des paroles, avant surtout que le malheureux qui prononce une impiété aussi monstrueuse, puisse le faire sans un certain sentiment de honte et de remords. Ai-je besoin de le dire? Mon texte concerne en première ligne tous ceux qui haïssent, qui méprisent, qui insultent l'Eternel leur Dieu, qui mettent en doute son existence ou qui dénaturent son caractère. Oh! Incrédule! Dieu t'ordonne de l'aimer de tout ton cœur; puis donc que tu le hais, tu te places toi-même volontairement sous le coup de la sentence de condamnation qui fondra au dernier jour sur les transgresseurs de cette loi.      

Une autre classe d'hommes savent qu'il y a  un Dieu, mais ils le négligent. Ils traversent la vie avec indifférence, sans se mettre en reine des choses qui regardent l'éternité. « Après tout, » disent-ils (si ce n'est par leurs paroles, du moins par leur conduite); « après tout, peu nous importe qu'il y ait un Dieu ou qu'il n'y en ait point. » Ils ne se soucient nullement de connaître leur Créateur, et ses commandements ne leur inspirent pas la dixième partie du respect qu'ils éprouveraient pour une proclamation de leur souverain. 11s sont tout prêts à se soumettre aux puissances établies (Rom., 13, 50), mais quant à Celui par qui ces puissances subsistent, ils le mettent de côté et ils l'oublient. Trop prudents ou trop timides pour oser déclarer ouvertement qu'ils ne croient pas en Dieu, ces hommes ne se font aucun scrupule de vivre comme s'il n'yen avait pas. S'ils ne sont point athées en théorie, ils le sont en pratique. Aucune place dans leurs pensées n'est réservée au Seigneur. Ils se lèvent, le malin, sans songer à fléchir le genou devant lui; ils se couchent, le soir, sans murmurer une prière. Jour après jour, semaine après semaine, ils s'occupent des affaires de la vie sans jamais avoir l'idée d'élever leurs âmes vers Dieu. Quelquefois, vous les entendrez parler de « chance, » de « hasard, » de « bonne ou de mauvaise fortune, » étranges divinités conçues dans leur cerveau; mais Dieu, le Dieu tout puissant, le Dieu de la providence, le Dieu vivant et vrai, jamais ils ne parlent de lui, si ce n'est quand ils prononcent son nom avec légèreté et inconvenance, ajoutant ainsi un péché de plus à la masse de leurs iniquités. - O vous, pécheurs, qui vivez ainsi dans l'oubli de Dieu, qui n'avez pour lui qu'une froide et dédaigneuse indifférence, sachez que ce commandement s'adresse aussi à vous: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton Coeur et de toute ton âme.

Mais ici, j'entends quelqu'un me dire: « Il est vrai, ministre de l'Evangile, que je n'ai aucune prétention à la piété, mais, à mon sens, je n'en vaux pas moins pour cela. Je suis tout aussi intègre, tout aussi moral, tout aussi charitable que les soi-disant dévots. Rarement, j'en conviens, je franchis le seuil d'un lieu de culte ; je ne pense pas que ce soit là un devoir de la première importance; mais, à tout prendre, je le répète, je vaux autant que mes voisins: je suis un honnête homme; personne n'a rien à me reprocher. D'ailleurs, s'il faut le dire, parmi vos gens d'église, il y a tant et tant d'hypocrites, que franchement je n'ai aucune envie de devenir des leurs. »

Arrête, mon cher auditeur, et permets-moi de te faire une simple observation. Que t’importes, je te prie, ce que font les autres? La religion est une affaire toute personnelle, qui ne regarde que Dieu et toi. Or, ton Créateur t'a dit, à toi individuellement: « Tu m'aime

Tout de tant ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de tonte ta force. » Qu'as tu donc besoin de montrer au doigt tel pasteur dont la conduite n'honore pas toujours sa profession, ou tel ancien de l'Eglise qui marche avec la multitude pour mal faire, ou telle autre personne ayant l'apparence de la piété, mais dont la vie est en contradiction avec les principes? Rien de tout cela ne te regarde. Quand ton Créateur te donne un ordre, il entend que tu t'en fasses l'application, et si tu lui objectais: « Seigneur, je ne veux pas t'aimer, parce qu'il y a des hypocrites, » est-ce que ta propre conscience, quelque faussée qu'elle soit par le péché, ne protesterait pas contre l'absurdité de ce raisonnement? Est-ce que ton bon sens lui même ne te dirait pas, ô homme: « Puisqu'il y a tant d'hypocrites, prends d'autant plus garde de n'en être pas un; et puisqu'il y a tant de prétendus chrétiens qui déshonorent la cause du Seigneur par leur profession mensongère, à plus forte raison dois-tu t'efforcer d'être vrai, sincère, loyal et en édification à l'Eglise? »

Mais, hélas, où sont-ils les hommes qui se donnent la peine de réfléchir à ces choses?.... L'oubli du Seigneur est général. Les industriels de nos cités, les commerçants de nos rues, nos artisans et nos ouvriers vivent pour la plupart sans Dieu dans le monde. Je ne pense pas que la masse du peuple soit incrédule: je crois au contraire que les athées, et même peut-être les déistes, sont plus rares aujourd'hui qu'on ne pense. La grande plaie de notre époque, c'est l'indifférence. On ne se soucie point de savoir si la religion est vraie ou fausse. On est satisfait de rester dans le vague à cet égard. On n'a pas le temps de s'occuper des intérêts de son âme, on plaint la peine d'examiner où réside la vérité, et on ne songe même pas à cet Etre puissant et bon par qui l'on subsiste. Quant au premier et grand commandement, on n'en tient absolument aucun compte, et ainsi on frustre, le Seigneur de ce qui lui appartient. A vous donc, masses de la population; à vous, âmes immortelles qui vivez sans Dieu et sans espérance, s'adresse la voix sévère et accusatrice de mon texte: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute la pensée et de toute ta force. »

Mais il y a une classe d'hommes qu'il serait injuste de confondre avec la multitude d'esprits étroits et vulgaires qui, absorbés par la recherche des jouissances sensuelles, permettent aux mesquins intérêts de la vie présente de leur voiler les sublimes profondeurs de la divinité. Oui, je me plais à le reconnaître: il y a des hommes aux instincts plus nobles, aux aspirations plus relevées. Ceux-là du moins n'oublient pas qu'il y a un Dieu. Oh! Non, loin de là. Peut-être sont-ils versés dans la merveilleuse science de l'astronomie, et quand ils élèvent leurs regards vers la voûte des cieux, quand ils contemplent les étoiles semées dans l'étendue, ils admirent en eux-mêmes la majesté du Créateur. Ou bien, ils fouillent dans les entrailles de la terre, et ils sont frappés d'étonnement en voyant la magnificence des œuvres anciennes de Dieu. Ou bien encore, ils examinent le corps de l'animal, et ils rendent hommage à la suprême sagesse qui a présidé à sa structure anatomique. Chaque fois qu'ils pensent à Dieu, ces hommes sont pénétrés d'une solennelle admiration, d'une crainte respectueuse. Jamais vous ne les entendrez blasphémer ou prononcer le nom du Seigneur à la légère: il est aisé de voir que leurs âmes sont animées d'une profonde vénération pour le Créateur de l'univers. C'est beaucoup, sans doute, - mais, est-ce assez ? Non, mes chers auditeurs, non, ce n'est point assez!

Le premier et grand commandement demande autre chose. Dieu ne te dit point, ô homme: « Tu admireras ma puissance, tu vénéreras ma grandeur. » Il exige plus de toi; il te dit: « Tu M'AIMERAS! » 0 toi qui suis du regard les globes célestes flouant dans l'immensité de l'espace, c'est quelque chose assurément que tu t'écries dans un transport d'enthousiasme: Oh! Que tes cieux sont grands! Et que l'esprit de l'homme Plie et tombe de haut, mon Dieu, quand il te nomme!..... Oh! Que suis-je, Seigneur, devant tes cieux et toi?

De ton immensité le poids pèse sur moi ; Il m'égale au néant, il m'efface, il m'accable, Et je m'estime moins qu'un de ces grains de sable!

 (Lamartine. Ces beaux vers rendent à peu près le sens des lignes de Milton citées dans l'original. )

Oui, c'est quelque chose, ô mon frère, que tu adores ainsi le puissant Créateur, mais cela ne suffit point. Oh! Plût à Dieu que tu pusses ajouter: « Celui qui a créé l'armée des cieux, Celui qui appelle les étoiles par leur nom, Celui-là est mon Père, et mon cœur bat d'affec­tion pour lui! » Alors, mais alors seulement tu aurais obéi au commandement de mon texte, car ce que Dieu demande de loi, ce n'est pas ton admiration, mais ton amour: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. »

Enfin, il y a des hommes qui vont encore plus loin. Non contents d'admirer Dieu dans ses œuvres, ils prennent plaisir à s'élever vers lui par la contemplation. Ils croient au Père, au Fils et au Saint-Esprit lis croient qu'il n'y a qu'un seul Dieu, et que ces trois personnes ne sont qu'un. Ils aiment à parcourir les pages de la révélation, tout comme ils parcourent les pages de l'histoire. La divinité est pour eux un sujet de curieuse étude, J'intéressantes recherches. Ils prennent plaisir à méditer sur son essence, sur ses attributs, sur ses perfections.

Ils pourraient sans fatigue entendre exposer tout le jour les doctrines de sa Parole. Souvent même ces hommes sont d'une orthodoxie irréprochable; personne n'a un credo plus pur que le leur, et en fait de matières religieuses, nul ne pourrait leur en apprendre. Aussi bien que qui ce soit, ils défendraient au besoin telle vérité de l'Evangile, et entreraient avec feu dans les discussions les plus approfondies sur les choses divines. Mais, hélas! Leur religion a un défaut: elle ressemble à un poisson mort; elle est froide et raide comme lui, et pour peu que vous veniez en contact avec elle, vous sentez qu'elle n'a pas de vie. Jamais les croyances de ces hommes ne les ont remués jusqu'au fond de l'âme; leurs cœurs y sont restés complètement étrangers. L'œil de leur esprit peut contempler Dieu, mais ils sont incapables de l'aimer; ils peuvent méditer, mais non sentir; penser à Dieu, mais non se jeter dans le sein de sa miséricorde et le serrer dans les bras d'une affection filiale. Ah! froids penseurs, savants théoriciens à la vaste intelligence mais au cœur de glace, qui discourez si bien sur votre Créateur, mais qui ne savez pas l'aimer, puissiez-vous recevoir en ce jour instruction de mon texte: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu! »

Mais il me semble voir un homme qui se lève dans cette assemblée, et qui me dit d'un air satisfait: « Quant à moi, ce commandement ne m'effraie point, car je le mets en pratique. J'assiste au service divin deux fois chaque dimanche; je fais le culte domestique avec ma famille; j'ai soin, tous les matins en me levant, de répéter une prière; enfin, je lis ma Bible quelquefois et je souscris à beaucoup d'œuvres de bienfaisance » Ah! Mon cher auditeur, ne t'abuse point: tu peux faire tout cela, tu peux faire plus encore, et pourtant ne pas aimer Dieu. Autre chose est de servir Dieu comme un mercenaire, autre chose est de l'aimer comme un fils. Que de personnes qui se rendent à leur lieu de culte à peu près avec le même entrain que si elles marchaient au supplice! C'est pour elles un pénible devoir, une tâche mortellement ennuyeuse. Elles observent extérieurement le sabbat, mais si elles l'osaient, elles s'affranchiraient de cette obligation. Elles assistent aux saintes assemblées, mais si ce n'était une affaire de convention, d'habitude ou de bienséance, elles préféreraient mille fois être partout ailleurs que dans la maison de Dieu. Pour ce qui est de la prière, il va sans dire que ces personnes n'en font pas leurs délices: elles prient, parce qu'elles croient ne pouvoir se dis penser de prier. Je ne sais quel vague sentiment de devoir les contraint parfois à fléchir le genou devant Dieu, mais elles n'y prennent aucun plaisir. Peut-être parlent-elles de Dieu avec convenance, mais jamais avec amour: jamais leurs cœurs ne bondissent à l'ouïe de son nom; jamais leurs yeux n'étincellent à la pensée de ses attributs; jamais leurs âmes ne tressaillent en méditant sur ses ouvrages, car la grâce de Dieu ne les a point touchées. C'est pourquoi, tandis qu'elles honorent Dieu de leurs lèvres, leur cœur est bien éloigné de lui, et ainsi, malgré leur vain formalisme, elles désobéissent, tout comme les incrédules, à ce commande ment: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. »

Mes chers auditeurs, comprenez-vous main tenant toute la portée de mon texte? Hélas! Je crains que plusieurs d'entre vous ne cherchent encore des faux-fuyants pour échapper à sa condamnation. Je crains que beaucoup d'âmes ici présentes, au lieu de se reconnaître coupables, ne s'efforcent de faire une brèche à celte divine muraille, qui enserre dans ses vastes contours l'humanité tout entière. L'un de vous dit peut-être: « Mais je ne fais rien pour offenser Dieu » Là  n'est pas la question, mon ami. Il ne s'agit point de ce que tu ne fais pas; il s'agit simplement de ceci: Aimes-tu Dieu? - « Mais, » reprend un autre, «  j'observe scrupuleusement tous les devoirs extérieurs de la religion » Soit! Mais mon texte ne se contente pas de cela; il dit expressément: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. ­

« Mais, » ajoute un troisième, «je fais beaucoup de choses pour le Seigneur; je visite les pauvres, je suis moniteur dans une école du dimanche, etc. » Je t'en félicite, mon frère; toutefois, j'en reviens à ma question: Aimes-tu Dieu? C'est ton cœur que Dieu demande, et sans ton cœur, il ne saurait être satisfait. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Voilà le commandement; et bien qu'aucun homme depuis la chute ne soit capable de l'observer, il n'est pas moins obligatoire pour tous les enfants d'Adam que lorsque l'Eternel le prononça pour la première fois, Mais ce commandement ne nous impose pas seulement le devoir d'aimer Dieu, il nous dit encore qu’elle doit être la mesure de cet amour. Combien dois-je aimer Dieu? Où fixerai-je la limite le mon affection pour lui? Je dois aimer mon prochain comme moi-même: dois-je aimer mon Dieu plus encore? Oui, les paroles de mon texte ne laissent aucun doute à cet égard: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Or, il ne nous est commandé nulle part de nous aimer nous-mêmes ou d'aimer notre prochain de cette manière; donc, la mesure de l'amour que nous devons il Dieu est infiniment supérieure à celle de tout amour humain.

De là, nous induisons tout naturellement que Dieu veut être aimé par nous en première ligne. Mari, tu dois aimer ta femme; tu ne saurais trop l'aimer, sauf dans un seul cas, - celui où tu l'aimerais plus que Dieu, où tu chercherais à lui plaire plutôt qu'à ton Créateur, où tu lui accorderais une préférence idolâtre. - Enfant, tu es tenu d'aimer tes parents; tu ne saurais trop aimer le père qui t'engendra ou la mère qui le donna le jour; toutefois, n’oublie poindre que ton affection pour eux ne doit être que secondaire. Plus que ton père ou ta mère, tu dois aimer le Seigneur ton Dieu. L'affection qu'il réclame de toi est une affection suprême. Sans doute il nous est permis d'aimer tous nos proches; bien plus: cela nous est expressément ordonné. Celui qui n'aime pas ceux de sa famille est pire qu'un païen et qu'un péager: mais gardons-nous d'aimer autant que Dieu ces chers objets de nos affections. Vous pouvez dresser de petits trônes dans votre cœur pour les êtres chéris qui ont droit à votre tendresse, mais le trône de Dieu doit dominer tous les autres. Vous pouvez placer vos bien-aimés sur les degrés de l'autel, mais il faut que le Seigneur soit assis sur l'autel lui-même. Il doit être le monarque de vos affections, le souverain de votre cœur. - Dis, dis, ô mon frère, as-tu observé ce commandement? Pour ma part, je sais que je ne l'ai point fait; je me reconnais coupable devant Dieu; je ne puis que me jeter à ses pieds et confesser mes transgressions..... Quoi qu'il en soit, le commandement subsiste dans toute son inflexible rigueur: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, »  c'est à­ dire, « tu l'aimeras en première ligne. »- Une seconde induction qui découle de mon texte, est que nous devons aimer Dieu cordialement. Oui, il doit y avoir dans nus rapports avec Dieu cette chaleur, cette vie, cette puissance de sentiment qui sont les caractères de toute véritable affection. Il faut que nous nous donnions à lui tout entiers et de tout cœur. Oh! De grâce, n'aimons pas Dieu comme beaucoup de gens aiment leur prochain, de cette étrange espèce d'amour qui fait bien dire à l'occasion: « Allez en paix, chauffez-vous et soyez rassasiés, » mais qui à ces froides paroles n'ajoute rien. Non, le Seigneur ne veut pas d'un amour de ce genre. Il faut que toutes les fibres de notre cœur palpitent d'affection pour lui, que nous nous absorbions pour ainsi dire en Dieu, en sorte qu'il devienne le grand objet de notre existence, le glorieux centre de notre tendresse. Le don libre et volontaire de nous ­mêmes, le joyeux élan de toutes nos facultés aimantes vers un but suprême, voilà ce que doit être notre amour pour Dieu. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. »

Mais ce n'est pas tout: Nous devons aussi aimer Dieu de toute notre âme, ou plutôt de toute notre vie, car c'est là le véritable sens de cette expression. En d'autres termes, nous de vous aimer Dieu jusqu'à la mort. Si nous sommes appelés à verser notre sang pour la cause de notre Maître, il faut que, sans hésiter, nous lui sacrifiions notre vie. Nous n'atteindrons jamais la plénitude de l'obéissance à ce commandement, à moins que, comme les martyrs, nous ne soyons prêts à nous laisser jeter dans les bûchers ou dévorer par les bêtes féroces plutôt que de désobéir à Dieu. Patrie, famille, liberté, fortune, bien-être, joie et vie, le chrétien doit tout sacrifier au moindre appel de son Maître, sans quoi il n'accomplit point les paroles de mon texte: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme. »

Il y a plus encore: nous devons aimer Dieu de toute notre pensée. Notre intelligence doit ai mer Dieu. Beaucoup de gens croient à l'existence du Créateur, mais sans aimer cette croyance. Ils savent qu'il y a un Dieu, mais ils voudraient de tout leur cœur qu'il n'yen eût point. S'ils pouvaient réussir à se persuader que Dieu est une vaine imagination, oh ! Comme ils tressailliraient de joie! Alors ils pourraient, sans scrupule, marcher comme leur cœur les mène; ils pourraient sans trouble et sans remords se plonger dans toute sorte de débordements. Oui, ce serait pour bien des âmes la meilleure, la plus réjouissante des nouvelles, si on venait leur annoncer aujourd'hui que l'Eternel Dieu avait cessé d'exister. Quelle différence avec les sentiments du chrétien! La pensée qu'il y a un Dieu est comme le soleil de sa vie. Son intelligence s'incline devant le Très-Haut, non comme l'esclave qui courbe le front devant son maître parce qu'il ne peut faire autrement, mais comme l'ange qui se prosterne devant son Créateur parce qu'il se plait à lui rendre hommage. « Oh! Mon Dieu, » s'écrie l'âme croyante dans un transport d'adoration, «oh! Mon Dieu, je te rends grâces de ce que tu existes; car tu es mon plus précieux trésor, ma plus riche et ma plus douce joie! Je t'aime de toutes les puissances de mon esprit, de toutes les facultés de mon intelligence: raison, pensée, jugement, imagination, je dépose tout à tes pieds et le consacre à ta gloire, »

Enfin, l'amour que Dieu nous demande doit être caractérisé par l'activité; car si nous devons l'aimer de tout notre cœur, c'est-à-dire cordialement, de toute notre âme, c'est-à-dire jusqu'à la mort, de toute notre pensée, c'est-à­-dire avec nos facultés intellectuelles, nous devons aussi l'aimer de toute notre force, c'est-à­-dire d'un amour actif et dévoué. Je dois mettre au service de mon Dieu tout ce que mon corps et mon âme renferment de forces vives. Je ne dois lui refuser ni une seule heure de mon temps, ni un seul denier de ma fortune, ni un seul talent de mon esprit, ni un seul atome de mon activité physique ou de mon énergie morale. En un mot, je dois l'aimer de toute ma force, Mes chers auditeurs, je le demande, quel est l'homme qui ait obéi à l'ordre de mon texte? Assurément, il n'en est aucun, et il ne saurait jamais y en avoir. De là résulte donc la nécessité d'un Sauveur. Oh ! Si celle loi divine pouvait en ce jour nous faire tomber la face contre terre comme de misérables pécheurs! Si notre propre justice pouvait être mise en pièces par ce puissant marteau qui a nom « le premier et grand commandement! », et surtout, oh ! Surtout si nous pouvions parvenir à l'observer désormais! L'homme qui ne violerait en aucune manière, ce commandement, jouirait sur la terre d'un ciel anticipé, car les plus heureuses des créatures sont celles qui sont les plus saintes, et les plus saintes sont celles qui aiment Dieu de l'amour le plus pur.

Mais mon texte ouvre encore devant nous un autre ordre d'idées que je tiens à vous indiquer. Non seulement il dit à l'homme qu'il doit aimer Dieu et comment il doit l'aimer, mais il énumère pour ainsi dire les titres du Créateur à l'amour de sa créature. « Tu l'aimeras de tout ton cœur de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force: » et pourquoi? D'abord, parce qu'il est le Seigneur - c'est-à-dire l'Eternel, le Tout-Puissant, Jéhovah, - et ensuite parce qu'il est ton Dieu.

O homme, créature d'un jour, tu dois aimer Jéhovah, par cela seul qu'il est Jéhovah. Transporte-toi par la pensée en présence de l'Etre insondable qui échappe à ton regard. Elève tes yeux jusqu'au septième ciel. Vois-le, Celui dont la redoutable majesté, dont la splendeur sans égale force les anges eux-mêmes à se voiler la face, de peur qu'éblouis par tant d'éclat, ils ne soient frappés d'une cécité éternelle.   Contemple-le, Celui qui a étendu les cieux comme un pavillon et qui a brodé sur leurs riches tentures, avec une aiguille d'or, les étoiles sans nombre qui scintillent dans les ténèbres. Considère-le, Celui qui fit sortir la terre du néant et qui créa l'homme pour y habiter. Et écoute ce qu'il est. Il est JÉHOVAH, l'Etre des êtres, incréé, éternel, immuable, tout sage, tout-puissant. Il sait tout, il voit tout, il suffit à tout. Comment donc lui refuserais-tu ton hommage? Comment ne te prosternerais tu pas devant lui? Il est bon, il est plein d'amour, il est miséricordieux, il est pitoyable. Vois les richesses de sa Providence; admire la plénitude de sa grâce. 0 hommes! Comment n'aimerais tu point Jéhovah, parce qu'il est Jéhovah?

Mais il y a plus: tu dois l'aimer aussi et sur tout parce qu'il est ton Dieu. Et d'abord, il est ton Dieu par droit de création. C'est lui qui t'a fait; tu ne t'es point fait toi-même. Quoiqu'il lui eût été facile de se servir d'intermédiaire, le Dieu tout-puissant voulut être le seul Créateur du premier homme, et maintenant même qu'il lui plaît de nous appeler à l'existence par le moyen de nos parents, il n'est pas moins notre Créateur qu'il ne fut le Créateur d'Adam, alors qu'il forma du limon de la terre et qu'il souffla en lui une âme vivante. Et observe, je te prie, ô homme, la merveilleuse structure de ton corps. Considère l'ingénieux agencement de tes os que Dieu a placés de la manière la plus propre à ce qu'ils te rendent le plus de services possible. Vois comment il a étendu tes nerfs et  fait circuler ton sang dans des vaisseaux. Admire l'étonnant mécanisme qu'il a mis en jeu pour te conserver la vie. O dit, vermisseau d'un jour, ne veux-tu point aimer Celui qui te créa? Serait-il possible que tu n'éprouvasses ni reconnaissance ni amour à la pensée du grand Etre  qui te forma de sa main et qui te façonna par sa volonté?

Et Dieu n'est pas seulement ton Créateur; il est aussi ton conservateur, et à ce titre encore, on peut dire qu'il est ton Dieu. Chaque jour ta table est dressée devant loi: or, qui est-ce qui la dresse, si ce n'est Dieu? L'air que tu respires, est un don de sa charité; les vêtements qui te couvrent sont des gages de sa munificence; la santé dont tu jouis est un bienfait de son amour; ta vie dépend entièrement de lui. Je te vois devant moi plein de force et de vigueur, mais un simple vœu de sa volonté souveraine aurait suffi pour te coucher depuis longtemps dans le sépulcre et pour livrer ton corps à la corruption.

La trame de tes jours est entre ses mains. Tu peux mourir sur-le-champ, ici même; et si aujourd'hui tu n'es pas en enfer, si à l'instant où je te parle tu n'es point à te débattre dans les flammes éternelles, sache, ô homme, que c'est uniquement par un effet de sa pure miséricorde.

Oui, tu as beau t'insurger contre la Providence, tu as beau haïr ton Sauveur et mépriser sa croix, Dieu n'en est pas moins ton Dieu, à ce double titre: qu'il t'a donné la vie et qu'il te la conserve. Et n'est-ce pas en vérité uni, prodige de condescendance que Dieu daigne te bénir, tandis que toi tu refuses de l'aimer?

Garderais-tu dans ta maison un cheval qui ne te serait bon à rien? Retiendrais-tu à ton service un mercenaire qui t'insulterait sans cesse?

Continuerais-tu à fournir le pain et le vêtement à ton serviteur, si au lieu de faire ta volonté et d'obéir à tes ordres, il se posait en maître et contrariait les désirs? Oh! Non sûrement, tu ne le ferais point ! Et cependant, pécheur, c'est là ce que Dieu fait pour toi. Il te nourrit, il te protège, et tu te révoltes contre lui. Cette bouche impie, qui vient peut-être d'outrager le Créateur, est alimentée par sa main bienfaisante. Il n'est pas jusqu'à ces poumons dont tu te sers pour exhaler ta haine contre lui, qui ne reçoivent de sa bonté le souffle de vie nécessaire à ton existence. 0 étranges contradictions du cœur humain, que nous mangions ainsi le pain de Dieu, et puis que nous levions le talon contre lui! 0 comble de l'ingratitude, que nous nous asseyions au banquet de sa Providence, que nous nous parions de la livrée de sa libéralité, et en même temps que nous nous retournions pour insulter le ciel et pour menacer de notre faible main notre suprême bienfaiteur!

Ah! Si au lieu d'avoir affaire à notre bon Dieu, nous avions affaire à une créature telle que nous, n'est-il pas vrai, mes chers auditeurs, qu'en moins d'une heure nous lasserions sa patience? Pour ma part, lorsque je réfléchis à ces choses, je suis confondu de la longanimité de mon Dieu. Quoi? Voici un blasphémateur qui, dans son cynisme, maudit ou vertement Celui qui le créa. Et tu le supportes, ô Seigneur! Et tu ne réduis pas en poussière l'insolent vermisseau qui te brave ! Mais si un moucheron m'importunait, ne l'écraserais-je pas en un moment? Or, qu'est-ce que l'homme auprès de toi, mon Dieu? N'est-il pas infiniment plus petit, comparé à ta grandeur, que ne l'est le plus chétif insecte comparé à l'homme? Oh! Mes frères, mes chers frères, nous avons véritablement lieu de nous étonner que Dieu use encore de compassion envers nous après nos révoltes sans nombre, après nos violations sans cesse réitérées du premier et grand commandement. Et pourtant ne croyons pas que ce commandement soit une, lettre morte; il fait partie de cette divine Parole qui ne passera point, et nul ne l'enfreindra impunément. C'est pourquoi, je viens encore une fois, moi le serviteur de Dieu, réclamer solennellement pour mon Maître, de chacun de vous comme de moi-même, les affections de nos cœurs, l'obéissance de nos âmes, l'adhésion de nos esprits et la consécration de nos forces.

A peuple de Dieu, ai-je besoin de m'adresser à vous? Vous savez que le Seigneur est votre Dieu dans un sens spécial; c'est pourquoi vous lui devez un amour spécial. Vous savez qu'il est votre Père en Jésus; c'est pourquoi vous devez l'aimer comme des fils et des filles.

  

Voilà, mes chers auditeurs, ce que nous disent les paroles de mon texte. Voyons maintenant, très brièvement, CE QUE NOUS AVONS A LEUR DIRE.

Parle, Ô homme, mon frère! Qu'as-tu à dire en face de ce commandement? Y a-t-il ici quelque pauvre âme assez  abusée, assez aveuglée par sa propre justice, pour me répondre: « J'ai la ferme intention de l'accomplir; je me sens capable de le faire, et je crois que par mon obéissance j'arriverai au ciel. » Oh! Que tu es à plaindre, pauvre âme! Ou bien ton esprit lui­ même est encore plongé dans une nuit profonde, ou bien tu te complais dans ton ignorance, cal' pour peu que tu connusses ton propre cœur et que tu comprisses ce commandement, tu l'écrierais bien plutôt avec désespoir: « Misérable que je suis! Jamais je ne pourrai obéir pleinement à ces paroles! Jamais une créature aussi souillée que moi ne pourra aimer Dieu comme il veut être aimé! » Autant vaudrait-il, en vérité, que tu essayasses de t'élever jusques au ciel par les montagnes de la terre et que tu prisses les cimes de l'Himalaya pour ton premier échelon, que de chercher à parvenir au bonheur éternel par l'obéissance à ce premier et grand commandement. Et quand même tu réussirais à escalader les sommets les plus inaccessibles, encore devrais-tu désespérer, ô homme, de jamais t'élever à la hauteur infinie de ces simples paroles: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Or, souviens-toi que jamais tu ne seras sauvé par tes propres mérites, si tu n'as tout d'abord obéi à cette loi fondamentale qui est à la base de toutes les autres, et si tu n'y as obéi complètement, constamment, parfaitement.

« Mais sûrement, dit un autre, si je fais mon possible pour observer ce commandement, cela suffira… » Non, pécheur, non! Cela ne suffira point. Dieu l'ordonne de l'aimer d'un amour parfait, et si tu ne l'aimes pas ainsi, il te condamnera. « Mais alors, t'écries-tu, qui peut donc être sauvé ?» Ah ! Voilà justement, mes chers auditeurs, la conclusion à laquelle je voulais vous amener. Et en effet, qui pourrait être sauvé par ce commandement? Personne an monde, c'est de toute évidence. Le salut par les œuvres de la loi est, et sera toujours pour l'homme, une impossibilité absolue. Qu'aucun de vous ne dise donc plus qu'il s'efforcera d'accomplir cette loi, afin d'être sauvé par elle, car une telle prétention est à la fois une folie et un mensonge.

Et que dit le chrétien, le meilleur, le plus fidèle des chrétiens en face des paroles de mon texte? Ecoutez les plaintes et les gémissements qui s'échappent de ses lèvres. « 0 mon Dieu, » soupire-t-il dans la tristesse de son âme; « ô mon Dieu, je suis coupable, je le sais, et si tu me précipitais en enfer, ce ne serait que justice! J'ai violé ton premier et grand commandement dès ma jeunesse; je l'ai violé même depuis ma conversion; je le viole encore tous les jours. Je reconnais que si tu entrais en compte avec moi, que si tu voulais mettre le jugement à l'équerre  et la justice au niveau (Esaïe, 28, 17), je ne saurais subsister un seul instant devant ta face. Seigneur, je ne place aucune confiance dans la loi, car je sais que par elle je ne serais point justifié auprès de toi ni admis en ta présence»

Mais écoutez, encore! J'entends le chrétien dire autre chose. Je l'entends s'écrier en s'adressant à mon texte: « Commandement! Je ne puis t'observer, mais mon Sauveur t'a observé dans ta plénitude, et ce que mon Sauveur a fait, il l'a fait pour tous ceux qui croient en lui. Ainsi donc, ô loi, ce que Jésus a fait est à moi. Que pourrais-tu exiger encore? Tu me demandes une obéissance parfaite: or, mon Sauveur a parfaitement obéi pour moi; i1 est mon représentant, mon substitut; ce que je n'ai point fait moi-même, il l'a fait à ma place.

Et tu ne peux pas rejeter l'œuvre de mon substitut, car Dieu l'a solennellement reconnu comme tel le jour où il le ressuscita des morts. N’essaie donc plus de me troubler, ô commandement! Jamais tu ne pourras me condamner.

Quoique je t'aie transgressé mille fois, je me  confie simplement et uniquement en Jésus. Sa justice est la mienne, et avec elle, je puis solder ma dette et satisfaire toutes tes exigences.».

Voilà le langage triomphant que peut tenir tout racheté de Jésus. - « Ah! s'écrie peut être quelqu'un dans cette assemblée, plût à  Dieu que je pusse le tenir, moi aussi! Plût à Dieu que je pusse échapper à la juste colère de la loi! Plût à Dieu que Christ voulût être mon substitut! » Si tu es sincère dans ton désir, mon cher auditeur, écoute-moi. Te sens-tu en cet instant misérable, perdu, condamné? Reconnais-tu avec larmes que Jésus peut seul te sauver? Es-tu prêt à renoncer à toute confiance terrestre et à te jeter aux pieds de Celui qui est mort sur la croix? Elèves-tu un regard de foi vers le Calvaire, et là, en présence du divin Crucifié, en face de son corps meurtri et de ses plaies sanglantes, t'écries-tu avec componction: Tel que je suis, sans aucune défense, N'espérant qu'en ton sang versé pour mon offense, Vaincu par tes appels, qui font mon assurance, Agneau de Dieu, je viens!

Peux-tu dire cela, mon frère? Alors ne crains point; Jésus a accompli la loi à ta place, et la loi ne peut condamner une âme que Christ a absoute. Si donc la loi te crie d'une voix menaçante : « Tu seras damné parce que tu as violé mes préceptes! » dis-lui qu'elle n'a pas le droit de toucher un cheveu de ta tête, car si tu ne lui as pas obéi, Christ l'a fait, et l'obéissance de Christ est à toi. Dis-lui que l'œuvre de Christ est ta rançon, que celte rançon, lui­ même en a frappé la monnaie, et qu'ainsi, puisque tu lui paies ce qu'elle exigeait de toi, elle n'a plus rien à te réclamer. Tu es libre, car Christ a satisfait la loi.

Mais après cela, ô enfant de Dieu, - après que tu auras contemplé Jésus subissant, lui juste, la peine due aux transgresseurs de la loi, n'ajouteras-tu rien? Oh ! Si, je sais ce que tu ajouteras. Tu tomberas à genoux et tu diras du fond du cœur: « Seigneur, je te rends grâces de ce que je suis affranchi de la condamnation de la loi, car je crois en Jésus. Mais désormais, Seigneur, aide-moi à accomplir celte loi sainte, juste et bonne; aide-moi en particulier à accomplir ton premier et grand commandement. Seigneur! Donne-moi un cœur nouveau, car ce vieux cœur de pierre ne saurait jamais t'aimer. Seigneur! Donne-moi une vie nouvelle, car ma vie passée est trop vile. Seigneur! Donne-moi une nouvelle intelligence; lave mon entendement dans l'eau pure de ton Esprit; viens habiter dans ma raison, dans ma mémoire, dans ma pensée. Enfin, mon Dieu, donne-moi une force nouvelle, la force de ton Esprit; et alors toutes les puissances de mon nouveau cœur, de ma nouvelle vie, de mon intelligence renouvelée, de ma force spirituelle seront consacrées à t'aimer, dès maintenant et à toujours ! »

Mes chers auditeurs, puisse le Seigneur vous convaincre de péché, par l'énergie de son divin Esprit, et puisse-toi! Bénir ce simple discours pour l'amour de Jésus! Amen!

 

 

 

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TU AIMERAS TON PROCHAIN

 

            Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Matt 19, 19)

 

Très souvent le Sauveur prenait pour texte de ses discours les préceptes de la loi morale. Plusieurs de ses sermons - (et quels sermons pourraient se comparer aux siens?) - ne contiennent absolument rien de cet assemblage de vérités capitales que de nos jours l'on désigne communément sous le nom d'« Evangile. » Chaque fois qu'il se levait pour prêcher à la multitude, il ne revenait point sur les doctrines de l'élection, de l'expiation, du salut gratuit ou de la persévérance finale. Non, il parlait tout aussi fréquemment des grands devoirs de la vie humaine, de ces précieux fruits de l'Esprit que la grâce de Dieu peut nous faire produire. Ce que j'avance là vous étonne peut-être, mes chers auditeurs; mais relisez avec attention les quatre Evangiles, et jugez vous-mêmes si je hasarde trop en affirmant qu'une très grande partie du ministère de notre Sauveur fut employée à dire clairement aux hommes comment ils devaient se conduire les uns envers les autres. Il est même tel discours de Jésus, qui, fût-il prononcé aujourd'hui pour la première fois, risquerait fort de ne point être classé par certains critiques de notre époque au nombre des discours « pleins de saveur et d'onction: » non pas toutefois qu'aucune parole de Jésus manque de saveur; mais on comprend que sa morale sévère ne convienne que médiocrement, à ce christianisme fade et sentimental qui n'embrasse la religion que par son côté abstrait, et fait bon marché de son côté pratique. Mes bien aimés, à l'exemple de leur Maître, les minis très de l'Evangile sont tenus d'avertir les hommes de leurs devoirs non moins que de proclamer le salut qui est en Christ. S'ils négligent de prêcher le devoir, je ne pense pas que le Seigneur leur accorde jamais la grâce d'amener des âmes à reconnaître la suprême beauté de la doctrine de l'expiation; et s'ils ne font jamais retentir aux oreilles de leurs auditeurs les tonnerres de la loi, réclamant pour leur Maître l'obéissance qui lui est due, je doute qu'ils puissent parvenir à convaincre les hommes de leur état de péché - du moins de cette conviction profonde et sérieuse qui mène à la conversion. Je sais d'avance que mon discours d'aujourd'hui sera condamné comme manquant de saveur et de vie par ceux d'entre vous qui voudraient que le prédicateur tournât éternellement dans le même cercle de doctrines; mais peu m'importe. Ce méchant monde à quelquefois besoin d'être repris, et quand l'occasion s'en présente, nous ne devons pas lui épargner les censures. D'ailleurs, si jamais il y eut un temps où le ministre de l'Evangile ait eu besoin de rappeler le précepte contenu dans mon texte, sans contredit ce temps est bien le nôtre. A quelle époque, en effet, a-t-on plus souvent oublié, plus rarement pratiqué cette parole de Jésus-Christ: Tu aimeras ton prochain comme toi-même?

Nous examinerons, en premier lieu, LE COMMANDEMENT POSITIF que nous donne mon texte. Puis j'essaierai de vous indiquer QUELQUES-UNS DES MOTIFS QUI DOIVENT VOUS PORTER A Y OBÉIR; enfin je terminerai en appelant votre attention sur QUELQUES IMPORTANTES VÉRITÉS QUI RESSORTENT DE MON TEXTE.

  

Avant tout, occupons-nous DU COMMANDEMENT. Jésus-Christ l'a appelé, vous le savez, le second commandement. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force, » ce qui revient à dire: « Tu aimeras ton Dieu plus que toi-même, » - voilà le premier commandement. Et voici le second dont les exigences sont, à la vérité, un peu moindres, mais qui n'en est pas moins d'une prodigieuse élévation: « Tu aimeras ton prochain comme toi:-même. »

Et d'abord, qui dois-je aimer?- Mon prochain.

- Par le mot de prochain, nous devons entendre premièrement toute personne qui vit près de nous, et par extension, tout membre, quel qu'il soit, de la grande famille humaine. Dans son sens propre, ce mot signifie voisin ou proche, en sorte que celui-là est essentiellement mon prochain qui vit, demeure ou se trouve près de moi. Ainsi, par exemple, le pauvre blessé, gisant à demi mort sur le chemin de Jérico, était le prochain du bon Samaritain et avait, droit à sa compassion, par le seul fait qu'il se trouvait sur sa route. Aime donc ton prochain, ô mon frère. Peut-être est-il riche, tandis que tu es pauvre. Peut-être son habitation seigneuriale s'élève-t-elle à côté de ton humble chaumière. Tu vois ses vastes domaines, son fin lin, ses habits magnifiques. Le même Dieu qui lui a donné ces biens a jugé bon de te les refuser; c'est pourquoi ne convoite pas ses richesses, et ne nourris dans ton cœur aucune pensée amère à son égard. Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, il y aura toujours inégalité de fortune parmi les hommes; soumets-toi donc sans murmures à cette loi de la société. Sois content de ton sort si tu ne peux l'améliorer; surtout ne regarde pas ton prochain d'un œil d'envie; ne souhaite pas de le voir réduit, comme toi, à la pauvreté. Et si des gens sans principes ni conscience cherchaient à lui ravir ses biens, fût-ce même à Ion profit, garde-toi de les aider ou de les soutenir en aucune manière. Aime ton prochain, et alors tu ne saurais lui porter envie. - Et toi, riche de ce monde, ne méprise point ton voisin parce qu'il est d'une condition autre que la tienne. Peut  être auprès de toi vit un pauvre: ne rougis point de l'appeler ton prochain; ne rougis point de reconnaître que tout pauvre qu'il est, il a droit à ton amour. Le monde l'appelle ton inférieur: mais, je te prie, en quoi consiste celle infériorité? S'il n'est pas ton égal en position, il l'est en réalité. Dieu a fait naître d'un seul sang tout le genre humain (Actes, 17, 26.). Ne te persuade donc pas que tu vailles plus que lui. Il est homme: et toi, qu'es-tu de plus? Il peut être un homme en haillons, mais un homme en haillons est toujours un homme, c'est-à-dire un être créé à l'image de Dieu; et quand même tu serais un homme vêtu de pourpre, encore ne serais-tu, après tout, qu'un homme. Ne manque donc pas d'aimer ton prochain, ô mon frère, quelle que soit sa pauvreté, et garde-toi de le mépriser, fût-il même tombé au dernier degré de l'échelle sociale.

Aime aussi ton prochain, quelles que puissent être ses convictions religieuses. Tu crois que la fraction de l'Eglise à laquelle tu appartiens est la plus près de la vérité, et tu ne doutes ni de ton salut ni de celui de tes amis qui pensent comme toi. Ton prochain, lui, pense différemment. Sa religion, selon toi, est erronée et mensongère: aime le malgré cela. Que les divergences qui séparent vos opinions ne séparent point vos cœurs. Peut-être a-t-il tort, peut ­être a-t-il raison, je ne prétends point décider entre vous; quoi qu'il en soit, je sais une chose: c'est que celui-là pratique le mieux l’Evangile, qui aime le plus. Son prochain. Mais il se peut que tu aies affaire à un homme qui n'ait pas de religion d u tout. Il insulte ton Dieu, il viole ses sabbats, il est sceptique et il s'en fait gloire. N'importe; tu dois l'aimer. Des paroles hautaines ne pourraient que l'éloigner davantage de la piété; une conduite dure à son égard ne le disposerait pas à devenir chrétien. Aimé-je, malgré son impiété. Aussi bien, son péché n'est pas contre toi; il est contre ton Dieu. Or, ce Dieu, tu le sais se charge lui-même de tirer vengeance des péchés commis contre lui: laisse donc ton prochain entre les mains du juste Juge; mais en attendant, si tu peux lui rendre service, lui témoigner de l'intérêt ou de la bienveillance, fais-le sans hésiter, fais-le de nuit ou de jour. Et si tu établis quelque distinction entre lui et un autre, qu'elle soit plutôt en sa faveur qu'à son préjudice. Que ta conduite tout entière lui dise clairement: « Parce que tu n'es pas de ma religion, parce que mon Dieu n'est pas ton Dieu, je veux chercher d'autant plus à t'être agréable, afin de te gagner, si je le puis, à la bonne cause. Quoique tu sois un Samaritain hérétique et moi un Israélite orthodoxe, je te considère pourtant comme mon prochain, et je veux t'aimer, dans l'espérance que bientôt tu ne monteras plus à ton faux temple de Garizim, mais que tu viendras adorer Dieu avec  moi dans son sanctuaire de Jérusalem. » ­Oui, mon cher auditeur, aime ton prochain, je le répète, quoique sa religion soit autre que la tienne, tu dois l'aimer également, quoiqu'il te fasse concurrence et que ses intérêts soient opposés aux tiens. C'est là une maxime qu'il serait difficile, je le sais, d'introduire à la Bourse ou dans les affaires; néanmoins, c'est une maxime, industriels et commerçants, qu'il est de mon devoir de vous faire entendre. Un jeune homme vient peut-être de se lancer dans une entreprise et vous craignez que, s'il réussit, il ne vous cause du dommage. Gardez-vous de lui désirer du mal. Gardez-vous surtout de rien faire ou de rien dire qui puisse porter atteinte à son honneur ou à son crédit. Votre devoir est de l'aimer; car bien qu'il soit votre compétiteur en affaires, il n'en est pas moins votre prochain. – Peut être aussi un de vos confrères est-il votre débiteur. Si vous exigez le paiement de sa dette, vous le ruinez du coup; si, au contraire, vous lui laissez la somme qu'il a entre ses mains, il pourra faire face à l'orage et sortir heureusement de la crise qu'il traverse. Quel est votre devoir envers lui? Vous devez l'aimer comme vous vous aimez vous-mêmes et agir à son égard comme vous voudriez qu'on agit au vôtre, fussiez-vous placé dans les mêmes circonstances. Quel que soit celui avec le quel tu entretiens des relations commerciales, souviens-toi donc, ô homme, qu'il est ton prochain. Quel que soit celui avec lequel tu trafiques, qu'il soit plus grand ou plus petit que toi, il est ton prochain, et la loi chrétienne te commande d'avoir de l'affection pour lui. Elle ne t'exhorte pas simplement à ne le point haïr: elle t'ordonne de l'aimer; et quand même il entraverait tes projets, quand même il t'empêcherait d'acquérir des richesses, quand même il t'enlèverait ta clientèle, ton crédit, ou, ce qui est mille fois pire, ta réputation - encore serais-tu obligé de l'aimer comme toi-même.

Cette loi n'admet point d'exception: Tu aimeras ton prochain.

Tu dois encore aimer ton prochain, ô mon frère, quoi qu'il t'afflige par son péché. Souvent, n'est-il pas vrai? Nos esprits se soulèvent, nos cœurs se serrent au dedans de nous, en voyant les iniquités qui s'accomplissent dans les rues de nos grandes villes. Nous voudrions pouvoir mettre au ban de la société, comme des malédictions vivantes, le pécheur scandaleux, le débauché, la femme de mauvaise vie…Ce sentiment n'est pas bon, il n'est pas chrétien. Nous devons aimer les plus grands pécheurs, et loin d'en bannir aucun de la douce région de l'espérance, nous devons faire tous nos efforts pour les ramener au bien. Mon prochain est-il un brigand, un menteur, un scélérat?

Evidemment je ne puis aimer sa scélératesse, autrement je serais un scélérat moi-même. Je ne puis aimer son mensonge, autrement je se­rais moi-même un homme faux. Néanmoins, je suis tenu de l'aimer, lui, personnellement, et s'il m'a fait du mal, je ne dois nourrir à son égard aucun désir de vengeance, aucune pensée de ressentiment, mais comme je souhaite que Dieu me pardonne, ainsi dois-je lui pardonner. Bien plus: si, ayant violé les lois du pays, mon prochain doit subir la peine de son forfait - (et il est de toute justice qu'il le fasse) - je dois l'aimer jusque dans son châtiment. Magistrat, tu dois le condamner, non point dans un esprit de haine ou de colère, mais pour son bien, et avec l'espoir que sa punition le conduira au repentir. Tu dois le punir de la manière et dans la mesure qui te paraissent les plus propres, non à expier son crime, mais à lui en faire sentir l'odieux, et à le porter à ne plus le commettre. Mais condamne-le, je t'en supplie, les yeux humides, avec regret, avec compassion; condamne-le en l'aimant encore. Et quand il est jeté dans un cachot, veille à ce que ses geôliers ne lui fassent pas subir de traitements inhumains, car souviens-toi que si la fermeté et la sévérité sont indispensables dans la discipline des prisons, il ne faut pas qu'elles soient excessives, de peur qu'elles ne dégénèrent en cruauté, et qu'au lieu d'être utiles, elles ne deviennent criminelles. Oui, je dois aimer mon semblable, alors même qu'il est enfoncé dans la boue et dégradé par le vice! Le commandement ne me laisse aucun échappatoire: il réclame mon amour en faveur de mon prochain, quel qu'il soit. Sans doute, je ne suis point tenu de le recevoir dans ma maison, ni de le traiter comme un membre de ma famille. Il y a tel acte de bonté lui serait un acte d'imprudence, car en l'accomplissant, je pourrais causer la ruine de cœurs honnêtes et récompenser le vice. Il est des cas où la justice exige que je me pose en adversaire

déclaré de mon prochain, mais dans ces cas mêmes la charité veut que mon cœur ne lui soit point fermé; car, si grande que soit son indignité, il est mon semblable, il est mon frère; et quoique le démon ait souillé son front de fange; quoiqu'il ait fait rejaillir son venin jusque dans son âme, tellement que lorsqu'il parle, sa bouche vomit des blasphèmes, et lorsqu'il court, ses pieds sont légers pour répandre le sang, cependant le Créateur l'a revêtu, comme moi, de la dignité d'homme: or, en tant qu'homme, il est mon frère, et en cette qualité, il a droit à mon affection. Si donc, en me baissant vers lui, je puis espérer de le relever en quelque mesure et de réveiller dans son âme ne fût-ce qu'une faible lueur de dignité morale, je pèche si je ne le fais point, car le Seigneur m'ordonne de l'aimer comme je m'aime moi-même. - Oh ! Plût à Dieu que ce grand principe fût pleinement mis en pratique ! Plût à Dieu que du moins ceux qui m'écoutent en ce moment le prissent pour règle de leur conduite! Mais je vous le demande, mes chers auditeurs, en est-il ainsi? Non, vous n'aimez, Pas votre prochain - vous savez que vous ne l'aimez pas ! C'est à peine si vous aimez les personnes qui viennent tous les dimanches invoquer le Seigneur avec vous dans le même lieu de culte: comment donc pourriez, vous songer à aimer ceux qui ne partagent pas vos croyances ? Que dis-je? C'est à peine (ô humiliant aveu !) c'est à peine si vous aimez ceux qui vous sont unis par les liens du sang, qui ont sucé le même lait que vous, ont grandi sous le même toit, ont eu part aux mêmes tendresses. Si donc: vous n'aimez pas vos amis eux-mêmes, est-il surprenant que vous n'aimiez pas vos ennemis? Que de familles, en effet, qui sont déchirées par des divisions intestines ! Que de frères en guerre contre leurs frères, de proches contre leurs proches ! Peut-être y a-t-il un homme dans cet auditoire qui ce matin, avant de venir dans la maison de Dieu, a échangé des paroles amères avec un des siens. Ah! Mes chers auditeurs, si vous n'aimez pas ceux de votre famille, vous êtes pires que des païens et que des infidèles! Comment donc, encore une fois, pourrait-on s'attendre à ce que vous pratiquiez dans toute son étendue ce grand et solennel commandement: Tu aimeras ton prochain ? Mais que vous le pratiquiez ou non, mon devoir est de le prêcher hautement sans ménager les oreilles susceptibles de celte génération rebelle et contredisant. Aussi je tiens à le redire en termes aussi clairs que possible: mon texte nous impose l'obligation, d'abord, d'honorer et d'aimer tous les hommes, simplement parce qu'ils sont hommes ; puis d'aimer d'une façon particulière nos voisins, nos connaissances, toute personne en un mot avec laquelle nous sommes en rapport et cela non point à cause de sa position sociale ou en raison de ses qualités, mais simplement parce qu'elle est notre prochain, et parce que Dieu nous a dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Mais quoi? Est-il bien vrai que je doive AIMER mon prochain? Oui, je dois l'AIMER. Le mot est fort, j'en conviens, mais c'est celui dont le Sauveur a fait usage; par conséquent, on ne saurait le remplacer.

« Eh bien! » dira quelqu'un,  « à tout prendre, je crois que j'obéis à ce commandement. Je ne parle de personne en termes malveillants. Je n'ai jamais nui, que je sache, à la réputation de qui que ce soit. J'évite soigneusement de faire du tort à mes voisins. Même dans les affaires d'intérêt, je veille à ce que l'esprit mercantile n'étouffe pas en moi l'esprit de charité. Je cherche à être juste et poli envers tout le monde. » - Mon cher auditeur, jusque-là, c'est très bien, mais ce n'est point assez. Il ne suffit pas que tu puisses dire: « Je ne hais point mon prochain; » il faut que tu l'aimes.

Il ne suffit pas, quand tu le rencontres sur ton chemin, que tu t'abstiennes de lui courir sus, ou quand il est retiré dans sa maison pour la nuit, que tu respectes son repos. Le commandement de mon texte n'est pas négatif: il est positif. Il nous dit, non ce qu'il ne faut pas faire, mais ce qu'il faut faire. Il va sans dire que tu ne dois nuire en aucune façon à ton prochain; mais parce que tu as accompli cette partie de ton devoir, ne te persuade pas avoir tout fait. Tu dois l'aimer: voilà ce que Dieu demande de loi.

« Mais, » dit un autre, « non seulement je ne fais pas de mal à mon prochain, mais je cherche à lui faire du bien. Lorsque mes voisins sont malades, je leur donne des marques d'intérêt; s'ils sont pauvres, je leur envoie des mets de ma table, afin qu'ils mangent et qu'ils reprennent des forces; s'ils sont dénués de toute ressource, je donne mon argent, afin qu'ils soient convenablement soignés. » - Tu fais bien, mon cher auditeur; on ne peut as sûrement qu'approuver ta conduite; toutefois, sache-le, tu peux donner, et pourtant ne pas aimer. Souvent j'ai vu une aumône jetée à un malheureux, à peu près comme un os est jeté à un chien, sans un seul atome de vraie charité. J'ai vu de l'argent donné à un pauvre! Avec beaucoup moins de civilité qu'on n'en met d'ordinaire pour présenter du foin à un cheval.

« Allons! Prenez cela, et allez-vous-en. Je suis bien fâché que vous soyez venu chez moi. Pour quoi ne vous adressez-vous pas à d'autres? Vraiment, je ne sais où cela finira; je suis as sailli par des mendiants! » Voilà de quelles paroles la plupart des aumônes sont accompagnées ; puis, on ajoute à part soi: «Il faut bien que je lui donne, je suppose, sans quoi on dirait que je suis avare !.... » Oh! Mes amis, je vous le demande, est-ce là aimer son prochain? Est-ce là le moyen de s'en faire aimer?

Lui eussiez-vous parlé avec bonté tout en lui refusant votre argent, il vous en aurait su plus de gré que de votre aumône donnée d'une façon si blessante. - O toi qui nourris le pauvre et qui visites le malade, non, tu n'as point obéi au commandement de mon texte, à moins que ton cœur n'ait donné l'impulsion à ta main, et que la bénéficence de ta vie ne soit que la fidèle expression de l'intime charité de ton âme. « Tu aimeras ton prochain. »

Mais ici je prévois une interruption d'un autre genre. « Prédicateur, me dira-t-on, avec la meilleure volonté du monde, je ne puis pas aimer mon prochain. Peut-être pouvez-vous aimer le vôtre, parce qu'il est meilleur que le mien; mais les personnes avec lesquelles j'ai affaire ont l'esprit si mal tourné, qu'en vérité on perd son temps à vouloir les aimer. J'ai souvent essayé; mais à tous mes témoignages de bon vouloir et d'affection, elles n'ont répondu que par l'ingratitude, la froideur et l'insulte. »

- Eh bien! Mon frère, ne te décourage pas; aime-les toujours, et tu n'en seras que plus héroïque. Soldat efféminé, voudrais-tu donc n'avoir rien à souffrir dans la sainte guerre de l'amour? Sur ce terrain, sache-le, la victoire reste toujours au plus vaillant; c'est pourquoi, quelque rude que soient tes premiers pas dans la carrière, avance hardiment, avance sans te laisser rebuter par les obstacles, avance en aimant ton prochain envers et contre tous, en l'aimant, s'il le faut, malgré lui-même. Amasse des charbons de feu sur sa tête. Que s'il est de sa nature difficile à contenter, ne t'en mets point en peine; cherche, non à lui plaire, mais à plaire à ton Maître. Et si ton affection est méprisée par les hommes, souviens-toi que ton Maître, lui, ne la méprise pas, mais que tout acte de charité et de dévouement, quoique méconnu par celui qui en est l'objet, n'en est pas moins agréable à ton miséricordieux Sauveur. Tu aimeras ton prochain.

Du jour où ce commandement serait mis en pratique, toute colère, toute violence et toute animosité disparaîtrait évidemment de la terre. Qui n’est jamais en colère contre lui-même? Sans doute, dans un certain sens, tout homme sage l'est quelquefois: pour ma part, j'avoue que je ferais bien peu de cas de celui qui, en présence, soit du mal qu'il sent dans son coeur, soit du mal qui se commet autour de lui, pourrait toujours conserver son sang-froid. Mais souviens-toi, ô homme! Que tu n'as pas le droit de t'irriter contre ton frère plus que tu ne t'irrites contre toi-même. Tu es parfois indigné de ta propre conduite, et tu peux t'indigner également de la sienne, s'il commet une mauvaise action. Mais ta colère contre toi est de très ­courte durée, n'est-il pas vrai? Tu pardonnes bientôt, je n'en doute pas, à ta chère personne: eh bien! Tu dois, tout aussitôt, pardonner à ton prochain. Si tu lui as dit quelques paroles trop vives, va et retire-les sur-le-champ, et si tu n'as fait que le reprendre selon la vérité, n'ajoute rien qui pourrait augmenter sa confusion. Quand tu y es appelé, proteste hardiment contre le péché, mais fais-le avec toute la charité possible. Ne sois pas plus raide qu'il ne faut. Agis envers autrui comme tu agirais envers toi-même. Surtout, ne conserve aucune rancune. Que le soleil ne se couche jamais sur ta colère. Ce n'est qu'à ces conditions que tu pourras aimer ton prochain, car il est absolument impossible d'obéir aux paroles de mon texte en nourrissant dans son cœur la moindre pensée de ressentiment ou de vengeance.

Mais il y a plus. Tu es tenu d'aimer ton prochain: prends donc garde de ne pas le traiter avec indifférence. Ne le néglige pas; intéresse-toi à ce qui le concerne. Peut-être est-il triste, ou malade, ou abattu; une simple visite de ta part pourrait lui faire du bien; mais quoiqu'il habite près de ta demeure, il ne t'envoie pas chercher, car, dit-il, « je ne veux importuner personne. » C'est donc à toi, mon cher auditeur, qu'il appartient de rechercher les douleurs ne ton frère. Les personnes les plus dignes d'égards sont celles qui en sollicitent le moins. La pauvreté la plus digne de respect est celle qui ne demande pas la pitié. N'attends pas qu'on vienne t'informer de la détresse de tes voisins, mais sois le premier à la découvrir, et, autant qu'il te sera possible, viens en aide à chacun selon ses besoins. Et lorsque tu vas voir le pauvre dans sa demeure, ne prends pas, je t'en supplie, cet air de condescendance hautaine que revêt trop souvent la charité; vas-y, non comme si tu étais quelque créature d'un ordre supérieur qui se prépare à octroyer un bienfait, mais comme un frère qui vient s'acquitter envers son frère d'une dette à laquelle la nature et l'Evangile lui donnent des droits sacrés. Assieds-toi à son côté, parle-lui, témoigne-lui de l'affection. Et si tu as affaire à un homme aux sentiments fiers et élevés, agis à son égard avec beaucoup de prudence; garde-toi bien de lui donner ouvertement une aumône, mais assiste-le d'une manière détournée, de peur que tu n'affliges son esprit en voulant le soulager, et que tu ne le blesses avec la boîte même de parfum dont tu avais l'intention d'oindre sa tête. Ne lui fais pas de la peine par ta maladresse; respecte sa susceptibilité. Laisse ton offrande sans rien dire, et il oubliera bientôt ce qu'il y a de pénible à recevoir, mais il se souviendra toujours de ta bonté et de ta sympathie.

Il me serait impossible, vous le comprenez, mes chers amis, d'entrer dans tous les développements qu'exigerait le vaste sujet qui nous occupe. Je me bornerai donc à observer que l'amour du prochain réduit aussi à néant tout péché qui ressemble à la convoitise, à l'envie ou il la malveillance. Il nous dispose en tout temps il rendre il nos semblables toutes sortes de bons offices, il leur pardonner tout le mal qu'ils peuvent nous faire, et à consentir même à leur servir en quelque sorte de marchepied, si par là nous pouvons leur prouver que nous sommes de vrais disciples du Seigneur Jésus.

«Mais, en fin de compte, » objectera peut être quelqu'un, « je ne vois pas que je sois tenu de toujours pardonner. Il y a chez toute créature vivante un irrésistible instinct qui la porte à se révolter contre celui qui l'opprime. Voyez le ver lui-même: ne se redresse-t-il pas sous le pied qui l'écrase ? » Et prends-tu donc un ver pour ton modèle, mon cher auditeur? Oui, un ver se redresse, mais un chrétien supporte.

Amère dérision, en vérité, de me proposer un ver pour exemple, tandis que j'ai Christ pour modèle! Christ a supporté. Quand on lui disait des outrages, il n'en rendait point. Quand on le crucifia, quand on le cloua au bois maudit, il s'écria: « Père, pardonne-leur! » Oh! Chrétien, imite ton Sauveur dans son incomparable charité. Qu'un amour invincible, un amour à toute épreuve, un amour si puissant que beaucoup d'eaux ne pourraient l'éteindre et que les fleuves mêmes ne pourraient le noyer (Cant., 8, 7.), qu'un tel amour habite dans ton cœur. Tu aimeras ton prochain.

Et maintenant, il nous reste à examiner quelle doit être la mesure de cet amour. ­Plût au ciel que telle grande dame aimât son prochain autant qu'elle aime son épagneul! Plût au ciel que certains riches propriétaires s'intéressassent autant à leurs semblables qu'à leurs chevaux ou à leur meute de chiens! Très sérieusement, mes chers amis, je crois que l'amour fraternel serait en grand progrès parmi nous si chacun voulait consentir à accorder à ses voisins une aussi grande part dans son affection que celle qu'il accorde à un animal favori. Mais quoi? N’est-ce pas ravaler l'amour du prochain que de le réduire à un tel niveau? Oui, sans doute, et pourtant, je le crains fort, ce niveau est bien supérieur à celui que la plupart d'entre vous lui avez donné jusqu'ici.

N'est-il pas vrai que vous aimez vos frères beaucoup moins que vos champs, votre maison ou votre bourse? Qu'elle est donc élevée, qu'elle est donc sublime la règle d'or de l'Evangile: «  Tu aimeras ton prochain comme toi-même! » Ici, une question se présente: Combien les hommes s'aiment-ils eux-mêmes? Je réponds: Aucun, trop peu; la plupart, trop. Tu peux t'aimer autant qu'il te plaira, mon cher auditeur, mais il la condition que tu aimes ton prochain dans la même mesure. Je suis assuré qu'il n'est nullement nécessaire de t'exhorter à t'aimer toi-même. Ton bien-être, tes affaires, ta santé, forment, je n'en doute pas, le principal objet de ta sollicitude, Tu ne négligeras rien, j'en suis parfaitement sûr, pour garnir ton nid d'un moelleux duvet, afin de le rendre aussi doux que possible. Il serait superflu, je le répète, de t'exhorter à chérir ta propre personne: tu n'as rien à apprendre à cet égard. Comme donc tu t'aimes toi-même, ainsi aime ton prochain. Et n'oublie pas que ce mot de prochain est, d'une largeur infinie; n'oublie pas qu'il embrasse tous les rangs de la société, qu'il comprend même ton compétiteur, ton ennemi, celui dont tu as le plus à te plaindre.

Oh ! Quelle révolution radicale s'accomplirait dans le monde si ce grand principe de l'amour fraternel avait force de loi parmi les hommes! Quel puissant levier serait cette simple parole du Sauveur: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, pour renverser de fond en comble une foule d'abus et de préjugés qui sont passés dans nos mœurs ! Dans nos sociétés civilisées, quoi qu'on en dise, il règne un esprit de caste presque aussi tranché qu'en Indous tan. Mon seigneur regarde avec dédain quiconque n'est pas son égal en dignité, et celui qui Je suis dans la hiérarchie sociale considère l'industriel ou le commerçant comme des êtres d'un ordre subalterne. Le commerçant à son tour regarde le travailleur comme infiniment au-dessous de lui, et il n'est pas jusqu'aux diverses catégories d'ouvriers qui ne se piquent d'une certaine supériorité les uns sur les autres. Oh ! Quand donc luira le jour où ces absurdes préjugés s'écrouleront tous ensemble; où l'humanité, sentant enfin qu'un même sang circule dans ses veines, ne formera plus qu'une grande famille; où chacun aimera son frère, et où toutes les classes de la société comprendront qu'elles sont dépendantes les unes des autres !

Mais en attendant ce jour béni, travaillons chacun pour son propre compte à nous pénétrer de l'esprit de mon texte, et à nous dépouiller de plus en plus de ce misérable orgueil dont les meilleurs mêmes ne sont pas exempts. O vous, ma sœur, tout enveloppée de soie et de velours, depuis des années vous vous asseyez peut-être dans la maison de Dieu côte à côte avec une pauvre femme, vêtue, il est vrai, d'un habit grossier, mais qui n'en est pas moins une enfant de Dieu aussi sincère que vous pouvez l'être. Lui aviez-vous jamais parlé? Non, jamais. Et pourquoi cela? Voulez-vous que je vous le dise? Parce qu'il se trouve que vous avez plus de francs (euros) à dépenser par jour qu'elle, la pauvre âme, n'a de centimes !...

Et vous, M, le comte, vous entrez dans le sanctuaire, la tête haute, vous attendant à ce que chacun vous  témoigne le plus grand respect. Et en effet, vous avez droit à notre respect, car vous êtes homme; or, le même passage qui nous dit: « Honorez le roi, » nous dit aussi: « Rendez l'honneur à tout le monde (1 Pierre, 2, 17,) » Nous sommes donc tenus de nous honorer mutuellement. Mais quant à vous, tout en croyant que plus que personne vous êtes digne de la vénération publique, vous vous dispensez fort bien d'user de condescendance envers qui que ce soit. Que votre seigneurie me permette de le lui dire: elle serait bien plus grande aux yeux des autres, si elle l'était un peu moins à ses propres yeux. - Oh ! Que béni soit notre Père céleste, que béni soit le Seigneur Jésus de nous avoir donné ce commandement, car, je le répète, une ère de bonheur se lèvera sur le monde quand ces paroles seront accomplies à la lettre: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

 

Et maintenant, mes chers auditeurs, je désire vous indiquer. QUELQUES-UNS DES MOTIFS. QUI DOIVENT VOUS PORTER À OBÉIR A CE COMMANDEMENT.

Le premier, le plus puissant de ces motifs est celui-ci: Nous devons aimer notre prochain, parce que Dieu. Nous le commande, Pour le chrétien, il n'est pas d'argument aussi fort que ces simples mots: « Dieu l'a dit. » La volonté de Dieu est la loi du croyant. Il ne demande pas: « Que gagnerai-je en agissant ainsi ? Que dira l'Eglise? Que dira le monde? » Il se demande simplement: «  Est-ce la volonté de mon Père? » Puis, cette question une fois résolue, il s'écrie: « O Esprit Saint! Donne-moi d'obéir, non à cause des avantages qui peuvent résulter de mon obéissance, mais uniquement parce que tu as parlé! » - Oui, c'est le privilège, c'est la gloire du chrétien de faire la volonté de Dieu, en obéissant à la voix de sa Parole (Ps. 103, 20.).

Mais, je le sais, ce motif, tout-puissant pour le chrétien, n’est de nulle valeur pour les gens du monde. En voici un autre, d'une nature toute différente, qui aura probablement plus de poids auprès d'eux. Nous devons aimer notre prochain dans notre propre intérêt. Au premier abord, il faut en convenir, ceci a l'air d'un paradoxe. Ne semble-t-il pas, en effet, qu'en nous encourageant à aimer les autres, l'égoïsme se donnerait, pour ainsi dire, la mort de ses propres mains? Et cependant, pour peu qu'il fût intelligent, je soutiens que l'égoïsme lui­ même nous tiendrait ce langage : « MOI, aime ton prochain, car alors ton prochain t'aimera. MOI, aide ton prochain, car alors ton prochain t'aidera. Fais-toi des amis, Ô MOI, avec tes richesses iniques, afin que lorsque tu viendras à manquer, ils te reçoivent dans les tabernacles éternels (Allusion à Luc, 14, 1 2.). MOI, tu recherches tes aises: le meilleur moyen de te les procurer, c'est de bien traiter ceux avec qui tu as affaire. MOI, tu recherches le plaisir, les jouissances: tu ne pourras jouir de rien si ceux qui t'entourent te haïssent. Efforce-toi donc de te concilier leurs bonnes grâces, et ainsi, ô cher MOI, tu seras heureux. » - Egoïstes! Profitez de ces sages conseils de votre maître, et puissiez-vous devenir assez logiquement, assez judicieusement égoïstes pour témoigner à vos alentours des égards et de la bonté !

Le plus court chemin pour arriver au bonheur, c'est de rendre les autres heureux. Le monde est bien mauvais, mais il ne l'est pas assez pour être complètement insensible à la puissance de la bonté et de l'amour. Maîtres, soyez bons envers vos domestiques, et saut quelques rares exceptions, soyez sûrs qu'ils seront bons pour vous. Serviteurs, servez vos maîtres avec affection. Il en est bon nombre, j'en conviens, qui sont durs et exigeants, mais soyez persuadés qu'ils n'en apprécient pas moins les bons services, et que si vous avez un peu de support, ils finiront par vous bien traiter. Pour ma part, si je désirais obtenir la plus grande somme de bonheur possible, je ne demanderais point à la terre son luxe et ses richesses, ni aux plaisirs des sens, leurs joies et leurs voluptés: toute mon ambition consisterait à me sentir entouré d'êtres aimés et aimants, et à pouvoir me dire que partout où je vais je répands l'allégresse. Oui, c'est là le vrai moyen d'être heureux soi-même. - Ainsi donc, mon cher auditeur, tu vois que ton intérêt bien entendu doit te porter à aimer les antres, car, par le fait, en les aimant, tu travailles à ton propre bonheur: tant il est vrai qu'entre ton prochain et toi il existe une si étroite solidarité, que le courant d'affection qui découle de ton cœur vers lui, refluera tôt ou tard vers toi.

Mais je ne me suis arrêté que trop longtemps à un motif aussi misérable que celui-là. Il est indigne d'un chrétien, il est indigne même de tout homme généreux! - Aimez votre prochain, vous dirai-je encore, parce que c'est le moyen de faire du bien dans le monde. Vous êtes philanthropes; vous vous intéressez à tout ce qui se fait pour soulager ou améliorer l'humanité; vous souscrivez aux sociétés de missions, aux établissements d'orphelins et autres institutions charitables. Sans doute, toutes ces œuvres sont excellentes: Dieu me garde de les déprécier en aucune manière! Mais tout excellentes qu'elles sont, je me demande souvent si elles ne nuisent pas en quelque mesure aux efforts individuels des chrétiens, et si elles n'encouragent point notre paresse naturelle, dans ce sens que nous nous croyons autorisés à nous décharger sur elles, moyennant une légère contribution, du devoir de faire du bien à nos semblables. Encore une fois, qu'on ne se méprenne point sur le sens de mes paroles. Je ne médis nullement de nos sociétés religieuses; je vous exhorte, au contraire, à les soutenir autant qu'il vous sera possible; seulement, voici ce que je vous dis, mes bien-aimés: Si vous désirez réellement le bien de l'humanité, ne vous contentez pas d'y concourir, en quelque sorte, par procuration, mais mettez vous-mêmes la main à l'œuvre. N'ayez pas constamment recours à des intermédiaires pour témoigner à votre prochain que vous l'aimez. Soyez vous mêmes les distributeurs de vos aumônes; nourrissez le pauvre, visitez le malade, habillez l'indigent, recueillez même l'orphelin dans vos maisons. De la sorte, n'en doutez pas, vous travaillerez efficacement au bien de la société.

Chers amis, souvenez-vous qu'il n'est pas de plus sûr moyen d'améliorer le monde, que d'être bon soi-même. Etes-vous ministre de l'Evangile? Annoncez la vérité d'un ton bourru et grondeur: vous aurez bientôt une Eglise où l'on haïra la religion. - Etes-vous moniteur dans une école du dimanche? Instruisez vos élèves en fronçant le sourcil: vous verrez quel profit ils retireront de vos leçons. - Etes-vous chef de famille et célébrez-vous le culte domestique? Mettez-vous, en colère contre vos serviteurs; après cela, dites: « Prions Dieu: » quelle, grande somme de dévotion vous développerez en eux! - Etes-vous geôlier d'une prison, et avez-vous des détenus à surveiller? Rudoyez-les, maltraitez-les, puis, conduisez-leur le chapelain: comme ils seront bien préparés à recevoir la Parole de Dieu! - Vous avez des pauvres autour de vous; vous voudriez les relever, les éclairer, les moraliser. Allez de maison en maison, et tancez-les vertement sur la malpropreté de leurs demeures, sur la grossièreté de leurs goûts, sur l'état d'abaissement moral dans lequel ils sont plongés: bon moyen, en vérité, de les engager à profiter de vos conseils! Mais essayez d'un tout autre système. Laissez là, croyez-moi, le front dur et le regard sévère;  soignez votre visage de l'huile parfumée de la bienveillance, et, le sourire aux lèvres, allez vers votre prochain en lui disant: « Je vous aime. Je ne fais pas de grandes phrases sur la fraternité, mais vous pouvez compter sur moi, et autant qu'il me sera possible, je vous prouverai mon affection. Voyons: que puis-je faire pour vous? Quel service puis-je vous rendre? Dois-je vous aider à franchir un fossé? Vous se courir dans un moment difficile? Vous encourager quand vous êtes abattu? 11 me semble que je pourrais m'occuper de votre petite fille ou envoyer le médecin à votre femme qui est malade. » Pratiqué sur une large échelle, un tel système de bienveillance et de bons procédés ferait plus, j'en suis convaincu, pour le relèvement moral des masses, que tout ce grand déploiement de rigueur par lequel on cherche à les contenir. Vos gibets et vos échafauds n'ont point amélioré le monde. Pendez les hommes aussi longtemps qu'il vous plaira: vous n'en serez pas plus avancés. La corde n'a jamais moralisé personne, et elle ne le fera jamais. La peine de mort n'est point une nécessité (L'auteur exprime ici son opinion personnelle, dont nous lui laissons toute la responsabilité; car quelles que puissent être, comme individus, nos sympathies pour cette opinion, nous croyons devoir comme éditeurs nous imposer une grande réserve sur une question aussi grave et aussi délicate que celle de la peine de mort. (Note des Editeurs.)).

Encore une fois, traitez votre Prochain avec compassion, traitez-le avec miséricorde, traitez-le avec amour; et, moyennant la bénédiction de Dieu, vous verrez qu'il n'est pas de loup, sous les traits d'un homme, dont le cœur ne s'amollisse à la sainte flamme de la charité; pas de tigresse, sous la forme d'une femme, qui ne soit bientôt vaincue par la voix sympathique et tendre d'une amie chrétienne. - Je vous le dis donc, mes bien-aimés, dans l'intérêt de l'humanité, aimez votre prochain.

Aimez-le aussi, vous souvenant que par votre manque d'affection, vous pouvez augmenter sa part de douleurs. Il est dans le monde bien des misères dont nous ne soupçonnons pas l'existence. Souvent, nous avons adressé de dures paroles à de pauvres âmes désolées; nous ne l'aurions point fait si nous avions connu leurs douleurs, mais notre ignorance ne nous excuse pas, car nous aurions dû les connaître, Te rappellerai-je, mon cher auditeur, que pas plus tard qu'hier, tu as expulsé de la maison une pauvre femme, mère de trois enfants? Cette femme, veuve et délaissée, te devait quelques semaines de loyer, la dernière fois qu'elle te paya, elle vendit la montre de son mari et son anneau de mariage: c'étaient les seuls objets qui fussent chers à son cœur; néanmoins, elle les vendit et te paya « Cette fois-ci, elle n'avait plus rien à vendre. Elle te pria de patienter quelques jours; tu l'as fait, et tu crois avoir agi d'une manière exemplaire en le faisant. Mais ce délai expiré, tu t'es dit: « Cette femme ne m'inspire pas une grande confiance; en tous cas, je sais qu'elle est mauvaise payeuse, Elle a trois enfants, c'est vrai, mais finalement cela ne me regarde pas, où en seraient les propriétaires s'ils devaient s'occuper de ces détails? Les affaires comme les affaires! » Et là-dessus, tu as fait signifier à la pauvre veuve qu'elle eût à déloger sur-le-champ. Ah! Si tu avais pu voir ce qui se passait dans son cœur brisé, alors que sans argent et sans abri elle franchissait le seuil de ta maison, se demandant avec effroi où ses enfants trouveraient un gîte pour la nuit, sûrement tu aurais eu pitié d'elle, et une voix intérieure t'aurait dit: « Non, tu ne peux pas jeter ainsi à la rue la veuve et l'orphelin! »

Mais tu n'as pas connu son angoisse; tu n'as pas même voulu voir l'infortunée, et tu as commis une mauvaise action, Les lois humaines, je le sais, te donnent droit, mais la loi de Dieu te condamne, car cette loi te dit: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Un mot aussi à vous, mon riche auditeur. Un jeune homme s'est présenté chez vous l'autre jour. Il vous a dit: «Vous connaissez mon petit commerce. Les temps sont difficiles, ma clientèle n'est pas encore bien établie; j'ai beaucoup à lutter pour me maintenir sur l'eau. Cependant, je suis loin de désespérer, Je crois, an contraire, que mon avenir serait assuré et que d'ici il quelques mois, j'aurais acquis une bonne position, si seulement vous pouviez me faire quelques avances. » - « Jeune homme, » avez-vous répondu d'un ton froid, « j'ai eu beaucoup de mauvaises dettes dernièrement.

D'ailleurs, vous ne pouvez offrir aucune garantie sérieuse. Il m'est impossible de vous prêter. » Le jeune homme s'est incliné en silence et s'est retiré. - Voilà ce que vous savez, ô mon frère; mais ce que vous ignorez, c'est que ce jeune homme, intègre et honnête autant que vous, vous a quitté la mort dans l'âme. Ce que vous ignorez, c'est qu'unique soutien d'une mère âgée et de deux sœurs incapables de subvenir à leurs besoins, il a entrepris son commerce dans le but de leur donner du pain. Ce que vous ignorez encore, c'est que depuis un mois la pauvre famille s'impose toutes sortes de privations, afin de faire honneur à ses affaires. Eussiez-vous aidé ce jeune homme, vous n'auriez probablement rien perdu, et vous auriez assuré le sort de toute une famille, Mais maintenant le malheureux ne sait que devenir. Son cœur se gonfle, son âme défaille en songeant à sa vieille mère, à ses jeunes sœurs, qui, selon toute apparence, sont à la veille de se trouver sans ressources «Si j'avais su tout cela, » me dites-vous peut-être, « je l'aurais aidé. » Et qui est responsable de votre ignorance, si ce n'est vous-même, mon cher auditeur? Votre devoir n'était-il pas, avant de prendre une décision, de questionner celui qui vous demandait un service, et de prendre des renseignements sur son compte? - « Ce n'est point ainsi que se traitent les affaires, » me répondez-vous, C'est possible, mais c'est ainsi qu'un chrétien devrait les traiter. Périssent vos affaires si elles vous obligent à vous conduire en enfant du diable et non en enfant de Dieu! Si vous faites profession de piété, cherchez à servir Dieu, même dans vos affaires, et n'oubliez pas qu'il vous a dit: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Un dernier exemple. Il y a ici une grande dame, à qui Dieu a donné non seulement l'abondance, mais aussi le superflu, et pour qui l'argent n'a guère plus de valeur que les épingles n'en ont pour d'autres. Elle va parfois visiter les pauvres. Dès qu'elle entre, on s'empresse de lui avancer un siège, et quand elle est assise, elle commence à discourir fort doctement sur le devoir de la modération et de l'économie. Les pauvres gens qui l'écoutent se demandent tout surpris, comment il serait pos­sible d'économiser plus qu'ils ne font, car sou vent ils ne mangent que du pain, et ils ne voient pas ce qu'ils pourraient retrancher à ce maigre ordinaire, Ensuite, la dame leur fait un cours complet d'ordre et de propreté, et se permet, à ce sujet, une infinité de remarques impertinentes sur les vêtements des enfants, qui, hélas! N’en possèdent pas de rechange..... Puis, elle se lève, et dit à la mère de famille: « Ma bonne femme, voici un petit livre dont je veux vous faire cadeau: il traite de l'ivrognerie; je vous engage à le donner à votre mari. » (Pauvre créature! si elle le fait, elle sera battue, n'en doutez pas…) « Tenez, » ajoute enfin la visiteuse, « je vous donne encore ceci; » et elle lui met dans la main une pièce d'argent. Après cela, la dame s'en va, en se disant avec satisfaction: « J'aime mon prochain. » - Vous l'aimez, ma sœur? Avez-vous donc traité cette femme avec affection? ­« Non » - Lui avez-vous parlé comme une amie parle à son amie? – « Non, sans doute; elle est mon inférieure. » - Alors ne vous flattez point d'avoir obéi à cette loi divine: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et vous dirai-je chère sœur, ce qui est arrivé après que vous fûtes partie? La mère de famille fondit en larmes, et courut chez son pasteur afin d'être consolée, « Oh! Monsieur, s'écria-t­-elle, « je suis bien reconnaissante envers Dieu du petit secours qu'il vient de m'envoyer, mais j'ai cru que mon cœur allait se briser! Une dame est venue me voir, elle m'a donné quelque argent, mais elle m'a parlé d'une manière si offensante, qu'en vérité j'ai eu envie de refuser son aumône. Elle m'a fait affront en présence des enfants, elle m'a humiliée de mille manières, elle m'a tenu les propos les plus pénibles ! Oh ! Qu’il est dur de se voir ainsi traitée, surtout lorsque, comme moi, l'on a connu de meilleurs jours ! » - Voilà, ma sœur, quel a été le résultat de votre visite. Non, vous n'aimez pas votre prochain, sans quoi vous n'auriez pas ajouté une nouvelle douleur aux douleurs de votre pauvre sœur. Vous lui avez donné de l'argent, c'est vrai, mais qu'est-ce que de l'argent sans un peu d'amour? La valeur de votre offrande eût été décuplée si vous y aviez joint la moindre parcelle de vraie charité. Tu aimeras ton prochain. Oh! Plût à Dieu que je pratiquasse toujours moi-même ce saint commandement, et que je parvinsse à le faire pénétrer dans le cœur de tous ceux qui m'écoutent!

Le dernier argument dont je ferai usage s'applique exclusivement aux enfants de Dieu. Chrétiens, mes frères, leur dirai-je, vous devez aimer votre prochain, parce que Christ vous a aimés. Il vous a aimés le premier. Il vous a aimés quand il n'y avait rien en vous qui fût aimable. II vous a aimés quoique vous l'eussiez méconnu, méprisé, insulté. Il vous a aimés avec persévérance, il vous aime d'un amour éternel. Il vous a aimés: dans vos chutes, il vous a aimés dans vos relèvements. Il vous a aimés malgré vos péchés, vos ingratitudes et vos folies. Son cœur aimant n'a jamais changé, et il a répandu tout le sang de ses veines pour vous prouver son amour. Il vous donne ici-bas tout ce dont vous avez besoin, et vous, prépare dans les cieux une habitation éternelle. 0, chrétiens, la religion que vous- professez exige que vous aimiez comme, votre Maître a aimé. Il vous a dit, vous le savez: Je vous laisse un exemple, afin que vous suiviez mes traces. Or, comment pourriez-vous suivre ses traces, à moins que vous n'aimiez? Laissez au mahométan au juif et au païen, la dureté de cœur et l'insensibilité  de  leur part, ces sentiments, sont à quel que degré, excusables; mais en vous, rachetés de Christ, ils seraient la plus étrange des anomalies, la plus choquante des contradictions et si vous n'aimiez pas votre prochain en vérité, je ne sais comment il serait possible que vous fussiez les vrais disciples du Seigneur Jésus.

  

Et maintenant, il ne me reste plus qu'à vous faire remarquer, très sommairement, quelques unes DES IMPORTANTES VÉRITÉS QUI RESSORTENT DE MON TEXTE.

La première, c'est que nous sommes tous coupables. En effet, mes bien-aimés, devant ce commandement, qui de nous ne se sent condamné par sa conscience? Puisque la loi de Dieu m'ordonne d'aimer mon prochain, du haut de cette chaire, moi, tout le premier, je dois confesser mon péché ! Hier soir, vous le dirai-je ? En méditant sur ce texte, j'ai versé des larmes amères, au souvenir de tant de parole  dures qui se sont échappées; de mes lèvres, de tant d'occasions de faire le bien dont je n'ai pas profité. J'ai cherché à m'humilier sincèrement devant Dieu, et je suis assuré qu'il n'est personne dans cet auditoire qui ne sentît le besoin de s'humilier avec moi, si la parole de mou texte était appliquée à son âme, par la puissance de l'Esprit de Dieu.

Oui, nous sommes tous coupables ! O vous les plus tendres des cœurs, les plus charitables des âmes, dites, n'êtes-vous par forcés, chacun pour son propre compte de vous, joindre à ce triste aveu? Et ceci nous suggère naturellement Une seconde remarque. Si tout le monde a violé ce commandement, qui peut espérer d'être sauvé par ses propres mérites? Y a-t-il ici quelqu'un qui pendant toute sa vie, ait aimé son prochain de tout son cœur? Si un tel homme existe, il sera certainement sauvé par ses œuvres, à condition toute fois qu'il n'ait pas enfreint non plus les autres commandements. Mais si vous n'avez pas aimé vos semblables ­- (et vous savez que vous ne l'avez point fait)- ­écoutez la sentence de la loi: L'âme qui péchera sera celle qui mourra. N'espérez donc pas être sauvé par les ordonnances de la loi. Quiconque se confie dans la loi périra par la loi. Oh ! Combien ceci est propre à me faire aimer l'Evangile! Si j'ai transgressé le commandement de mon texte, - et je l'ai fait; si d'un autre côté, je ne puis entrer au ciel sans y avoir parfaitement obéi, précieux à mon âme est ce Sauveur plein d'amour qui peut laver tous mes péchés dans son sang! Cher à mon cœur est Celui qui veut bien me pardonner mon manque de charité, mon peu de dévouement, ma rudesse et mon égoïsme; jeter un voile sur toutes mes paroles acerbes, sur mes médisances, sur mon étroitesse, sur ma dureté, et qui, malgré tous mes péchés, me donnera enfin une place dans le ciel, grâce à son sacrifice expiatoire!

Mes chers amis, vous êtes tous pécheurs: si vous l'aviez ignoré jusqu'à ce jour, l'examen que nous venons de faire a sûrement dû vous convaincre de cette triste vérité. C'est donc comme, à des pécheurs que je viens vous annoncer l'Evangile. Quiconque croira au Seigneur Jésus sera sauvé. Et non seulement Dieu pardonnera le pécheur, mais il mettra en lui un nouveau cœur et un esprit droit, en sorte qu'il sera rendu capable à l'avenir d'observer à quel que degré la loi de son Père céleste, et qu'il recevra un jour dans la vie éternelle la couronne incorruptible de gloire.

Plus qu'un mot. Je ne sais si dans quelques parties de mon discours j'ai paru m'adresser personnellement à l'un de vous. Je l'espère. En tout cas, c'était mon désir et mon intention. Je sais qu'il y a beaucoup de gens dans le monde, qui à moins qu'on ne fasse des habits tout exprès pour eux, ne veulent pas les porter: j'ai donc essayé de leur en tailler exactement à leur mesure, afin qu'ils n'aient aucune excuse pour ne pas s'en vêtir. Si au lieu de vous écrier: « Comme ce sermon s'appliquait bien à mon voisin! » vous consentez à vous dire: « Comme il s'appliquait bien à moi! » j'espère qu'avec l'aide de Dieu, mes exhortations ne resteront pas sans fruit. - Et si quelque personne, aux tendances antinomiennes, disait avec dédain, en sortant de cette enceinte : « On ne nous a prêché aujourd'hui que la légalité, » que cette personne reçoive l'assurance ne mon affection mais qu'elle me permette en même temps de lui dire que son opinion me touche peu. Mon Sauveur a prêché la morale et je veux suivre son exemple. Je crois qu'il est bon de souvent rappeler aux chrétiens que leur foi doit se montrer par leurs œuvres, et aux mondains, que les œuvres sont la conséquence de la foi. Je crois que le ministre de Christ est tenu d'élever devant tout le plus parfait idéal de l'amour, de la bonté et de la sainteté, et de ne jamais souffrir que cet idéal soit rabaissé ou amoindri.

Que Dieu vous bénisse tous, mes bien-aimés, et qu'il soit avec vous pour l'amour de Jésus!

 

 

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CE QUE L'ON DOIT HAIR

 

Vous qui aimez l'Eternel, haïssez le mal (Ps., XCVII, 1 0).

 

La religion chrétienne est une chaîne d'or qui enlace le cœur de l'homme et le rend inaccessible à la haine. L'esprit de Christ est un esprit d'amour. Partout où Christ règne, là règne aussi l'amour. Il n'est permis au chrétien de ne haïr personne. « Vous avez entendu qu'il a été dit aux  anciens: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis: Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous maudissent, et priez pour ceux qui vous persécutent. » Tel est le langage du Maître. A moins qu'il ne soit pris dans un sens unique, dans le sens que lui donnent les paroles de mon texte, le mot haïr doit être rayé du vocabulaire chrétien. Tu n'as le droit, ô disciple de Christ, de ne tolérer dans ton sein aucun sentiment d'inimitié, de rancune, de malice, d'aigreur ou de malveillance, envers aucune créature que la main de Dieu a formée. Tout en haïssant les péchés d'un homme, souviens-toi que tu ne dois point le haïr lui-même; mais que comme Christ a aimé les pécheurs, ainsi tu dois les aimer. Tout en détestant les fausses doctrines, souviens-toi que tu dois aimer celui qui les professe; bien plus: tu es tenu de haïr l'hérésie par amour pour l'âme de l'hérétique, et avec l'ardent désir qu'il revienne de son égarement. Non, tu n'as le droit de haïr personne, pas même les êtres les plus dégradés et les plus avilis, pas même ceux qui irritent ton humeur, nuisent à ta fortune ou portent atteinte à ta réputation. Et pourtant la haine, on ne, saurait le nier, est une puissance de l'âme humaine; or, pour ma part, le crois fermement que toutes les puissances de nos âmes nous ont été données par le Créateur, afin que nous les exercions, et qu'il n'en est aucune dont nous ne puissions faire un légitime usage. Il est possible de se mettre en colère, et cependant de ne point pécher (Eph., 4, 26.); il est possible également d'éprouver de la haine, non seulement sans offenser Dieu, mais en accomplissant un devoir positif. Oui, tu peux haïr, ô chrétien, à condition que ta haine se concentre sur un seul objet; alors, bien loin d'être répréhensible, elle sera, au contraire, digne de louange: Vous qui aimez l'Eternel, haïssez LE MAL. Autant le vindicatif hait son ennemi, autant tu peux haïr la corruption de ton cœur. Autant de cruels despotes en guerre l'un contre l'autre se haïssent mutuellement, autant tu peux abhorrer tes ennemis spirituels. Autant l'enfer hait le ciel, et le ciel, l'enfer, autant il t'est permis de détester le mal. Cette passion de la haine, qui, dans son état de nature, ressemble à un lion furieux altéré de sang, tu dois la dompter et t'en rendre maître, jusqu'à ce qu'elle devienne à l'égard de tes semblables, comme un noble lion qui a perdu ses instincts féroces; mais tu peux et tu dois la laisser assouvir toute sa fureur sur le grand ennemi de l'Eternel ton Dieu, c'est-­à-dire, sur le péché. Montrez-moi un homme qui ne se mette jamais en colère: cet homme, je vous l'affirme, n'est point animé d'un zèle véritable pour le Seigneur. Il est bon que nous soyons parfois en colère contre le péché. Quand nous nous trouvons en présence du vice, nous devons être irrités contre lui, quoique pleins de charité envers ceux qui le commettent. L'iniquité, sous toutes ses formes, doit toujours nous être odieuse. David ne s'écrie-t-il point, après avoir énuméré les crimes qu'il voyait autour de lui: « Je les ai haïs d'une parfaite haine; je les tiens pour mes ennemis » (Ps. 139, 22.) ? Nous devons aimer nos propres ennemis, mais haïr les ennemis de Dieu; aimer l'âme pécheresse, mais haïr son péché. Autant qu'il est en la puissance de l'homme de haïr, ainsi devons-nous haïr le mal, quel qu'il soit et sous quelque aspect qu'il se présente à nous.

Ceci nous amène à observer le caractère absolu de mon texte. Il s'adresse à tous les enfants de Dieu, et il embrasse, non tels ou tels péchés particuliers, mais le mal dans son ensemble. On a dit, vous le savez, de certains prétendus dévots « qu'ils rachetaient leurs propres faiblesses en condamnant sans miséricorde celles du prochain. » Cela est vrai pour beaucoup de gens. Plus d'un de mes auditeurs, je n'en doute pas, considère les autres comme très coupables, parce qu'ils commettent des péchés que lui-même ne se soucie pas de commettre, tandis qu'il se montre plein d'indulgence à l'endroit de ses propres défauts.

0 chrétien, souviens toi que nul mauvais penchant, nulle habitude coupable ne doit trouver grâce devant tes yeux. Ne tends jamais au mal une main bienveillante; ne le touche qu'avec un gantelet d'acier. Ne parle jamais de lui avec ménagement, mais hais-le partout et toujours. S'il vient à toi comme un petit renard, tiens-toi sur tes gardes, autrement il gâtera tes raisins. S'il fond sur toi comme un lion rugissant, cherchant à te dévorer, ou s'il avance traîtreusement comme l'ours, feignant de vouloir t'embrasser, frappe-le, car son attouchement est la mort, et son étreinte la destruction. Tu dois combattre indistinctement tout péché de langue, de main ou Je cœur. Qu'il soit doré par l'intérêt et le gain, ou voilé sous un semblant de moralité; qu'il soit adulé par les grands ou encensé par la foule, le mal doit toujours être de ta part l'objet d'une haine implacable, d'une haine de tous les instants et de tous les lieux. Oui, guerre à outrance, guerre à mort contre le péché ! A toutes tes légions, ô enfer ! À tous tes rejetons, ô Satan! Nous devons jurer une inimitié éternelle! Pas une seule convoitise ne doit être épargnée, mais contre le mal tout entier, nous devons poursuivre une guerre sans relâche, une guerre d'extermination. Vous qui aimez l' Eternel, haïssez le mal!

En essayant de traiter ce sujet, mes chers auditeurs, je me propose de diviser mes exhortations en deux parties. Premièrement, je vous dirai: HAÏSSEZ LE MAL EN VOUS-MEMES; et en second lieu: HAÏSSEZ LE MAL CHEZ AUTRUI.

  

Et d'abord, occupons-nous de ce qui nous touche de plus près. Chrétien, ai-je dit, TU DOIS HAÏR LE MAL EN TOI-MEME.

Et en vérité, tu as de bonnes raisons pour le haïr, - des raisons bien autrement puissantes que celles dont jamais opprimé ont pu se servir pour excuser sa haine contre son oppresseur. Considère quel immense préjudice le péché t'a déjà causé. Oh ! Quel monde de misères n'a-t-il pas créé dans ton cœur! C'est le péché qui avait plâtré tes yeux, en sorte que tu ne pouvais voir la beauté de ton Sauveur; c'est lui qui avait bouché tes oreilles, en sorte que tu ne pouvais entendre les douces invitations de Jésus.

C'est le péché qui a guidé tes pas dans le sentier du mal et qui a rempli tes mains de souillures; c'est lui qui a empoisonné la source même de ta vie, qui a vicié ton cœur, et l'a rendu rusé et désespérément malin par-dessus toutes choses. 0 croyant, songe à ce que tu étais, alors que le péché régnait sur toi et que la grâce de Dieu ne t'avait pas encore renouvelé. Tu étais un enfant de colère comme les autres; tu courais avec la multitude pour mal faire; ta bouche était un sépulcre ouvert, tu flattais de ta langue, et tout ce qu'on peut dire aujourd'hui de tes semblables qui vivent loin de Dieu, s'appliquait autrefois à toi. Chrétiens, mes frères en la foi, j'en appelle à votre expérience: n'est-il pas vrai que vous ne différiez en rien du reste des hommes? Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés, au nom du Seigneur Jésus et par l'Esprit de notre Dieu (1 Cor., 6, 11.). Oh! Que de sujets n'avez-vous pas de haïr le mal, pour peu, que vous regardiez au rocher duquel vous avez été taillés et au creux de la carrière dont vous avez été tirés (Esaïe, 51, 1.)! Si grands étaient les ravages que le péché avait faits dans vos âmes, que ces âmes eussent été éternellement perdues si un tout puissant amour n'était intervenu pour les racheter. Enfants de Dieu, haïssez donc le mal. Il a été votre meurtrier; il a plongé le poignard dans votre cœur; il a mis du poison dans votre bouche; il a tout fait pour vous précipiter en enfer; il vous a causé un tel dommage, qu'une ruine éternelle en eût été l'inévitable conséquence sans la grâce du Seigneur Jésus. Voilà une première raison qui doit vous porter à haïr le mal.

Vous devez encore le haïr, ô disciples de Christ, vu le rang élevé que vous occupez dans le monde. Dans les veines d'un chrétien coule le sang royal de l'univers. Que les fils de mendiants errent çà et là, déguenillés et les cheveux en désordre, à la bonne heure; mais convient-il à des princes du sang de courir les rues comme de jeunes vagabonds? Ne serait-ce pas, je le demande, un spectacle de la plus haute inconvenance que de voir les enfants d'un monarque vêtus de haillons et se vautrant dans la boue? Et toi, chrétien, tu fais partie de l'aristocratie du ciel; tu es un prince de sang royal, ami des anges que dis-je? Ami de Dieu lui même! Par respect pour ta haute position, aie donc le mal en horreur. Souviens-toi .que noblesse oblige. Tu es un Nazaréen consacré à Dieu, mis à part pour son service. Or, tu sais que la loi de Moïse défendait au Nazaréen, sous peine d'être tenu pour souillé, non seulement de boire aucune liqueur faite avec du raisin, mais même de goûter à rien de tout ce que la vigne rapporte, depuis les pépins jusqu'à, l'écorce (Voir Nomb., 6.). Ainsi dois-tu agir à l'égard du péché.

Tu es le Nazaréen du Seigneur: c'est pourquoi, balance soigneusement le chemin de tes pieds. Evite jusqu'à l'apparence du mal. Détourne-toi de tout sentier oblique: ce serait déroger à ta propre dignité que de marcher comme le commun des hommes. Tu n'es pas tel que les autres; tu es de plus noble race. Ta généalogie remonte en ligne directe au Fils de Dieu, car celui-là même qui est le Prince de paix est ton Père de toute éternité. Je t'en conjure, ne déshonore donc pas le nom illustre que tu portes, et conduis-toi d'une manière digne de ta royale extraction. Tu fais partie de la race élue, du peuple acquis, de la nation sainte: comment pourrais-tu donc souiller tes vêtements dans la fange de ce monde? Vous qui aimez l'Eternel, haïssez le mal!

Un autre motif qui doit porter le croyant à haïr le péché, c'est que le péché l'affaiblit. En voulez-vous des preuves? Allez, quand vous avez commis quelque acte de désobéissance envers Dieu, allez dans votre cabinet, et mettez vous à genoux. Avant d'avoir péché, votre prière élevait, joyeuse et facile, vers le Seigneur, et les bénédictions que vous lui demandiez, descendaient sur vous, rapides comme l'éclair. Mais maintenant vos genoux sont relâchés et vos mains sont languissantes; votre cœur est impuissant à désirer et votre langue se refuse à exprimer les faibles désirs que vous essayez de former. Vous cherchez la face de Dieu, mais en vain; vous gémissez, mais le ciel semble fermé à votre cri; vous pleurez, mais vous sentez que vos larmes ne tombent point sur le sein de Dieu. Vous portez vos besoins devant le Trône de Grâce, mais, hélas! Vous les remportez avec vous. Au lieu d'être pour vous le plus excellent, le plus doux des privilèges, la prière devient un pénible devoir. Tel est le résultat du péché. De deux choses l'une: ou le péché vous fera abandonner la prière, ou la prière vous fera abandonner le péché. Jamais, non, jamais, ô croyant, tu ne pourras être à la fois vaillant dans la prière et vaillant dans le péché. Aussi longtemps que tu caresseras un mauvais penchant, un interdit, une convoitise quelconque, la puissance de la prière te sera ôtée, et quand tu chercheras à t'approcher de Dieu, tes lèvres seront fermées. - Il en est de même pour l'activité extérieure. Après que tu as volontairement offensé ton Père céleste, va au milieu du monde et essaie de faire du bien. Tu n'en feras aucun, absolument aucun, te dis-je! Tu as perdu tout pouvoir d'aider les autres à se purifier, étant toi-même impur.

Eh quoi? Je pourrais, avec des doigts souillés, laver le visage de mon prochain? J'irais labourer le champ d'autrui, tandis que le mien est en jachères, et que les chardons et les ronces le couvrent? Non, c'est impossible! La première condition pour faire du bien aux autres, c'est de ne pas souffrir de mal en soi. Un pasteur peu diligent à travailler à sa propre sanctification, sera toujours un pasteur peu béni dans son ministère, et un chrétien infidèle sera toujours un chrétien stérile. C'est pourquoi, mon cher auditeur, à moins que tu ne souhaites que tes nerfs ne se relâchent et que la moelle de tes os ne se dessèche au dedans de toi; à moins que tu ne désires que la sève de ta vie spirituelle ne tarisse dans sa source, je t'en supplie, hais le péché ,car le péché peut tellement te débiliter et t'affaiblir, que ton âme deviendra un vrai squelette spirituel, et qu'elle traînera une misérable existence, au lieu de fleurir, joyeuse et prospère ,dans les sentiers du Seigneur. Vous qui aimez l'Eternel, haïssez le mal.

Haïssez-le encore, par la raison que si vous vous y complaisez, vous aurez à en porter la peine. Jamais Dieu ne mettra à mort ses enfants; il a déposé pour toujours, en ce qui les concerne, l'épée de sa justice, depuis l'heure mémorable où cette épée vengeresse s'enfonça tout entière dans le sein de Jésus. Mais Dieu a une verge, et il frappe de cette verge ses enfants rebelles, tellement que parfois les oreilles leur en tintent. Le Seigneur ne sera jamais courroucé contre ses élus au point de les rejeter, mais il peut l'être assez pour qu'ils aient lieu de s'écrier, tout éperdus: «Guéris-moi, ô Eternel! Et que les os que tu as brisés se réjouissent. » Ah! Vous connaissez sûrement la verge du Seigneur, chrétiens: déchus, chrétien si, infidèles, qui m'écoutez; car lorsque les brebis de Christ s'enfuient loin du berger, le berger ne les laisse point périr, mais il permet à l'épreuve et à la douleur de fondre sur elles, afin que, meurtries et haletantes, elles retournent se réfugier dans son sein. Un véritable croyant, je le répète, ne sera jamais détruit, mais il peut tomber si bas qu'il se croira lui-même aux portes de l'enfer. La vie divine ne s'éteindra jamais complètement dans son âme, mais il peut se sentir tellement brisé et défaillant, qu'il saura à peine s'il respire encore. Oh! Chrétien, je te le dis, à moins que tu ne recherches l'affliction, hais le mal. Si tu veux semer de ronces ton sentier et garnir d'épines ton lit de mort, alors, vis dans le péché; mais si, au contraire, tu désires que ton âme habite dès ici-bas les lieux célestes et que ton cœur retentisse par avance des mélodies éternelles du paradis, alors marche jusqu'à la fin dans les voies de la sainteté. - Oui, chrétiens, mes frères, dans votre propre intérêt, haïssez le mal.

Mais jusqu'à présent je ne vous ai présenté, pour ainsi dire, que des considérations égoïstes.

Je vous ai exhortés à haïr le péché en vous signalant quelques-unes des funestes conséquences qui en résulteront pour vous. Maintenant j'arrive à un argument d'un ordre plus relevé. Chrétiens, vous dirai-je, haïssez le mal; haïssez-le en vous-mêmes, parce qu'il fait du mal aux autres. Et d'abord, il en fait aux enfants de Dieu. Les infidélités d'un seul croyant nuisent à tout le corps de Christ. Les douleurs les plus cruelles qui aient assailli l'Eglise de Dieu lui sont venues de ses propres enfants. Je la vois, l'Epouse de l'Agneau, je la vois qui s'avance, couverte de boue et les vêtements déchirés. Ses mains sont ensanglantées et ses épaules couvertes de cicatrices. 0 Eglise du Dieu vivant, toi la plus belle des femmes, commentes-tu réduite à un si triste état? D'où te viennent ces blessures? Qui l'a fait subir ces indignes traitements? Est-ce l'incrédule qui t'a craché au visage? Est-ce l'Arien qui a lacéré ta robe? Est-ce le Socinien qui a souillé de fange a blancheur de tes vêlements? Sûrement c'est l'impie ou le profane qui a ainsi meurtri tes mains? J'entends sa réponse. « Non, ces blessures m'ont été faites dans la maison de mes amis. Une secrète armure me met à l'abri des coups de mes adversaires, mais contre mes amis, je suis sans défense; leurs traits pénètrent jusqu'à mon coeur...»Ah! Malheur à vous, prétendus chefs des armées de l'Eternel, indignes pasteurs des troupeaux de Christ, disciples infidèles du Rédempteur! Malheur à vous, car vous faites plus de mal à l'Eglise que ne lui en ont jamais fait ses ennemis déclarés! Si le christianisme n'était point une religion divine, protégée par la puissance de Dieu, sans contredit, il aurait cessé d'exister, simplement à cause des misères et des inconséquences de ceux qui se réclament de son nom. Je ne m'étonne nullement, pour ma part, que l'Eglise de Dieu ait survécue à la persécution et au martyre; mais ce qui m'étonne, je l'avoue, c'est qu'elle ait survécu aux criantes infidélités, aux chutes scandaleuses de ses fils et de ses filles. Oh! Chrétiens, vous ne savez pas combien le nom de Dieu est blasphémé, combien vous affligez son corps et déshonorez son étendard, lorsque vous commettez l'iniquité! Vous qui aimez l'Eternel, haïssez donc le mal!

Mais ne le haïssez pas seulement par amour pour l'Eglise, haïssez-le aussi par amour pour les pauvres pécheurs. Hélas! Qui pourrait dire combien d'âmes inconverties sont éloignées chaque année de toute pensée sérieuse par la conduite des chrétiens? Et n'avez-vous pas remarqué, mes chers auditeurs, quelle vive jouissance le monde éprouve à enregistrer les manquements de ceux qui font profession de piété? Pas plus tard qu'hier je lisais sur un journal quelques lignes relatives à un misérable, traduit devant les tribunaux pour cause d'adultère, et le rédacteur de l'article remarquait plaisamment que cet homme « avait un air de haute sainteté. » Voilà bien, pensai-je, un de ces coups détournés que la presse incrédule aime tant à nous lancer. Je ne sais trop, soit dit en passant, si, en matière de sainteté, l'opinion des journalistes mérite une grande confiance; en tous cas, j'imagine que ces messieurs auraient longtemps à chercher dans leurs rangs avant de pouvoir nous montrer un saint….Quoi qu'il en soit, au dire de l'un d'entre eux, le vil criminel dont je viens de parler, avait «un air de haute sainteté, » et il va sans dire que ces paroles étaient un trait dirigé contre tous les chrétiens, puisqu'elles semblaient donner à entendre que cet homme était un des leurs. Mais tout en protestant contre de semblables attaques, nous devons reconnaître, mes chers amis, que le monde a bien des sujets de mal parler de nous. Que de chrétiens de profession ne voit-on pas, en effet, tous les jours, déshonorer le christianisme de la manière la plus grave? Il s'accomplit des choses au nom de Jésus-Christ qu'il serait honteux de faire, je ne crains pas de le dire, au nom de Belzébul; il a  des actes si abominables commis par des gens, qui se disent membres de l'Eglise de Dieu, qu'en vérité je me demande si les démons eux-mêmes n'en rougiraient point! Oui, les gens du dehors ont eu de graves motifs pour attaquer l'Eglise, Enfants de Dieu, soyez donc sur vos gardes. Le monde a un œil de lynx. Quoi que vous fassiez, il apercevra vos chutes, bien plus, il les grossira, et s'il ne peut vous surprendre en faute, il aura recours, à la calomnie. Mais puisque vous ne pouvez espérer d'échapper à sa malice, efforcez-vous du moins de ne point y donner prise. Que vos vêtements soient blancs en tout temps (Ecclés., 9, 8.). Marchez dans la crainte de l'Eternel, et que la prière du Psalmiste devienne votre prière de chaque jour : « Soutiens-moi, et je serai en sûreté» (Ps. 119, 117.).

Enfin, j'ai à vous présenter un dernier argument, qui ne peut manquer, ce me semble, de toucher vos cœurs et de vous inspirer une haine profonde à l'égard du péché. Vous avez un ami, le meilleur ami que vous ayez jamais eu. Je le connais, je l'ai aimé et il m'a aimé, Un jour que j'errais, seul et pensif, dans la campagne, je me trouvai tout à coup dans un endroit qui restera pour toujours gravé dans mon souvenir, car là, je vis cet ami - mon meilleur, mon unique ami - étendu mort à mes pieds! Le cœur plein d'un douloureux effroi, je me baissai et le regardai…. Il avait été lâchement assassiné!

Je vis que ses mains et ses pieds avaient été percés de clous. Sur son visage glacé par la mort, était empreinte une angoisse si terrible, que je pouvais à peine en supporter la vue. Son corps était amaigri par le jeûne, son dos était sillonné de plaies sanglantes. Une ligne de blessures ceignait son front: évidemment de cruelles épines l'avaient meurtri. Je frémis d'indignation, car je savais tout ce que valait cet ami. Jamais il ne s'était trouvé aucun mal en lui. Il était pur parmi les purs, saint parmi les saints. Qui donc avait osé lever la main sur lui? Il n'avait jamais nui à personne. Pendant toute sa vie il était allé de lieu en lieu en faisant le bien; il avait guéri les malades, rassasié les affamés, ressuscité les morts: Pour laquelle de ces œuvres lui avait-on ôté la vie? Son existence tout entière n'avait été qu'amour. Et tout en considérant ce pâle et morne visage, si plein à la fois de poignante douleur et d'ineffable amour, je me demandais avec étonnement quels pouvaient être les misérables assez vils pour avoir osé le frapper? « Où demeurent ces traîtres? » m'écriai-je; « qui me dira où je pourrai les trouver? Où se cachent-ils les infâmes qui ont percé les mains d'un être tel que celui-là ? Eussent-ils mis à mort un tyran, on aurait pu leur pardonner. Eussent-ils tué un de ces êtres dégradés qui se plongent dans le vice et l'infamie, on aurait pu avoir quelque indulgence pour leur forfait. Eussent-ils choisi pour leur victime un meurtrier, un rebelle, un conspirateur, on aurait pu dire: « Enterrez son corps: justice a été faite!» Mais lorsque tu fus mis à mort, toi, mon plus cher, mon unique ami, oh! Quel attentat! Quel crime sans pareil!..... Où sont-ils les monstres qui ont fait couler ton sang? Que ne puis-je m'emparer d'eux et leur faire expier leur forfait! » Oh! Quelle jalousie, quelle indignation, quelle colère je ressentais! Mais voici, comme je me penchais de nouveau sur ce corps inanimé, un bruit de pas frappe mon oreille. Etonné, je me relève, j'écoute: le même bruit se fait entendre.....Plus de doute, le meurtrier est près! J'avançai en tâtonnant (car il faisait sombre), espérant à tout moment mettre la main sur le traître. Mais, chose étrange! Quoique je distinguasse toujours le son des pas, de quelque côté que j'étendisse la main, je ne rencontrais que le vide…. Alors la vérité se fit jour dans mon âme; mes yeux se dessillèrent, et plaçant la main sur ma propre poitrine: « Ah!  Je te tiens enfin! »  M’écriai-je avec amertume, car je venais de découvrir, hélas! Que le meurtrier était dans mon cœur, qu'il habitait les replis les plus secrets de mon être!.... Oh ! Alors, comme je pleurai! Comme je me frappai la poitrine en contemplant les restes sanglants de mon Maître et en songeant que son bourreau c'était moi, c'était mon péché! Quels remords, quelle profonde componction n'éprouvai-je pas 1orsque, agenouillé près de son corps, je chantai cette hymne plaintive:

« O Jésus, mon ami fidèle,

C'est moi qui te brisai Je coeur!

C'est moi qui d'une main cruelle

Perçai la main de mon Sauveur!... »

Vengeance! Vengeance! O vous tous qui craignez l'Eternel et qui aimez son nom, vengez vous du péché et haïssez le mal!

Et maintenant, mes chers auditeurs, je désire vous donner quelques avis relativement à cette lutte constante que le chrétien est appelé à soutenir contre le mal. Il s'agit, vous le, savez, de faire mourir en nous le vieil homme et ses convoitises: mais quel moyen employer pour atteindre ce but? Voici le glaive de la loi: aurons-nous recours à, lui?

Hélas! Les coups de Moïse seront toujours impuissants pour mettre à mort le péché. La loi et ses terreurs, bien loin d'amollir l'âme ne font, en général, que l'endurcir. J'ai souvent essayé, pour ma part, de triompher du péché en pensant au châtiment qui en est la suite; mais je déclare que cette, considération n'a pu que très rarement m'arrêter dans la voie du mal. Je suis persuadé que les menaces de la loi, toutes formidables, qu'elles sont, ne possèdent que fort peu de puissance pour dompter, le cœur et le faire renoncer à ses  convoitises. Il y a plus: j'affirme que trop souvent ces menaces ont pour effet de cautériser la conscience, et que le pécheur finit par trouver je ne sais quelle âpre volupté à braver le châtiment. Aussi, ne conseillerai-je jamais à une âme qui désire être délivrée de ses péchés, de méditer continuellement sur la peine qui  leur, est due. Qu’elle essaie plutôt d'une autre, méthode. Qu'elle, aille s'asseoir au pied de la croix et qu’elle puise dans la contemplation du sacrifice expiatoire que Christ a accompli pour elle, une repentance selon l'Evangile. Je ne connais point d'autre remède contre le péché qu'une communion habituelle avec Jésus. Vivez avec lui, et il vous sera impossible de vivre avec le mal.

Quoi! Mon Seigneur Jésus, se pourrait-il que je me prosternasse au pied de l'arbre maudit, que je visse, ton sang couler goutte à goutte pour expier, mes transgressions, et qu'en suite j'allasse de nouveau me plonger dans l'iniquité?

Hélas! Oui, cela se pourrait, car il n'est aucune énormité dont une créature aussi vile que moi ne soit capable; toutefois, s'il est un moyen par lequel je puisse arriver à surmonter les tentations, s'il est une entrave que je puisse opposer efficacement dans mon âme au courant fatal du péché, c'est de me nourrir constamment de cette pensée: Jésus a vécu et il est mort pour moi.

Un second avis que je vous donnerai, est ce lui-ci: Si vous voulez combattre victorieusement le péché, ne craignez point que le grand jour règne dans votre cœur. Quand la ménagère nettoie, sa maison, si les rideaux sont baissés elle croit que tout, est propre autour d'elle; mais si elle entrouvre la fenêtre et qu'un rayon de soleil se glisse dans la chambre, aussitôt elle voit dix mille grains de poussière tourbillonner çà et là, « Ah! » pense alors la maîtresse du logis,  « ma chambre n'est point aussi propre que je l'imaginais; voici de la poussière que je n'avais pas vue;» et elle se remet au travail avec une nouvelle ardeur. Faites de même, mes bien-aimés. Ne vous contentez pas d'être éclairés par le misérable lumignon de votre, propre jugement, mais ouvrez votre cœur; au brillant soleil du Saint-Esprit, afin qu'a sa vive lumière vous puissiez découvrir tous vos péchés. Souvenez-vous qu'un péché connu est un péché à moitié vaincu. Recherchez donc le grand jour, et faites en sorte qu'aucune des taches de votre âme ne reste dans l’ombre.

Observons, en outre, que celui qui désire être débarrassé du mal, ne doit pas se borner à le contenir dans certaines limites, mais qu'il doit aspirer à ce que le Saint-Esprit d'extirpe entièrement, de son cœur. Vous savez, que les simples moralistes s'efforcent de réprimer leurs passions, absolument comme on interrompt le cours d'une rivière il l'aide de digues; et, de chaussées l'eau est refoulée pendant quelque temps, il est vrai, mais elle grossit, grossit toujours jusqu'à ce qu'enfin elle déborde avec furie. Je le répète, ne vous bornez pas à comprimer, votre corruption naturelle, car, quoique vaincue en apparence, elle pourrait tout à coup éclater avec une nouvelle force; mais plutôt demandez à pieu de la tarir dans sa source. Et quoique, hélas! De ce côte-ci de la tombe, le lit de ce torrent dévastateur qui a nom le péché restera toujours; creusé dans votre âme, cependant le torrent lui-même peut être desséché, comme les eaux de l'Euphrate, devant la face de l'Eternel notre Dieu.

Un autre conseil. Lorsque vous avez commis une faute quelconque, confessez-la à Dieu tout d'abord; puis, que cette faute vous porte à vous examiner vous-mêmes et à rechercher tous vos antres manquements. Jamais David n'écrivit une confession aussi humble et aussi complète de ses transgressions qu'après sa lourde et mémorable chute (Ps, 51.). Ce fut pour lui une occasion de, sonder son cœur, et ayant reconnu à quel point ce cœur était vil, corrompu, misérable, il exhalât sentiments d'humiliation en faisant un aveu général de ses iniquités. Quand tu découvres un péché en toi, mon cher auditeur, sois sur que d'autres ne sont pas loin, car Satan n'envoie jamais ses émissaires que par bandes. Quand donc tu t'approcheras de Dieu pour lui confesser un péché spécial, n'oublie point de dérouler en même temps devant lui toutes les misères de ton âme, et tandis que tu regardes principalement à celui-ci, aie soin d'avoir aussi l'œil ouvert sur celles-là. Ne te contente pas de terrasser une convoitise ou une tentation, mais efforce-toi de blesser mortellement tous tes péchés et de les mettre en déroute.

C'est ici le lieu d'observer qu'il est certains péchés par lesquels le chrétien se laissera sûrement séduire, à moins qu'il n'ait le soin de les dépouiller de leurs déguisements. Quelquefois, le mal se présentera à vous enveloppé dans une robe de Scinhar, comme le lingot d'or dérobé par Achan: déployez cette riche enveloppe, et vous verrez l'interdit qui y était caché (Josué, 7.  1). D'autres fois, comme dans le cas du roi Saül, il se déguisera habilement en respect pour le Seigneur et en zèle pour son service; mais arrachez-lui son masque, et vous reconnaîtrez qu'aux yeux de Dieu la résistance est autant que les idoles, et la rébellion autant que le sortilège (1 Sam., 15.). Le péché fait comme Jézabel: il oint sa tête et farde son visage, afin de trouver grâce auprès de nous. Que dis-je? Il se déguise parfois en ange de lumière. Chrétien ne te laisse point prendre à ses artifices. Démasque-le, vois sa laideur, contemple sa difformité, méprise le salaire que peut-être il fait briller à tes yeux, dépouille-le de ses appas trompeurs, et lorsqu'il t'apparaîtra dans toute sa hideuse nudité, tu auras moins de peine à te défendre contre lui.

Un mot encore à mes frères en la foi. Dans vos moments de plus haute spiritualité, de plus intime communion avec Dieu, leur dirai-je, essayez de vous faire une juste idée de toute l'énormité du péché. Ce n'est point lorsque vous êtes dans un état de relâchement et d'infidélité que vous pouvez juger sainement le mal. Un plongeur pourrait avoir mille tonnes d'eau au dessus de sa tête qu'il n'en sentirait pas le poids, parce que l'eau l'environne; mais qu'il revienne à terre et qu'on lui mette seulement quelques seaux d'eau sur les épaules, et il en sera; écrasé. De même, si vous êtes, pour ainsi dire, plongés dans le péché, vous ne sauriez en sentir le poids; mais quand vous serez sortis de cet élément impur, que le sang de l'aspersion aura purifié votre âme, et que l'Esprit de sainteté vous, aura relevés de votre chute, alors efforcez-vous de réaliser le poids énorme de votre culpabilité. Cela vous aidera à haïr et à surmonter le mal.

A l'égard de péchés d'une certaine nature, le meilleur conseil que je puisse vous donner, est celui-ci: Si vous voulez les vaincre, fuyez ­les. Les convoitises de la chair, entre autres, ne doivent jamais être combattues, si ce n'est à la manière de Joseph; or, vous savez ce que fit Joseph  il s'enfuit. Un célèbre philosophe met dans la bouche de Mentor ces mots bien connus: « Fuis, fuis, Télémaque! Tu n'as d'autre salut que dans la fuite! »A mon tour, je te dirai, mon cher auditeur: Fuis, fuis ! Car dans le cas particulier qui nous occupe, la fuite est le premier des devoirs. Les vrais soldats de la croix lutteront corps à corps avec tout autre péché; mais, en présence de celui-ci, ils tournent le dos et s'enfuient, en sorte qu'ils sont plus que vainqueurs. FUYEZ la fornication (1 Cor., 6, 18.), A dit la sagesse divine. Si donc une tentation de ce genre t'assaille; ferme tes yeux; bouche tes, oreilles, et t'enfuis au plus vite; car tu ne seras en sûreté que lorsque tu seras loin.   

Enfin, vous qui aimez l'Eternel, si vous désirez être victorieux du mal, recherchez sans cesse une nouvelle onction du Saint-Esprit. Qu'un seul jour ne se passe pas, sans que, vous alliez puiser à la source des eaux vives la nouvelle mesure de grâces dont vous aurez besoin pour accomplir les devoirs de la vie active. Nous ne sommes jamais en sûreté qu'entre les mains du Seigneur. Il n'est pas un seul chrétien – si avancé qu'il soit dans la piété, ou si renommé qu'il puisse être par sa vigilance et son esprit de prière - non, je l'affirme, il n'est pas un seul chrétien dans le monde qui pût subsister un seul jour sans faire de lourdes chutes, à moins que l'Esprit de Dieu ne soit son protecteur. Un ancien écrivain a dit excellemment: « Ferme ton cœur tous les matins par la prière» et remets-en la clef à ton Père céleste, en » sorte que rien n'y puisse entrer; puis, le soir »  venu, ouvre-le, et il s'en exhalera un doux » parfum d'amour, de joie et de sainteté. »

Croyant, retiens, bien ceci: Ce n'est que par l'Esprit de Dieu que tu peux triompher du péché.

Une dernière remarque. Evitez les prédicateurs qui s'efforceraient en quelque manière d'excuser ou de pallier le mal. Evitez soigneusement aussi toute conversation et toute lecture qui tendrait à vous présenter les péchés des enfants de Dieu comme étant de peu d'importance.  Je connais de soi-disant chrétiens qui parlent de leurs chutes, de leurs infidélités, de leurs transgressions comme s'ils en étaient fiers, et qui semblent en vérité les considérer comme leurs expériences les plus bénies. Semblables à ce chien de la fable, auquel on avait mis une cloche au Cou parce, qu'il était dangereux et qui paraissait en tirer vanité, ces personnes s'enorgueillissent de ce qui est leur confusion. Les orties sont de trop partout, mais nulle part elles ne sont plus mal placées qu'au milieu d'un parterre; de même, le péché est odieux partout, mais nulle part autant que chez le chrétien. Si, en rentrant aujourd'hui dans vos demeures, vous voyiez un enfant qui s'amusât à casser les vitres à coups de pierre, assurément vous lui adresseriez des remontrances; mais si le jeune coupable était votre propre fils, n'est-il pas vrai que vous le châtieriez sévèrement, justement parce qu'il est votre fils? Ainsi agit le Seigneur à l'égard de son peuple. Quand les mondains font le mal, il les reprend; mais quand ses enfants pèchent, il les frappe. Il ne fermera jamais les yeux sur les fautes de sa propre famille; il ne les laissera point impunies. O vous qui craignez l'Eternel, gardez-vous de tolérer le péché en vous-mêmes, car Dieu, lui, ne le tolérera point. Haïssez le mal, car il le hait, lui, d'une parfaite haine.

  

J'arrive à la seconde partie de mon sujet. Si le chrétien doit haïr le péché en lui-même, il doit  aussi, avons-nous dit, le haïr CHEZ LES AUTRES.

Notez bien que je ne vous dis pas de haïr les autres, mais de haïr leurs péchés, ce qui est tout différent. Comme je me suis longuement étendu sur le premier point, je dois me borner il vous présenter sur celui-ci deux ou trois réflexions pratiques.

Et d'abord, si vous haïssez le mal chez autrui, vous ne devez jamais le traiter légèrement, encore moins avoir l'air de l'approuver. Souvent un chrétien fait plus de mal qu'il ne pense par un simple sourire. Un jeune homme a peut-être raconté devant vous quelques incidents plus ou moins scandaleux de sa vie. Vous étiez en chemin de fer ou dans un lieu public par conséquent vous ne pouviez éviter de l'entendre. Il a été fort spirituel, et vous avez souri à ses traits d'esprit. Ce jeune homme vous connaît; il sait que vous faites profession de piété; aussi pense-t-il avoir obtenu un beau triomphe: n'a-t-il pas réussi à faire rire un chrétien en lui parlant du péché? - Ou bien, vous avez entendu des incrédules tenir des propos malséants, libres, profanes. Dans le secret de votre cœur, vous en avez été révolté; ces discours ont blessé vos oreilles, mais vous êtes resté tranquillement à votre place, et les personnes présentes se sont dit entre elles: «Ah! Voilà bien ces prétendus dévots! Avez-vous vu comme il écoutait? Il ne perdait pas un mot de la conversation. Evidemment, il y prenait plaisir.» Et, sur-le-champ, on place ces entretiens déshonnêtes sous le sceau de votre approbation..... Oh! Mes frères bien-aimés, je vous en supplie, veillez sur vous-mêmes à cet égard. Où que vous soyez, conduisez-vous de manière à faire comprendre à tous que non seulement vous n'aimez pas le péché, mais que vous l'avez en horreur. Que les mondains ne disent pas simplement à votre sujet: « Ils semblent ne, pas avoir de goût pour nos entretiens et nos plaisirs, » mais qu'ils sachent positivement que vous les, détestez, que vous les haïssez, que vous n'avez ni sourire, ni indulgence pour le mal, mais seulement de l'indignation, au siècle dernier, il était de bon ton de se livrer à certains vices qu'aujourd'hui nous regardons avec dégoût, et dans cent ans, je l'espère des actes dont on n'a pas honte aujourd'hui seront flétris par l'opinion publique comme étant souverainement odieux et méprisables. Mais, en attendant, montrez que vous du moins, enfants de Dieu, vous n'excusez aucun péché et que vous ne traitez légèrement aucune violation de la loi divine.

Mais là ne se borne pas votre devoir. Lorsque vous y serez appelés (et cela peut arriver très souvent), ne manquez pas de protester ouvertement contre le mal. Un silence coupable vous fait participer en quelque mesure aux mauvaises actions des pécheurs. Si un soir, en rentrant chez moi, je voyais un malfaiteur forcer votre maison, et qu'au lieu de donner l'alarme, je m'esquivasse tout doucement, laissant le voleur exécuter en paix ses coupables desseins, ne serais-je point, en quelque sorte, complice de son crime?... De même, si vous trouvant dans une société où il se tient de mauvais discours et où l'on blasphème le nom de Christ, vous ne dites pas, un mot en faveur de votre Maître, je vous le, demande, ne commettez-vous pas un péché des plus graves, et par votre silence, ne devenez-vous pas en réalité complices des blasphémateurs? Croyants, qu'une telle lâcheté, ne soit point la vôtre. Parlez hardiment pour votre Seigneur et Maître. Peut-être le monde vous traitera-t-il de Puritains?... Mais qu'importe, je vous prie? C'est un grand et beau nom que celui-là: honneur à ceux qui le méritent! – Peut être dira-t-on que votre piété est trop rigide? Et qu'importe encore? Il est fort heureux, en vérité, qu'il y ait des chrétiens trop rigides, quand il y en a tant de trop relâchés. - Il se peut aussi que les mondains ne vous reçoivent plus dans leur société; mais tout bien compté, au lieu d'être une perte, ne serait-ce pas un grand gain pour vous? Et quand même on vous calomnierait, mes bien-aimés, quand même on vous abreuverait d'injures et d'outrages, ne savez-­vous pas que nous devons nous réjouir et tressaillir de joie lorsqu'on dira faussement contre nous toute sorte de mal, à cause du Fils de l'Homme? (Matt., 5, 44, 12.) Arrière donc toute lâche timidité!

Quand nous devons parler, parlons hardiment, et forçons le péché à rougir en notre présence.

Mais cette protestation ouverte et publique ne suffit pas; nous devons aussi, quand l'occasion s'en présente, avertir en particulier le pécheur.

On m'a raconté dernièrement un fait, bien digne de l'imitation de tous les chrétiens. Un homme pieux qui se trouvait dans un établissement public, entendit un étranger prendre le nom de Dieu en vain. Aussitôt il va l'accoster et lui demande poliment s'il pourrait lui dire quelques mots en particulier. « Certainement, » répond l'étranger; « passons dans cette salle. » Dès qu'ils furent seuls, l'homme pieux dit à l'autre: « J'ai remarqué avec peine, cher monsieur, que vous prenez le saint nom de Dieu en vain. Je suis assuré à l'avance que vous excuserez mes remarques sur ce sujet. Je n'ai pas voulu les faire en présence de témoins, mais je tiens à vous dire que c'est un grand péché de prononcer ainsi le nom du Seigneur à la légère et que certainement il ne peut vous en arriver que du mal. Ne pourriez-vous pas dorénavant renoncer à cette coupable habitude? » L'avertissement fut reçu avec reconnaissance. L'étranger remercia son interlocuteur, parla de sa première éducation qui avait été fort défectueuse, et exprima, l'espoir que cette leçon lui serait utile. - Ne pensez-vous pas, mes frères, que si nous agissions tous comme le digne chrétien dont je viens de parler, nous pourrions faire beaucoup de bien? Et, ne croyez-vous pas qu'en négligeant le devoir de la répréhension individuelle, nous laissons échapper de précieuses occasions de témoigner notre haine contre le péché? Ah! Si nous: étions plus fidèles, Satan trouverait en nous  plus rudes adversaires, et partout où nous le découvririons, nous serions trop heureux de l'assaillir de nos traits.

Mais avant tout, mes chers amis, n'oubliez pas, comme je vous l'ai déjà dit dans une, autre partie de ce discours, que si vous haïssez le mal chez les autres, vous devez prendre garde de ne point le chérir en vous-mêmes; car à quoi bon, je le demande, signaler au prochain la paille qui est dans son œil, tandis qu'on a soi-même une poutre dans le sien? Vous connaissez le vieux proverbe: « Médecin, guéris-toi toi-même. »

Commencez tout d'abord par vous guérir de vos propres infirmités, après quoi vous pourrez chercher, tant qu'il vous plaira, à guérir les infirmités d'autrui. Reprenez votre prochain, rien de mieux; mais efforcez-vous auparavant de régler votre conduite d'après la loi de l'Evangile.

Et maintenant, mes frères bien-aimés, vous tous qui aimez le Sauveur, laissez-moi vous exhorter en terminant à former contre le mal une sainte alliance et à travailler d'un commun accord au renversement de son empire. Pour cela, joignez-vous de cœur et de main à tout homme (sous quelque dénomination qu'il se range) qui hait et combat le péché. Encouragez toute société qui, d'une manière ou d'une autre, s'efforce de faire du bien. Que ce programme soit le vôtre: «Ne rien élever que Christ, ne rien abaisser que le mal. » Aidez tous ceux qui cherchent à étendre le royaume du Rédempteur. Le meilleur moyen de renverser le mal est de le remplacer par le bien: si donc vous baissez réellement le mal, prouvez-le par votre activité à faire du bien. Aidez le ministre de l'Evangile; priez pour lui; soutenez ses mains défaillantes, cherchez à le fortifier. Quant à vous-mêmes, devenez évangélistes, distributeurs de traités, ou moniteurs dans une école de dimanche. Répandez largement la Parole de Dieu au près comme au loin. Envoyez des missionnaires chez les païens, en voyez-en aussi dans les faubourgs et les ruelles de nos cités. Allez au milieu des haillons et de la misère de nos grandes villes et cherchez à relever quelque pauvre âme, précieux joyau du Seigneur, cachée peut-être dans la fange de la corruption et du vice. C'est ainsi que par votre moyen Christ triomphera, tandis que Satan sera confus. Et comment ce glorieux, ce magnifique résultat serait-il définitivement obtenu, si ce n'est par les efforts combinés de toute l'Eglise du Seigneur Jésus? Aujourd'hui, grâce a Dieu, nous ne manquons pas d'hommes en état de combattre pour le nom de Christ..... Si seulement ils voulaient combattre ! Nos Eglises augmentent dans une proportion considérable. Il y a en ce moment un nombre immense de chrétiens répandus sur tout le globe; mais pour ma part, je crois en vérité que les cent vingt disciples, réunis dans la chambre haute de Jérusalem le jour de la première Pentecôte, valaient plus, à eux seuls, que la totalité des chrétiens de nos jours! Oui, je dis ceci très sérieusement, je crois que dans ces cent vingt personnes, il y avait plus de sang divin et d'ardeur chrétienne, qu'il n'y en a chez cent vingt millions de pauvres créatures lâches et dégénérées, telles que nous. Ah! Qui nous rendra les jours bénis de la primitive Eglise! Alors chaque, chrétien était un missionnaire. Les femmes ne prêchaient pas il est vrai, mais elles faisaient mieux : elles vivaient l'Evangile. Les hommes, eux, l'annonçaient en temps et hors de temps. Ils ne se déchargeaient pas comme vous, de ce soin, sur leur conducteur spirituel, et ne se bornaient pas à servir Dieu par procuration. Ils n'établissaient pas des diacres, afin de leur laisser faire toute l'œuvre de Dieu pendant qu'eux-mêmes se croisaient les bras. Ils ne choisissaient point dans leur nombre (comme cela se pratique aujourd'hui) un ou deux combattants qu'ils plaçaient au plus fort de la mêlée, laissant les autres se reposer pendant la lutte, et puis se partager les dépouilles. Oh! Non; tous les soldats de Christ marchaient au combat; chacun faisait son devoir, et grande était la victoire. A l'oeuvre donc, chrétiens, mes frères bien-aimés! À l'œuvre en tout temps! À l'œuvre jusqu'au dernier! 0 Esprit du Dieu vivant! Viens embraser les cœurs, en sorte que tous les soldats de la croix, pleins d'un saint zèle pour ton service, s'élancent à la victoire! Quand les enfants de Sion sentiront la responsabilité qui pèse sur chacun d'eux, alors viendra pour elle le jour du triomphe. Alors les murs de Jérico s'écrouleront et à tout soldat du Dieu vivant sera donnée la couronne des vainqueurs. O vous qui aimez l'Eternel, haïssez le mal, dès maintenant et à jamais!

 

 

 

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ON NE SE JOUE POINT DE CHRIST

 

Mais eux, n'en tenant compte, s'en allèrent, l'un à sa métairie et l'autre à son trafic (Matt., 22, 5) (Lisez toute la parabole des noces: Matt., 22,1-14).

 

L'homme n'a point changé depuis les jours d'Adam. Dans sa conformation physique, il est absolument le même, comme le prouvent les squelettes humains qu'on retrouve après des siècles et qui offrent une identité parfaite avec ceux de notre époque. Son être moral n'a subi non plus que de très légères modifications, en sorte que ce qui est écrit de l'homme dans les annales du passé, pourrait s'écrire de l'homme d'aujour­d'hui. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. A  part quelques différences extérieures et superficielles, on retrouve les mêmes types, les mêmes caractères que ceux qui existaient dans les âges les plus reculés. C'est ainsi qu'il a encore des hommes exactement semblables à ceux dont le Sauveur nous a tracé le portrait dans les paroles de mon texte: ils s'en vont, l'un à sa métairie et l'autre à son trafic, ne tenant aucun compte des glorieuses réalités de l'Evangile. C'est de ce grave sujet, mes bien-aimés, que j'ai à cœur de vous entretenir aujourd'hui. A mon avis, l'indifférence pour les choses spirituelles, le mépris de Christ et de son œuvre, constitue le péché le plus énorme dont l'âme humaine puisse se rendre coupable; c'est pourquoi, dussé-je être accusé par ceux qui veulent être plus sages que la Parole écrite, d'exalter outre mesure la liberté de l'homme et de me placer sur le terrain de la légalité, je désire vous mettre en garde contre ce péché, et vous avertir, avec toute l'énergie dont je suis capable, que nul ne saurait impunément se jouer de Christ et de sa grâce.

J'ai devant moi en cet instant, je n'en saurais, douter, beaucoup d'âmes auxquelles s’appliquent les paroles de mon texte: puissé-je m'adresser, à elles d'une manière incisive et pénétrante! Et vous tous, mes frères en Jésus, qui connaissez l'art céleste de la prière, joignez-vous à moi de vous en supplie, pour demander, au Seigneur de donner efficacité à mes paroles, en sorte qu'elles puissent porter des fruits de justice, pour le salut de beaucoup d'âmes.

Relisons notre texte: Mais eux, n'en tenant compte, s'en allèrent, l'un à sa métairie, et l'autre à son trafic.

  

Et d'abord, demandons-nous DE QUOI LE PÉCHEUR NE, TIENT PAS COMPTE?

Les sujets du Roi ne tinrent compte ni de la gracieuse invitation de leur Souverain, ni du festin; qu'il avait préparé en l'honneur des noces de son fils, ni des mets délicats qui leur étaient offerts, et dont  ils se privaient volontairement. Le sens spirituel de cette parabole est aisé à découvrir. Les âmes qui ne répondent pas aux appels de Christ, qui ne profitent pas du salut accompli par lui, méprisent ouvertement le glorieux banquet de la grâce auquel Père Céleste les convie. Nous touchons, je le sais, à des questions brûlantes: puisse le Saint-Esprit être lui-même notre Guide !

Prenant la parabole pour base de nos remarques, observons en premier lieu que les pécheurs ne tiennent pas compte du messager qui vient leur dire de la part de son Maître: « Venez, car tout est prêt.» Ceux qui avaient été conviés aux noces méprisèrent les serviteurs du Roi, puisque au lieu de les suivre avec empressement, ils s'en allèrent l'un à sa métairie, et l'autre à son trafic. De même, tout homme qui néglige le grand salut apporté au monde par Jésus-Christ, méprise le ministre de l'Evangile chargé de lui annoncer ce salut: or, mes chers auditeurs, ce n'est pas là, sachez-le, une légère offense aux yeux de Dieu. Notre grande nation se considérerait à bon droit comme insulté si, l'on manquait de déférence envers l'un de ses ambassadeurs; et de même, soyez-en sûrs, le Roi du ciel se tient pour insulté chaque fois que vous traitez avec dédain les ambassadeurs qu'il vous envoie. Mais, après tout, ceci est comparativement de peu d'importance. Les ambassadeurs sont des hommes comme vous, et si vos dédains et vos injures n'atteignaient que leurs personnes, ils vous pardonneraient de grand cœur, et le mal ne serait pas grand.

Mais les invités de notre parabole méprisèrent aussi le festin. Quelques uns s'imaginèrent apparemment que les bêtes grasses et les autres mets de la table royale ne seraient pas meilleurs que les provisions qu'ils avaient chez .eux. « Bien insensés serions-nous, » se dirent-ils sans doute, « si, pour un souper, nous suspendions les affaires de notre négoce ou les travaux de nos champs! » Et toi, pécheur, quand tu négliges le grand salut de Dieu, sais tu bien ce que tu fais? Tu outrages l'Evangile du salut, tu tiens pour une chose vaine la foi qui justifie, tu fou les aux pieds le sang de Jésus, tu repousses le Saint-Esprit, tu te détournes du chemin du ciel. Promesses de l'alliance éternelle, douceurs de la communion de Christ, bien ineffables que Dieu a préparés pour ceux qui l'aiment, rassasiements de joie réservés à ceux qui, seront venus au banquet des noces de l'Agneau, rien de tout cela ne vaut dans ton estime un seul désir, un seul effort, un seul renoncement! Ah! C’est une chose grave, c'est une chose sérieuse que de se jouer ainsi de l'Evangile; car dans cette bonne Nouvelle, dans ce Testament de Dieu est concentré tout ce dont la nature humaine a besoin, tout ce que les âmes glorifiées elles-mêmes sont susceptibles de recevoir. Eh quoi? Mépriser le saint Evangile de notre grand Dieu: quelle aberration! Quel acte de démence! Méprise les étoiles que la main de l'Eternel a semées dans l'espace, et je plaindrai ta folie. Méprise cette terre, que Dieu a créée, ses belles montagnes, ses limpides ruisseaux, ses prairies verdoyantes, et je t'appellerai un pauvre insensé. Mais si tu méprises l'Evangile de Christ, si tu ne tiens aucun, compte des invitations de la grâce, en vérité, je te le dis, tu es plus insensé mille fois que ce lui qui ne saurait voir aucun éclat dans le soleil, aucun charme dans l'astre des nuits, aucune splendeur dans le firmament étoilé; Oui, foule aux pieds, si tu le veux, les magnificences de la création; mais souviens-toi, je t'en conjure, qu'en méprisant le salut de l'Evangile tu méprises le chef d' œuvre du Créateur: Ce qui a coûté plus de travail à son âme que de créer des myriades de mondes, ce qu'il n'a pu accomplir qu'au prix du sang de son Fils!   

Mais il y a plus. Les invités de la parabole ne tinrent pas compte du Fils du Roi. C'étaient ses noces qu'on célébrait, et leur refus de participer au souper était une injure adressée à celui en l'honneur duquel le souper était préparé lis n'eurent ni égard ni respect pour le Fils bien aimé du Père. Et toi, pécheur, en repoussant l'Evangile, tu te joues également du Fils du Roi; tu te joues de Christ: de ce Christ devant qui les chérubins se prosternent avec adoration, - de ce Christ aux pieds duquel l'archange lui-même considère comme un honneur de jeter sa couronne, - de ce Christ dont les louanges font retentir continuellement les voûtes des cieux,­ de ce Christ que son Père honore au-dessus de toute créature puisque Il l'appelle Dieu sur toutes choses, béni éternellement. Ah! Si c’est une chose sérieuse que de se jouer de l'Evangile, c'est une chose terrible que de se jouer de Christ! Outrage le fils d'un monarque de la terre, et tu sentiras les effets de la colère du roi; outrage le Fils du Monarque du ciel, et le Père saura bien venger sur un vermisseau tel que toi l'insulte faite à son Fils. Pour ma part, mes chers auditeurs, il me semble que c'est un péché, non pas irrémissible sans doute, mais plus monstrueux qu'on ne saurait dire, de traiter le Seigneur Jésus-Christ avec une dédaigneuse indifférence. Jésus! Cher Sauveur de mon âme, lorsque je te vois luttant en Gethsémané, suant des grumeaux de sang, je me prosterne et je m'écrie: « O divin Rédempteur, navré pour nos forfaits, se peut-il bien qu'il y ait au monde un pécheur assez vil pour ne pas tenir compte de toi? » Quand je te contemple, meurtri et sanglant, sous les fouets maudits des soldats de Pilate, je me demande: « Est-il une âme assez endurcie pour mépriser un tel Sauveur? » Et lorsque tu m'apparais sur le Calvaire, cloué au bois, mourant dans les tortures el poussant ce cri lugubre: « Eloi, Eloi, lamma sabachtani! » je me dis encore: « Est-il possible, ô sainte victime, de se jouer de ta croix !... » Hélas! Oui, cela est possible; mais malheur à ceux qui méprisent ainsi le Prince de Paix, le Fils du Roi de gloire! Oui, malheur à eux: car n'eus sent-ils commis d'autre crime que celui-là, il suffirait, à lui seul, pour attirer sur leurs têtes la condamnation éternelle. 0 contempteur de Jésus, considère tes voies, je t'en supplie, Songe que tu insultes le seul Etre qui puisse te sauver, le seul qui puisse te soutenir au milieu des flots du

Jourdain, le seul qui puisse ouvrir devant toi les portes du paradis et t'accueillir dans son ciel.

Que nul prédicateur commode, que nul diseur de choses agréables ne te persuade qu'on peut sans crime se jouer de Christ. Tremble, pécheur, tremble, te dis-je! Car, si tu ne te repens, tu seras enveloppé dans la terrible destruction réservée aux ennemis du Fils unique de Dieu.

Mais il y a plus encore. Les invités de la parabole ne tinrent pas compte du Roi qui les conviait au souper. Et toi, pécheur, quand tu refuses les invitations de la grâce, sache que tu fais injure à Dieu lui-même. Il y a dans le monde beaucoup de gens qui disent: « Nous ne croyons pas en Christ, mais nous vénérons le Dieu; créateur et conservateur de l'humanité. Nous faisons peu de cas de l'Evangile. Nous ne tenons pas, il est vrai, à être lavés dans le sang de Jésus, ni sauvés à la façon des disciples de la grâce; mais nous sommes loin de mépriser Dieu. Nous sommes déistes: notre religion est la religion naturelle. »  Ma réponse à ces hommes est celle-ci: En tant que vous niez le Fils, vous insultez le Père. Qui méprise l'enfant, méprise celui dont il est issu: qui méprise le Fils unique de Dieu, méprise l'Eternel lui-même. Hors de Christ, il n'y a point de religion digne de ce nom. Votre prétendue religion naturelle est une illusion et un mensonge. C'est le refuge de l'homme qui n'est pas assez loyal pour avouer qu'il hait Dieu; mais c'est un refuge de néant, car celui qui ne reconnaît pas en Christ le Fils de Dieu et le Sauveur des hommes, insulte le Très-Haut et se ferme la porte du ciel. On ne peut aimer le Père que par le Fils, et on ne peut rendre au Père un culte qui lui soit agréable, si ce n'est par Jésus-Christ, le grand Médiateur de la nouvelle Alliance. Vous donc qui avez méprisé l'Evangile, vous avez méprisé du même coup le Dieu de l'Evangile, Vous qui vous êtes raillés des doctrines de la Révélation, vous avez raillé l'Auteur de cette Révélation. Vous qui avez dénigré le message du salut, vous vous êtes insurgés, contre le Roi du ciel. Vos blasphèmes et vos sarcasmes ne sont pas tombés seulement sur l'Eglise de Christ: ils sont tombés sur Dieu lui-même. Oh! Souvenez vous, pauvres insensés, souvenez-vous que Dieu est un Dieu puissant, que Dieu est un Dieu jaloux! Il peut punir, il veut punir ses adversaires. Ne pas tenir compte de lui, c'est être le meurtrier de sa propre âme, c'est signer son arrêt de mort, c'est se précipiter tête baissée vers la perdition... 0 déplorable aveuglement des âmes qui vivent et meurent sans tenir compte de Dieu, et qui préfèrent leur métairie et leur trafic aux trésors de l'Evangile !

Songe aussi, je te prie, mon malheureux auditeur, qu'en ne tenant compte ni de Dieu, ni de Christ, ni de l'Evangile, tu prouves, par cela même, que les solennelles réalités du monde à venir sont pour toi comme si elles n'existaient pas. Celui qui se joue de Christ se joue de l'enfer: il croit que ses flammes ne sont qu'un mot, et ses tourments qu'une métaphore. Il se ris des larmes brûlantes qui sillonnent à jamais le visage des réprouvés; il se moque des cris et des malédictions, des pleurs et des grincements de dents: lugubre et dissonante harmonie, seule musique des âmes perdues... Ne pas tenir compte de l'enfer? Oh! N’est-ce pas le comble de la folie en même temps que le comble de l'endurcissement?

De plus, considère, pauvre pécheur, qu'en fermant l'oreille aux appels divins tu méprises le ciel: le ciel, objet des aspirations des enfants de Dieu, le ciel où règnent une gloire que n'obscurcit aucun nuage, et un bonheur que ne trouble aucun soupir ! Tu repousses avec dédain la couronne de vie; tu foules d'un pied profane les palmes du triomphe; tu tiens peu à être sauvé, peu à être glorifié. Ah! Quand tu seras en enfer, et que les verrous d’une inflexible destinés auront été tirés sur toi, alors tu trouveras qu'il n'est pas si facile de rire des peines éternelles. Et quand tu auras perdu le ciel et sa félicité; quand les chants des bienheureux, comme un écho affaibli et lointain, parviendront à ton oreille, augmentant s'il est possible ton désespoir, alors tu reconnaîtras, mais trop tard, que le ciel vaut la peine qu'on y pense... Voilà ce dont il ne tient pas compte, l'homme qui méprise la religion de l'Evangile; il méconnaît la valeur de son âme, et l'importance de sa destinée éternelle.

« Mais, » diront peut-être quelques-uns, « prédicateur, tu nous fais injure! Nous ne sommes point hostiles à la religion dé Christ; nous ne blasphémons point contre Dieu; nous respectons ses ministres; nous observons ses sabbats. » C'est possible, mes amis; je veux croire qu'il en est ainsi; mais, au nom de mon Maître, je ne vous en accuse pas moins d'avoir commis: le grand péché que nous venons d'étudier ensemble, c'est-à-dire de n'avoir tenu compte ni de Christ ni de son Evangile. Ecoutez !

 

COMMENT TÉMOIGNE-T-ON QU'ON NE TIENT PAS COMPTE DE CHRIST?

On peut le faire de bien des manières.

En premier lieu, et dans le sens le plus simple, on ne tient pas compte des choses du salut quand on assiste à la prédication de l'Evangile, mais qu'on ne l'écoute pas. Que de gens qui semblent fréquenter nos temples et nos chapelles dans le seul but de se livrer aux douceurs d'une agréable sieste! Quelle insulte envers le Roi des rois! Oseraient-ils entrer dans, le palais d'un monarque terrestre, lui demander une audience, et puis s'endormir en sa présence? Et ce qu'ils rougiraient de faire à l'égard d'un roi de la terre, ils le font, sans le moindre scrupule, quand il s'agit du Roi du ciel!  D'autres ne dorment point, il est vrai, mais ils ne font pas mieux, car ils écoutent le serviteur de Dieu avec distraction et indifférence, comme si ses paroles ne les concernaient en rien. Ce qui frappe leurs oreilles n'atteint point leurs consciences; ce qui pénètre dans leur cerveau n'arrive point jusqu'à leur cœur. Chaque fois que vous écoutez l'Evangile sans attention et sans recueillement, dites-vous bien, mes chers auditeurs, que vous vous jouez de Christ. Hélas! Que ne donneraient pas les âmes perdues pour entendre une fois encore les ap­pels de la miséricorde divine! Que ne donnerait pas ce moribond, parvenu au bord du sépulcre, pour voir luire de nouveau un de ces dimanches dont il faisait autrefois un si mauvais usage! Que ne donnerais-tu pas toi-même, pauvre pécheur, quand tu seras sur le bord du Jourdain, pour recevoir encore une invitation de la grâce, pour entendre une dernière fois le ministre de Dieu te parler d'espérance et de pardon!...

Mais quelques-uns diront peut-être qu'ils écoutent avec sérieux, quelque fois même avec émotion: Je l'admets; mais autre chose est de prêter une certaine attention à l'Evangile, autre chose est d'en tenir réellement compte. J'ai vu des hommes trembler à l'ouïe d'une puissante prédication, comme si les foudres du Sinaï eussent grondé à leurs oreilles; j'ai vu les larmes se succéder rapides, et abondantes sur, leurs visages: larmes bénies qui trahissaient les vives émotions de leurs cœurs.

Alors, tout étonné, je me suis dit à moi-même: «O merveilleux effet de la Parole de Dieu sur les âmes! » Mais il est une chose qui m'a souvent étonné plus encore que de voir pleurer, mes, auditeurs, c’est devoir avec quelle promptitude le plus grand nombre sèchent leurs larmes et les oublient... Si donc, mon frère, tu, étouffes les solennelles impressions que tu peux avoir reçues dans la maison de Dieu, sache que tu te joues de Christ et de son Evangile, tout autant que le moqueur et que l'impie. Songes-y, je t'en conjure, de peur que tes propres vêtements ne soient teints du sang de ton âme, et qu'au der nier jour il ne soit dit à ton sujet: « Tu t'es perdu toi-même, ô Israël ! »

Mais il y a des personnes qui écoutent la Parole; elles paraissent même la recevoir; mais hélas! Leur cœur est partagé. Or, quiconque ne place pas Christ au centre même de son coeur, témoigne évidemment, qu’il ne Détient pas compte de lui. Celui qui ne donne à Christ qu'un petite partie de ses affections, le méprise et l'offense, car Christ veut! Tout ou rien. Celui qui partage son coeur entre Christ et le monde, insulte Christ de la manière la plus grave, car il prouve qu'à son avis, Christ n'est pas digne d'avoir le tout. O toi, homme charnel, toi qui es à moitié religieux et à moitié profane; toi qui es quelque­! Fois sérieux, mais plus souvent frivole, qui parais quelquefois pieux, mais plus souvent mondain, homme charnel, je te le dis, tu te joues de Christ! Et toi, qui pleures le dimanche, et qui le lundi retournes à  tes péchés; toi qui fais passer le monde et ses plaisirs avant Christ et sa loi sainte, que fais-tu, je te le demande, si ce n'est outrager le Seigneur de gloire? Mes chers auditeurs, j'adjure en cet instant chacun de vous de se  demander comme en présence de Dieu: « Ne suis-je point cet  homme-là? Ai-je tenu compte de Christ? » - Quant à l'homme à  propre justice, qui prétend se mettre de compte à demi  avec le Seigneur dans la grande affaire du salut, je n'en dirai qu'un mot. Malgré toutes ses vertus de clinquant, malgré tous ses oripeaux de bonnes œuvres, je le regarde comme Je contempteur par  excellence de l'Evangile, et je dis  à tous ceux qui lui ressemblent: Tremblez! Car Dieu ne tiendra point pour innocent celui qui aura tenté d'amoindrir l'œuvre de son Fils.

On ne tient  pas compte non plus, du Seigneur Jésus quand on fait profession de piété, et que par, sa conduite on déshonore cette profession. Membres de nos Eglises, vous avez grand besoin d'être, criblés comme on crible le blé, car il y a beaucoup de balle parmi vous. Que dis-je? Il y a pis que cela, et en vérité l'on ferait trop d'honneur à certains membres de nos Eglises en les comparant à de la balle, car ils n'ont jamais eu rien de commun avec le froment: ils ne sont autre chose que de l'ivraie. Ils font partie d'une  assemblée  chrétienne comme ils feraient, partie d'une association commerciale, parce qu'ils espèrent en retirer quelque profit. Ils s'acquittent avec zèle des devoirs extérieurs de la religion afin d'être vus des hommes. Ils communient, afin de gagner la considération générale. Ils paraissent suivre Jésus-Christ, mais en réalité ils n'ont en vue que les pains et les poissons. Ah! Hypocrite, tu te joues de Christ si tu ne vois en lui qu'un moyen de t'élever dans le monde. Tu te séduis étrangement si tu t'imagines pouvoir te servir du Fils de Dieu comme d'un instrument pour améliorer ta position ou arriver à la fortune. Christ ne s’est jamais chargé de faire parvenir ses disciples ailleurs qu'au ciel. La religion est destinée à nous procurer le bonheur, non pour le temps, mais pour l'éternité; À faire du bien, non au corps, mais à l'âme. Tous ceux donc qui veulent s'en servir dans des vues; charnelles et utilitaires, ravalent honteusement l'oeuvre de Christ. Aussi, quand au dernier jour le Roi du ciel enverra ses armées pour punit ses ennemis, qui ont foulé aux pieds son autorité souveraine, seront-ils mis en pièces comme les autres.

      

Mais il est temps, mes chers auditeurs, que  nous nous posions une troisième question: POURQUOI LES INVITÉS DE LA PARABOLE NE TINRENT ILS AUCUN COMPTEDU MESSAGE DU ROI?

Ils agirent ainsi par divers motifs.

Les uns le firent par ignorance. Ils ignoraient combien le souper était exquis; ils ignoraient combien le roi était affable et le prince bienveillant; l'eussent ils su, leur conduite eût peut-être été différente. De même, il est dans le monde, il est sans doute dans cet auditoire une foule d'âmes qui ne tiennent pas compte de l'Evangile parce qu'elles ne le comprennent point. Beaucoup; de gens se moquent de la religion, mais demandez à la plupart des moqueurs ce qu'est cette religion, et vous vous apercevrez bientôt qu'ils ne savent guère plus sur la matière que l'animal qui broute dans nos champs. Ils tournent l'Evangile en ridicule simplement parce qu'ils n'en connaissent pas le premier mot: c'est un sujet au dessus de leur portée. - J'ai entendu parler d'un sot qui, chaque fois qu'on lisait du latin devant lui, riait de tout son cœur, prétendant que c'était un badinage, et que des sons aussi étranges ne pouvaient avoir aucun sens. C'est ainsi qu'agissent beaucoup d'hommes à l'égard de l'Evangile; ils ne le comprennent point, c'est pourquoi ils en rient. « Les chrétiens sont des fous, » disent-ils. Des fous? Pourquoi, cela, je vous prie?

Serait-ce parce que vous ne les comprenez pas? Seriez-vous donc assez infatués de votre propre mérite pour croire qu'en dehors de vous il ne peut y avoir ni sagesse ni science? Prenez garde! La folie pourrait bien être de votre côté. Que si, au contraire, vous me dites comme Festus à Paul : «  Ton grand savoir te met hors de sens, » je vous ferai remarquer qu'il est tout aussi facile d'être hors de sens en ne sachant rien qu'en sachant beaucoup. Je le répète: l'ignorance en matière religieuse est une des causes principales de ce mépris pour l'Evangile qui ne règne que trop dans les masses. Oh! Chers amis, si vous saviez quel bon Maître est Jésus; si vous saviez quelle douce chose est l'Evangile ; si vous compreniez que notre, Dieu est un Dieu d'amour; si vous pouviez goûter, ne fut-ce que pendant une heure, les ineffables jouissances de la vie chrétienne; si une seule des promesses divines était appliquée à votre cœur par le Saint-Esprit, oh! Alors, je l'affirme, vous tiendriez compte de l'Evangile que nous prêchons! Vous ne l'aimez pas, dites vous; mais ne l’avez-vous jamais goûté? Est-il raisonnable de mépriser le breuvage dans le quel on n'a jamais trempé ses lèvres? Il peut être plus doux qu'on ne pense. Oh! Goûtez, et voyez que l'Eternel est bon! Goûtez, et aussi vrai que vous goûterez, aussi vrai vous savourerez d'inexprimables délices! Pour ma part, j'espère beaucoup de ces pauvres âmes qui ne tiennent pas compte de l'Evangile, simplement à cause de leur ignorance. Oui, j'espère que lorsque la vérité leur sera clairement annoncée,  le Seigneur daignera dans son amour se révéler à elles. Mes bien-aimés, fuyez l'ignorance, recherchez l'instruction; souvenez-vous qu'une âme sans prudence n'est pas un bien (Prov., 19, 2.). Appliquez-vous à connaître Celui qui est la vie éternelle, et quand vous le connaîtrez, bien loin de le traiter avec indifférence ou dédain, vous le serrerez dans votre cœur comme votre plus cher trésor.

Mais probablement il y eut aussi des invités qui refusèrent de se rendre à l'appel du Roi par orgueil. «Qu'avons nous besoin du souper de ton Maître? » dirent-ils avec hauteur au messager. Entre dans nos maisons et nous te ferons voir que la bonne chère ne, nous manque pas. Regarde nos tables sont aussi bien servies que celles de qui que ce soit. N'en déplaise à Sa Majesté, elle ne saurait nous offrir des mets plus savoureux que les nôtres. Pourquoi donc irions nous chercher au dehors ce que nous avons chez nous? » Ainsi l'orgueil les empêcha d'accepter l'invitation royale. Il en est de même de quelques-uns d'entre vous. Quoi! Aller à Dieu pour être lavés de vos péchés? Mais vous n'avez jamais été souillés, dites-vous. Quoi! Accepter des offres de pardon? Mais vous n'avez rien à vous faire pardonner. Quoi! Rechercher la grâce de Dieu? Mais n'est ce pas une insulte que de parler de grâce à des hommes tels que vous?

A vous en croire, vous êtes doués d'une excellence si extraordinaire, qu'en vérité l'ange Gabriel lui-même aurait lieu de rougir en votre présence. « Allez vers l'intempérant! I1 vous écriez-vous avec dédain; « allez vers la femme de mauvaise vie! Qu'ils acceptent un salut gratuit, rien de mieux: ils en ont grand besoin; mais, pour moi, je suis un homme juste intègre, honorable. Je suis riche, je n'ai besoin, de rien (Apoc., 3, 17,). Je m'acquitte scrupuleusement de mes devoirs religieux. Parfois, il est vrai, je me permets quelques écarts, mais j'ai soin de les réparer aussitôt. Parfois mon zèle se ralentit, mais je regagne le lendemain le terrain que J'ai perdu la veille. A tout prendre, je n'ai rien à me reprocher; aussi, n'ai-je pas de doute que la porte du ciel ne soit grande ouverte pour me recevoir. » En vérité, mon cher auditeur, je ne m'étonne pas que tu méprises l'Evangile, car ses doctrines sont en complet désaccord avec les pensées de ton cœur. L'Evangile t'enseigne que tu es entièrement perdu, que tes justices mêmes ne sont que souillure, en sorte qu'il te serait tout aussi impossible de parvenir au ciel à l'aide de tes mérites que de traverser l'océan sur une feuille desséchée. Quant à te faire de tes bonnes œuvres un vêtement avec lequel tu puisses comparaître devant Dieu, autant vaudrait-il que tu te présentasses à la cour drapé dans une toile d'araignée. Pauvre âme! Je te le dis, c'est ton orgueil, ton déplorable orgueil qui fait que tu te joues de Christ. Puisse le Seigneur t'en dépouiller lui-même!  Autrement, cet orgueil, sache-le, deviendra le brandon fatal qui allumera pour toi le feu quine s'éteint point. Prends donc garde à l'orgueil, déteste-le, repousse-le de toutes tes forces. Par l'orgueil tombèrent les anges; par l'orgueil l'homme, créé à l'image de Dieu, tombera aussi dans l'abîme de perdition, réservé à ceux qui auront méprisé le Fils du Roi.

Une autre cause qui empêcha sans doute bon nombre des invités de la parabole, de tenir compte du message de leur Souverain, ce fut leur incrédulité. - « Que penser de tout ceci? » se demandèrent-ils les uns aux autres. « Quoi! Le Roi a préparé un grand souper? Franchement, c'est bien étrange. Quoi! le jeune Prince se marie? La chose est fort douteuse. Quoi! Nous sommes tous conviés à ses noces? Messager tu te moques de nous: ton histoire est incroyable! » C'est ainsi que trop d'âmes accueillent la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. «Quoi! » s'écrient ils à leur tour, « Jésus-Christ est mort pour expier les péchés des hommes? Nous ne le croyons pas. Quoi! Un ciel? Qui l'a jamais vu? Un enfer? Qui peut être sûr de son existence? Une éternité? Quelle âme ne revint jamais du monde des esprits? Quoi! La religion serait la source du bonheur? Nous affirmons, au contraire, qu'elle rend triste et morose. Quoi! Les promesses de Dieu sont pleines de douceur? Vain parlage que tout cela!

Nous croyons aux joies du monde: nous ne croyons point à celles que vous prétendez puiser aux sources de l'Evangile. » Et de la sorte, les homme repoussent dédaigneusement le salut de Dieu à cause de leur incrédulité. S'ils ajoutaient la moindre foi aux vérités que l'Ecriture nous révèle, évidemment leur conduite serait tout autre. Du moment où je serai persuadé dans mon cœur que si je meurs inconvertis je tomberai infailliblement dans l'abîme de la perdition, croyez-vous que je ne tremblerai pas, et que je ne serai pas éperdu? Dès le jour où je croirai de toute mon âme qu'il y a, un ciel préparé pour ceux qui aiment le Seigneur Jésus, pensez-vous que je pourrai donner du sommeil à mes yeux et du repos à mes paupières jusqu'à ce que j'aie pleuré parce que ce ciel n'est pas à moi? Oh! Mes amis, l'incrédulité peut vous empêcher maintenant de tenir compte de Christ, mais bientôt elle ne le pourra plus. En enfer il n'y il plus d'incrédules : il n'y a que des croyants. Beaucoup de réprouvés furent des incrédules pendant leur vie terrestre, mais ils ne le sont plus à présent .Le feu de l'enfer est trop ardent pour qu'on puisse mettre en doute sa réalité. Il serait difficile à un homme tourmenté par les flammes de nier l’existence du feu. Il serait malaisé pour le sceptique qui tremble sous le regard consumant de Jéhovah, de ne pas croire enfin qu'il y a un Dieu. Incrédules, convertissez-vous! Où plutôt, Dieu veuille lui-même chasser l'incrédulité de votre cœur, car c'est elle qui vous fait mépriser Christ; et qui méprise Christ perd son âme.

Une autre classe d'invités (et c'était peut-être la plus nombreuse), ne tinrent pas compte du souper royal, parce qu'ils étaient trop absorbés par leurs affaires. Au lieu de suivre le messager, ils s'en allèrent, qui à sa métairie et qui à son trafic. Il en est de même aujourd'hui à l'égard de l'Evangile.- On me parlait dernièrement d'un riche armateur qui reçut la visite d'un homme pieux. « Eh bien ! Mon ami, » lui dit celui-ci, « où en êtes-vous quant à votre âme? » - « Mon âme, vraiment! » s'écria l'armateur; « comme si j'avais le temps de penser à mon âme! J'ai bien assez à faire de penser à mes vaisseaux! » Une semaine environ après cet entretien, l'homme riche dut trouver le temps de mourir, Le Seigneur l'appela à comparaître devant lui, et le malheureux, nous le craignons, entendit ces solennelles paroles: Insensé, cette, même nuit ton âme te sera redemandée; et ce que tu as amassé, pour qui sera-t-il (Luc, 12, 20.)? » 0 commerçants, gens d'affaires, riches de ce monde! Combien parmi vous qui sont penchés jour après jour sur leur grand-livre, et qui ne lisent jamais la Bible? On dit que le Dieu de l'Amérique est « le tout-puissant Dollar. » Je ne sais si je me trompe, mais je crois que de ce côté de l'Atlantique, les adorateurs de Mammon ne sont pas plus rares; et que beaucoup de gens rendent mi culte assidu au tout puissant billet de banque. Le livre qu'ils portent si religieusement à la main est, non leur livre de prières, mais leur livre de comptes. Même le dimanche, il est tel de mes auditeurs, dont la piété passe cependant pour exemplaire, qui, au lieu de se rendre dans la maison de Dieu, emploient volontiers leur matinée à calculer leurs bénéfices de la semaine ou à vaquer à leurs affaires. « Prier? » Disent-ils, sinon tout haut du moins en eux-mêmes; « prier? Nous n'en avons pas le temps: il faut gagner avant tout. Quoi! Lire la Bible? Non, c'est impossible: je dois vérifier ma caisse, examiner mes livres, aller à la Bourse. Je lis, le journal, il est vrai; mais lire la Bible, je ne le puis. » - Il est vraiment bien dommage, mes chers, amis, que cet hôte inattendu qu'on appelle la mort puisse venir d'un moment à l'autre déranger tous vos calculs et tous vos projets. Si vous aviez passé un bail pour votre vie; si Dieu s'était engagé, par exemple, à vous laisser sur la terre quatre-vingt dix-huit ans à partir de tel jour, vous seriez déjà fort répréhensibles de passer la moitié de ce temps sans songer à votre âme.

Mais, considérant que vous pouvez, chaque jour.

Et à chaque heure du jour, recevoir l'ordre de déloger, et que la durée de votre vie dépend entièrement du bon plaisir de Celui qui vous l'a donnée, n'est-ce pas, je vous le demande, faire preuve d'une inqualifiable ineptie, d'une folie sans pareille que de vivre uniquement en vue des misérables intérêts de la terre? Qui pourrait dire le nombre d'âmes que le démon de la mondanité a tuées? Dieu veuille que nous ne périssions point par notre mondanité!

Il est une autre classe d'auditeurs de l'Evangile que je ne saurais mieux caractériser que par ces mots: ils sont la légèreté même. Si vous leur demandez ce qu'ils pensent de la religion, vous n'aurez pas de peine à reconnaître qu'ils n'y pensent pas du tout. Ils ne sont point hostiles à la vérité, ils ne s'en moquent pas; mais jamais il ne leur vient à l’esprit de la prendre au sérieux. Mobiles et inconstants comme le papillon, ils consument leur vie à voleter ici et là, effleurant toutes choses, ne s'arrêtant à aucune, ne faisant jamais rien ni pour eux-mêmes ni pour les autres: leur existence est une sorte de tourbillon perpétuel. Et ces personnes, il faut en convenir, sont en général d'un aimable naturel; elles souscrivent de bonne grâce aux œuvres de bienfaisance; et soit qu'on leur demande pour la construction d'une église ou pour  une fête mondaine; elles donneront volontiers leur pièce d'or. -Pour ma part, je n'hésite pas à le dire si je devais recommencer la vie, et qu'il me fût permis de choisir le caractère avec lequel je voudrais naître, le dernier que je choisirais serait celui que je viens de décrire. Je crois fermement que les natures légères et irréfléchies sont celles qui, humainement parlant, ont le moins de chances d'être sauvées. Il ne me déplaît point, je l'avoue, d'avoir affaire de temps à autre à un audacieux ennemi de l'Evangile, car son cœur est dur comme un caillou, et je sais qu'au premier choc, le puissant marteau de la Parole de Dieu peut faire voler ce caillou en éclats. Mais les personnes dont je parle semblent, en vérité, avoir un cœur de gomme élastique. Vous les touchez, et elles cèdent; vous les touchez de nouveau, et elles cèdent encore: impossible de produire sur elles la moindre impression durable. Sont-elles malades, et allez vous les visiter? Elles répondent: « Oui, » à toutes vos exhortations. Cherchez vous à leur faire sentir l'importance de la piété? Elles disent! « Oui. » Leur parlez-vous de l'enfer qui les menace, du ciel qui leur est offert? Elles disent: « Oui. » Lorsqu'elles sont mieux, les engagez-vous à se souvenir des bonnes résolutions qu'elles peuvent avoir prises sur leur lit de maladie? Elles disent: « Oui, » toujours: « Oui. » Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, leur réponse est invariablement la même. Elles écoutent le ministre de l'Evangile avec politesse et convenance, mais toastes ses paroles glissent sur leur cœur sans y laisser de trace. Essaie t-i1 d'appeler leur attention sur leur propre travers, sur leurs péchés particuliers, elles acquiescent à tout, mais ne s'appliquent rien; approuvent tout, mais restent insensibles. Ah ! e tremble pour de telles âmes. Je tremble plus pour elles, je le répète, que pour les incrédules déclarés eux-mêmes. Voici, par exemple, un rude matelot qui, de retour de ses lointains voyages, entre par curiosité dans un lieu de culte. Il a été jusqu'à présent un jureur, un blasphémateur, un impie, mais à peine l'amour de Christ lui a t il été annoncé, que le cœur, de cet homme se réveille et se brise sous l’action, puis santé de l'Esprit de Dieu. Ai côté de lui, se trouve peut-être un jeune homme qui fréquente régulièrement le culte. Il passe pour religieux; sa conduite est honnête, mais il dit en lui même: « Je sais à l'avance tout ce que le ministre va nous dire. Ma mère m'a instruit, et mon vieux père m'a fait apprendre la moitié de la Bible par cœur. Si je viens ici, je l'avoue, c'est uniquement par respect pour leurs désirs ou leur mémoire. Sans doute, la religion est bonne: elle est bonne pour les malades, les mourants et les vieilles femmes; elle est bonne pour les jours d'épreuves et les années de, choléra; mais à mon âge, on ne peut s'en occuper. J'ai du temps devant moi plus tard, j'y songerai...» Malheur à vous, âmes frivole si et insouciantes, car les incrédules et les péagers vous devancent au royaume des cieux! Je vous compare dans mon esprit à la réserve de l'ar­mée de Satan; vous êtes ses troupes d'élite, ses soldats de prédilection. Il vous ménage, il vous garde autour de sa personne. Il ne vous envoie pas, comme le blasphémateur, au fort, de la bataille; il vous dit: « Restez auprès de moi, et si l'ennemi vous menace, je vous revêtirai d'une impénétrable armure. » Aussi, les traits de l'Evangile ont beau siffler à vos oreilles; ils ont beau vous heurter et vous atteindre: aucun ne pénètre la cuirasse de votre indifférence. Votre cœur est invulnérable... ou plutôt, il est absent. Vous ressemblez à une chrysalide que l'insecte a désertée ; et quand vous venez dans la maison de Dieu, quand les sons de la Bonne Nouvelle frappent les oreilles de votre corps, vous n'en tenez aucun compte, car votre esprit est trop léger pour tenir compte de rien.

Il faut aussi que je dise quelques mots d'une autre classe de personnes, non moins insensées que les précédentes. Il y a des hommes qui se jouent de l'Evangile, par esprit de bravade, par  pure témérité. Ils ressemblent, non à l'homme bien avisé dont parle Salomon, qui prévoit le mal est se  tient caché, mais aux malavisés qui passent outre, et en souffrent le dommage (Prov., 22, 3.), Ils marchent dans une voie périlleuse et obscure; ils le savent, mais ils avancent toujours... Ici, leur pied pourra peut-être se poser: ils le posent.

Là, le terrain leur paraît sûr: ils s'y hasardent.  Plus loin un gouffre ténébreux s'ouvre devant eux: n'importe, ils font encore un pas. Et comme après ce pas ils se trouvent sains et saufs, ils ne voient pas pourquoi ils n'en tenteraient point un autre. Et comme leur sécurité a duré de longues années, ils supposent qu'elle durera toujours. Et parce qu'ils vivent encore, ils se flattent qu'ils ne mourront jamais. C'est ainsi que par une témérité qui tient du vertige, croyant tous les hommes mortels excepté eux-mêmes, ils continuent de jour, en jour, d'année en année, à jouer avec le péril et à repousser les invitations de 1a grâce; Tremblez, âmes présomptueuses! car le jour vient où vous recueillerez les fruits de votre folie.

Enfin, (chose étrange!) il est des gens qui n'apprécient pas l'Evangile, parce qu'il est à la portée de tout le monde. Il est prêché à peu prés en tous lieux. Les occasions de l'entendre, ne manquent pas. De nos jours, la Bible est largement répandue; chacun peut la lire dans, sa maison; et c'est justement parce qu'elle est à leur portée que plusieurs ne s'en soucient pas. S'il n'existait qu'un seul exemplaire de la Bible au monde, n’est-il pas vrai, mes chers amis, que vous seriez curieux de le lire? Et s'il n'y avait dans le pays que vous habitez qu'un seul ministre de l'Evangile, n'est-il pas vrai que ce ministre n'aurait pas une sinécure ,et qu'il devrait, du matin au soir, annoncer le salut à des foules avides de l'entendre? Mais, (ô inconséquence de l'esprit humain!) parce que vous avez des Bibles en abondance vous négligez de les lire; parce que les traités religieux sont si communs, vous n'en faites aucun cas; parce qu'on prêche l'Evangile de toutes parts, vous n'écoutez plus les sermons. Hé quoi! Appréciez-vous moins le soleil, parce qu'il répand au loin ses rayons? Ou le pain, parce que c'est la nourriture que Dieu donne à tous ses enfants? Ou l'eau, parce que chaque source vous procure  l'onde fraîche qui vous désaltère? Ah! Si vous aviez soif de Christ, vous vous réjouiriez de ce que son Nom est proclamé par toute la terre, et bien loin de le mépriser à cause de cela, vous l'en aimeriez davantage.

Mais eux, n'en tenant compte, s'en allèrent l'un à sa métairie et l'autre à son trafic.

Combien d'âmes ai-je en cet instant devant moi qui agissent comme les invités de la parabole? Hélas! Leur nombre est grand, sans nul doute. Avant de nous séparer, qu'elles me permettent de leur adresser un dernier avertissement.

Pécheur, qui te joues de Christ, l'heure approche, sache-le, où tu maudiras ta folie. Quand tu seras sur ton lit de mort, quand le roi des épouvantements t'aura saisi de sa main glacée et te traînera près du sombre fleuve, que deviendras-tu, je te le demande? Quand les fibres de tes yeux se briseront, quand les sueurs de la mort couvriront ton visage, que feras-tu? Souviens toi de ta dernière maladie: comme tu tremblais alors à l'idée de comparaître devant Dieu! Et lors du dernier orage, quel trouble, quelle terreur secrète agitait ton âme, tandis qu'éclair après éclair illuminait ta chambre, et que la grande voix de Dieu retentissait dans l'espace! Ah! Pauvre âme, si tu as tremblé pour si peu, que sera-ce de toi quand tu verras la mort se  dresser à ton chevet; quand tu sentiras que tu ne saurais échapper à son étreinte? Que sera-ce de toi, si tu n'as point de refuge pour t'abriter, point de Sauveur pour te protéger, point de sang expiatoire pour laver ton âme impure?.. De plus, songe, je te prie, qu'après la mort suit le jugement. Heure solennelle que celle-là, heure redoutable entre toutes, pour quiconque s'est joué de Christ! - Vois cet ange qui vole d'un bout du ciel à l'autre: ses ailes sont de flamme, et dans sa main il porte une épée à deux tranchants. O dis, esprit céleste, où se dirige ton vol rapide?...

Ecoutez!... Un son se fait entendre, son plus éclatant et plus terrible que la langue humaine ne peut l'exprimer. C'est le son de la dernière trompette! Voyez! Les morts s'élancent hors de  leurs sépulcres. Sur les nuées, apparaît un char de triomphe, traîné par des chérubins; et sur ce char est assis le Prince, le Roi... 0 dis, ange du ciel, que deviendra en ce jour terrible l'homme qui s'est joué de Christ, qui n'a point tenu compte de ses appels?.. Regardez: l'ange lève sa menaçante épée. « Comme la faucille coupe l'ivraie avec le froment, » s'écrie-t-il, « ainsi cette vaillante épée retranchera tous les ennemis de Christ. Et comme le moissonneur amasse l'ivraie et la lie en faisceaux pour être brûlée, ainsi ce bras robuste précipitera les contempteurs de l'Evangile dans ce lieu de ténèbres éternelles où le ver ne meurt point, et où le feu ne s'éteint point! »

Mes bien-aimés, je vous en supplie, prenez enfin ces choses au sérieux. Peut-être allez-vous, en sortant de ce temple, vous moquer des paroles du serviteur de Dieu, ou tout au moins les oublier... Hélas! Qu’y puis-je, si ce n’est, vous avertir encore de votre danger? Pécheur, je te le demande une dernière fois, que feras-tu au jour du jugement si tu es trouvé au nombre de ceux qui se seront joués de Christ? Que feras-tu si le juste Juge t'adresse cette terrible sentence: « Retirez-vous, maudits? » Que feras-tu si l'abîme du désespoir se referme sur ton âme, et que tu doives mêler tes gémissements aux épouvantables lamentations de la multitude des réprouvés? 0 pensées accablantes ! Se trouver en enfer, et savoir que l'on y est pour l'éternité !... Pécheur! En ce moment encore, je viens t'annoncer l'Evangile du salut. Je viens t'inviter, de la part de mon Maître, au banquet d'amour qu'il a préparé pour les fils des hommes. Entends son appel, et Dieu veuille t'accorder la grâce de le recevoir, en sorte que tu (sois sauvé! Il est écrit: Celui qui croira … (qui se confiera en Jésus) - et qui sera baptisé sera sauvé; celui qui ne croira point sera condamné (Marc, 16, 16.). Oh! Puisses-tu ne jamais connaître par expérience le sens de ce dernier mot: CONDAMNÉ!

 

 

 

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L'ADMIRABLE!

 

On appellera son nom: l'Admirable! (Esaïe. 9, 6.)

 

Il y a quelques jours à peine, je me rendis au bord de la mer. C'était le soir, et la tempête mugissait avec furie. La voix de l'Eternel était sur les eaux; et qui étais-je pour rester tranquillement chez moi, quand la voix de mon, Maître m'appelait au dehors? Je sortis donc, et, debout sur le rivage, je me tins en présence du Créateur, contemplant les sinistres lueurs de ses éclairs, et admirant la magnificence de son tonnerre. L'océan et 1a foudre semblaient se disputer la prééminence: celui-là essayait, par ses clameurs infinies, de dominer les éclats retentissants du tonnerre; mais bien au-dessus du mugissement des vagues, cette voix de Dieu se faisait entendre, parlant avec des flammes de feu et ouvrant les fontaines de l'étendue.

La nuit était sombre; de lourds nuages couvraient le ciel, et c'est à peine si l'on voyait poindre çà et là, dans les trouées que-la tempête laissait sur son passage, la timide lueur J'une étoile. Je contemplais depuis quelque temps ce magnifique spectacle, quand tout à coup j'aperçus bien loin à l'horizon une vive lumière, brillante comme de l'or. C'était la lune, qui, voilée pour nous par les nuages, laissait tomber ses rayons sur un point de la vaste mer où aucun obstacle n'interceptait sa douce clarté. En relisant hier soir le 9e chapitre d'Esaïe, j'ai pensé à cette nuit d'orage. Tout autour de lui et jusque dans les profondeurs de l'avenir, le regard inspiré de l'homme de Dieu ne rencontrait qu'obscurs nuages. Il entendait les grondements des tonnerres prophétiques; il voyait briller par avance les éclairs menaçants de la colère divine. L'histoire de l'humanité, pendant une longue suite de siècles, se déroulait devant lui, pleine de troubles et de ténèbres. Mais soudain, au fond des âges, il découvre un point lumineux, un point tout resplendissant d'une clarté qui vient du ciel.

Alors il s'assied et il écrit ces mots triomphants: Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et la lumière a relui sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre de la mort (v. 1).

Et quoique des scènes d'oppression et de violence, de tumulte et de carnage (v. 3 et 4) se pressent confusément sous les yeux du prophète, il n'en tient pas moins son regard fixé avec espérance sur ce point brillant qui illumine l'avenir, et il annonce qu'une ère de paix, de prospérité et de bénédictions se lèvera enfin sur le monde, « Car l'enfant nous est né, » s'écrie t il, « le Fils nous a été donné, et l'em­pire a été posé sur son épaule, et on appellera son nom l'Admirable! »

Mes chers auditeurs, nous vivons aujourd'hui sur les confins de ce point lumineux. Le monde a traversé de sombres tempêtes, de profondes obscurités; maintenant la lumière commence à poindre, comme paraissent au matin les premières lueurs de l'aurore. Nous marchons vers des temps plus beaux, et, sur le soir, il y aura de lumière (Zach., 14, 7). Les ombres et les ténèbres seront roulés comme un manteau dont on n'a plus besoin, et Dieu apparaîtra dans sa gloire pour régner sur son peuple. Mais, remarquez-le, mes, frères, le brillant avenir qu'entre voyait Isaïe devait être la conséquence du grand événement qu'il nous annonce par ces paroles: L'enfant nous est né, le Fils nous a été donné; et si nous-mêmes nous discernons quelque lumière, soit dans nos propres cœurs, soit dans l'histoire de l'humanité, souvenons-nous que cette lumière ne procède que de Celui-là seul dont le nom est l'Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant.

La personne dont il est parlé dans notre texte est sans nul doute le Seigneur Jésus-Christ. Au point de vue de son humaine nature, il est bien, en effet, cet enfant qui nous est né; il est né de la vierge Marie. Evidemment l'essence divine qui habitait en lui, ne pût pas naître d'une femme, car cette essence est éternelle; mais comme enfant, il naquit, comme fils de l'homme, il fut donné. - L'empire a été posé sur son épaule et on appellera son nom l'Admirable. Il y a dans le monde une infinité de personnes et de choses qui ne mérite pas le nom qu'elles portent; mais Jésus-Christ n’est point dans ce cas. Mon texte ne renferme ni panégyrique ni flatterie. Si Christ est appelé l'Admirable, c'est parce qu'il l'est Dieu le Père ne donna jamais à son Fils un nom auquel, il n'eût point droit. C'est simplement le titre, que Jésus mérite, et ceux qui le connaissent le mieux seront les premiers à proclamer que, bien loin d'exagérer sa valeur, ce titre, emprunté à notre pauvre langage humain, reste infiniment au-dessous de la glorieuse réalité. Et observez, je vous prie, mes chers auditeurs, qu'il n'est pas dit seulement que le Père lui ait décerné le nom d'Admirable; sans doute cette idée est sous-entendue dans mon texte; mais, de plus, il est affirmé qu'il sera appelé de ce nom, c'est-à-dire qu'il le sera de siècle en siècle et de génération en génération. Aujourd'hui il est appelé l'Admirable par son peuple croyant, il l'a été dans le passé, et tant que le soleil et la lune dureront (Ps. 72, 5.), il y aura des hommes, des anges et des esprits glorifiés qui réaliseront la prédiction du prophète: On appellera son nom l'Admirable.

Avant d'aller plus loin, je dois dire que le mot hébreu qu'on a traduit par admirable est susceptible de diverses interprétations. Dans d'autres passages de l'Ecriture, ce même mot a quelque fois été traduit par étonnant ou merveilleux, un savant critique allemand lui donne même le sens de miraculeux. Christ est, en effet, la merveille des merveilles, le prodige des prodiges. « Il sera appelé le Miraculeux » car il est le suprême miracle de Dieu son Père. Grand est le mystère de piété! Dieu manifesté en chair (1Tim. 3, 16.)... – On peut aussi donner à ce mot le sens de séparé, mis à part. Et Jésus-Christ occupe bien, en effet, un rang à part au milieu de l'humanité. De même que Saül dépassait de la tête tous les guerriers d’Israël (1 Sam., 10, 23.), de même Christ dominent infiniment tous les enfants d'Adam. Il a été oint d'une huile de joie au dessus de tous ses semblables; il est plus beau qu'aucun des fils des hommes; la grâce est répandue sur ses lèvres; c'est pourquoi « on appellera son nom le Séparé, l'Unique, l'Incomparable. »

Tout en reconnaissant la valeur de ces diverses interprétations, je prends mon texte tel qu'il se trouve dans nos versions les plus répandues (La version anglaise porte l'Etonnant au lieu de l'Admirable, ce qui nous a obligé de modifier légèrement certains passages de ce discours. (Note du Trad.)), et je vais essayer de vous démontrer, mes chers auditeurs, que Jésus-Christ est véritablement L'ADMIRABLE, dans le sens le plus absolu du mot. Pour cela, je n'aurai recours à aucun argument de la sagesse humaine; je me bornerai à vous rappeler très rapidement d'abord, CE QUE JÉSUS A ÉTÉ DANS LE. PASSÉ; en second lieu, CE QU'IL. EST DANS LE PRÉSENT, et enfin CE QU'IL SERA DANS L' AVENIR. CE QUE JÉSUS À ÉTÉ DANS LE PASSÉ: tel est donc le premier point sur lequel je vous invite à fixer votre attention. Recueillez vos souvenirs, mes bien-aimés, et les concentrez un moment sur la glorieuse personne de Christ Considérez, avant tout, son existence éternelle. « Engendré du Père avant tous les siècles, engendré et non pas fait, Dieu de Dieu, vrai Dieu de vrai Dieu, il est d'une même substance avec le Père (Symbole de Nicée), » son égal en toutes choses. Rappelez-vous que le faible enfant qui naquit à Bethléem n'était autre que le Roi des siècles, le Père d'éternité, qui était au commencement et qui sera jusqu'à la fin. Quel mystère, quel admirable mystère que cette éternelle existence de Christ! - Quand nous rencontrons un vieillard chargé d'années, n'est il pas vrai que nous éprouvons un mélange de respect, de curiosité et de surprise, en songeant à la longue carrière qu'il a fournie? Et s'il ouvre devant nous le riche trésor de ses, souvenirs, avec quel intérêt nous l'écoutons! - Mais qu'est-ce, après tout, que la vie du vieillard comparée à la vie du chêne séculaire qui lui prêle son ombrage! Longtemps avant que cet homme, aujourd'hui courbé par l'âge, eût ouvert les yeux à la lumière, l'arbre étalait au loin ses verdoyants rameaux. Combien d'orages n'a t il pas essuyés! Combien de rois ont paru et disparu, combien d'empires se sont écroulés depuis le temps où ce vieux chêne sommeillait encore dans le gland qui lui servit de berceau? - Mais qu'est-ce que l'arbre lui-même comparer au sol sur lequel il croît?

Quelle longue, quelle intéressante histoire ce coin de terre pourrait nous dire! Combien de vicissitudes n'a-t-il pas subies durant ces périodes diverses qui se sont succédé depuis le jour où Dieu créa tes cieux et la terre! A chaque atome de ce riche terroir, qui fournit au chêne sa nourriture, est lié peut-être quelque étonnant souvenir. - Mais qu'est-ce que l'histoire du sol, comparée - à celle de la couche de granit sur laquelle il repose, du rocher qui la soutient? Oh! Qui dira les révélations que le roc pourrait nous faire, les secrets cachés dans ses entrailles? Il existait déjà sans doute à cette époque mystérieuse où la terre était sans forme et vide, et où les ténèbres étaient sur la face de l'abîme. Peut-être a-t-il assisté à ce matin et à ce soir qui furent le premier jour, et pourrait-il nous expliquer par quelles voies inconnues le Créateur accomplit ce grand, ce sublime miracle que nous appelons le monde. -Mais qu'est ce que l'histoire du rocher, comparée à celle de la mer qui baigne sa base, de cet Océan aux impénétrables profondeurs, que tant de navires ont sillonné depuis des siècles sans laisser une seule ride sur son front d'azur? - Mais qu'est ce que l'histoire de la mer elle-même comparée à celle de ce radieux firmament, étendu, comme un pavillon, au-dessus des eaux profondes? Quelle histoire que celle de l'armée des cieux, des éternelles évolutions du soleil, de la lune et des étoiles! Qui racontera leur genèse? Qui écrira leur biographie? - Mais qu'est ce encore que l'histoire du firmament comparée à celle des anges, de ces esprits célestes qui entourent le trône de Dieu? Quel passé que le leur et quelles annales que les annales gravées dans leurs souvenirs ! Ils pourraient sans doute nous parler du jour où notre jeune terre leur apparut enveloppée dans des langes de brouillards; de ce jour à jamais mémorable où les étoiles du matin poussèrent ensemble des cris de joie, et ou tous les enfants de Dieu chantèrent en triomphe (Job, 38, 7,), parce qu'un nouveau monde venait de naître à l’Eternel. - Mais qu'est ce que l'histoire même des anges puissants en force, comparée à l'histoire de notre Seigneur Jésus-Christ? L'ange n'est que d'hier et il ne sait rien; Christ, le Verbe éternel, fait des anges ses ministres et reçoit leur adoration. Oh! Chrétiens, approchez-vous donc avec respect et un saint tremblement du trône de votre grand Rédempteur; et vous souvenant qu'il existait avant toutes choses, que toutes choses ont été faites par lui et que rien de ce qui a été fait n'a été, fait sans lui (Jean, 1,3), écriez-vous avec le prophète: On appellera son nom l'Admirable!

En second lieu, mes frères, considérez le grand fait de l'incarnation, et dites-nous si à ce point de vue également, Christ n'a pas droit à toute notre admiration. 0 prodiges inouïs! Quel spectacle s'offre à mes regards? L'Eternel, le Dieu des siècles, l'Ancien des jours, Celui dont les cheveux sont blancs comme de la laine blanche et comme la neige (Apoc., l, 14) devient un petit enfant! Est il bien vrai? Anges du ciel, n'êtes ­vous point confondus? Quoi! Cet enfant qui repose sur le sein d'une vierge, et qui se nourrit de son lait, c'est le Fils de Dieu? Oh ! Crèche de Bethléem, tu renfermes le miracle des miracles! Quand je t'ai contemplée, rien ne peut plus me surprendre. Parlez--moi du soleil et des grands phénomènes dont il est la source; décrivez-moi les cieux, l'ouvrage du Très-Haut, la lune et les étoiles qu'il a agencées: toutes les merveilles de la nature m'apparaissent comme rien, lorsque je les compare au mystère auguste de l'incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. Assurément ce fut un grand spectacle que celui de Josué ordonnant au soleil de s'arrêter sur Gabaon (Josué, 10, 12.); mais combien plus grand encore est le spectacle que nous présente le Fils de Dieu, paraissant s'arrêter, lui aussi; dans sa marche éternelle à travers les siècles, et voilant sa splendeur divine sous le nuage de notre pauvre humanité! Il y a, dans les divers domaines de la science, de ces faits étranges et inexplicables dont les meilleurs esprits sont obligés de dire, après des années de méditation: « Ce sont les hauteurs des cieux, nous ne saurions y atteindre; ce sont les profondeurs des abîmes, nous ne saurions les sonder. »

Mais tous ces problèmes, je le demande, ne ressemblent-ils pas à des jeux d'enfant, quand on les compare à la venue en chair du Fils de Dieu? Les anges eux-mêmes ne se lasseront jamais de se pencher avec extase sur cet ineffable mystère, et de redire, avec une admiration toujours croissante, la merveilleuse histoire du Fils de Dieu, qui naquit de la vierge Marie et devint le fils de l'homme. O Jésus, toi notre Dieu et notre frère, oui, tu es l’Admirable, et tu le seras jusqu'à la fin! Tout ensemble Créateur et créature, Etre infini et faible enfant, disposant de la toute-puissance et suspendu au sein d'une femme, soutenant le monde par ta force souveraine, et ayant besoin d'être soutenu par la main de ta mère; Roi des anges et fils méprisé de Marie, héritier de toutes choses et humble charpentier, ta grande figure m'apparaît environnée d'une éblouissante, d'une inimitable auréole! On appellera ton nom l'Admirable!

Mais suivez le Sauveur dans sa vie terrestre, et vous verrez combien, dans les diverses phases de cette vie de douleur, il justifie, le nom que le prophète lui décerne. N'est-il pas' admirable, en effet, quand il se soumet aux dédains et aux injures de ses ennemis? Admirable quand, jour après jour, il permet aux taureaux de Basçan de l'environner, et à l'assemblée des gens malins de le poursuivre de leur rage? Admirable quand, aux blasphèmes dirigés contre Sa  personne sacrée, il n'oppose qu'une douce et grave sérénité? Mes frères, si vous ou moi avions possédé sa toute-puissance, n'est-il pas vrai que nous eussions mille fois pulvérisé nos ennemis? Au lieu d'endurer en silence leurs insultes et leurs crachats, quel regard foudroyant n'eussions-nous pas laissé tomber sur eux, regard qui eût précipité leurs âmes dans les tourments éternels! Mais lui, il entend tout, il sait tout, et il reste maître de lui-même. A la fois digne et humble, courageux et débonnaire, Lion de la tribu de Juda, et agneau muet devant celui qui le tond, il réunit dans son individualité les traits en apparence les plus opposés. Je crois de toute la puissance de mon âme que Jésus de Nazareth est le Roi du ciel, et que pourtant il fut un homme sujet aux mêmes infirmités que moi, un homme pauvre, méprisé, persécuté, calomnié; je ne puis comprendre ce mystère, mais je le crois; ma raison est confondue, mais je bénis mon Sauveur, je l'aime, je l'adore à cause de sa condescendance infinie; je désire exalter à jamais son amour; je désire répéter avec le prophète, jusque dans les profondeurs de l'éternité: On appellera son nom l'Admirable.

Mais voyez-le mourir... Venez, ô mes frères! Enfants de Dieu, assemblez-vous autour de la croix. Voyez votre Maître. Il est là suspendu au bois maudit. - Comprenez-vous cette étonnante énigme: « Dieu a été manifesté en chair et crucifié par les hommes »? Mon Maître, mon adorable Maître, non, je ne puis comprendre comment tu courbes ta tête auguste sous le poids d'un tel supplice! Je ne puis comprendre comment tu as consenti à échanger le diadème d'étoiles qui, de toute éternité, ceignait ton front puissant contre la couronne d'épines! Je ne puis comprendre comment tu as pu te résoudre à déposer le manteau de ta gloire, le sceptre de ton empire, et surtout, oh! Surtout, comment tu as souffert qu'on te revêtît de la pourpre dérisoire, puis qu'on te dépouillât de tes vêtements, comme un vil esclave! Mais si tu es incompréhensible pour ma raison, tu es admirable pour mon cœur. Plus, grand mille fois que l'amour des femmes (2 Samuel, 1, 26.) est l'amour dont tu m'as aimé. Y eut il jamais un amour comme ton amour, une douleur comme ta douleur, un dévouement comme ton dévouement? En toi, ô mon Sauveur crucifié, je vois tout ensemble une incomparable charité qui te porta à mourir pour moi, une incomparable puissance qui te rendit capable de soutenir le poids de la colère divine, une incomparable justice qui te fit acquiescer à la volonté du Père et satisfaire pleinement à toutes les exigences de la loi, une incomparable miséricorde qui s'étend même aux plus grands des pécheurs. On appellera son nom l'Admirable.

Mais il est mort! Il est mort! Les filles de Jérusalem pleurent au pied de la croix sanglante où vient d'expirer le Fils de l'homme. Joseph d'Arimathée reçoit son corps inanimé. On l'emporte au sépulcre; on l'ensevelit dans un jardin. Qui oserait encore l'appeler Admirable? Est-ce donc là le Sauveur dès longtemps promis, le Sauveur dont les prophètes ont salué la venue avec tant de joie? Et il est mort! Soulevez ses mains: elles retombent inertes à ses côtés. Regardez ses pieds : n’y voyez-vous pas la marque des Clous? - « Où est maintenant votre prétendu Messie? » s'écrie le Juif d'un ton insultant; « où est celui que vous nommiez pompeusement l'Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant? La mort en a fait sa proie; dans quelques jours, il sentira la corruption.

Sentinelle! Sois vigilante, de peur que ses disciples n'enlèvent son corps. » - Mais attendons. Quoi qu'en dise le Juif, Dieu ne laissera point; l'âme de son Fils dans le sépulcre, et il ne permettra point que son Saint sen te la corruption. Oui, Jésus est admirable jusque dans sa mort. Ce cadavre glacé est admirable. Que le Prince de la vie, le vainqueur de Satan et de l'enfer se soit laissé lier pour un peu de temps par les cordeaux du sépulcre, c'est là peut-être, dans l'histoire de Christ, ce qui confond le plus mon intelligence. Mais voici le grand, le suprême miracle qui devait couronner tous les autres. Le triomphe de la mort ne fut que passager. Ces chaînes fatales qui retiennent captifs dans la tombe des milliers innombrables de fils et de filles d'Adam, et que nul être humain n'a jamais brisées, si ce n'est par une intervention  surnaturelle de la puissance divine, ces chaînes furent pour Jésus comme des liens d'étoupes. La mort croyait avoir terrassé notre Samson.

Elle disait: « Je le tiens en ma puissance; je lui ai coupé les tresses de sa force; sa gloire s'est évanouie; maintenant il est à moi. » Mais le Sauveur s'est ri du roi des épouvantements.

Le troisième jour, il se dégage de son étreinte et sort victorieux du sépulcre, pour s'élever en suite, triomphant et plein de gloire, vers le ciel, menant après lui une multitude de captifs et distribuant des dons aux hommes (Ephes., 4, 8.)- 0 Sauveur tout-puissant, Agneau de Dieu vivant aux siècles des siècles, je t'admire dans ta mort, je t'admire dans ta résurrection, je t'admire dans ton ascension ! Oui, toujours et partout, tu es digne d'être appelé l'Admirable!

Mais arrêtons-nous un moment, mes chers auditeurs, et recueillons nos pensées. La rapide esquisse que je viens de faire passer sous vos yeux est bien pâle, il est vrai, et bien imparfaite; mais ne sentez-vous pas cependant qu'il y a en elle quelque chose de souverainement admirable? Quelles merveilles pourriez-vous comparer à celles-ci? Peut-être vous est il parfois arrivé, lorsque vous contempliez avec ravissement quelque grand phénomène de la nature, d'entendre quelqu'un s'écrier à vos côtés: « Ceci vous étonne-t-il? J'ai vu des choses bien autrement surprenantes. » Ou, quand après une longue et pénible ascension, vous étiez enfin parvenus au sommet de l'un de ces pics sublimes qui semblent se perdre dans les nuages, et que regardant à vos pieds, vous laissiez éclater votre enthousiasme, peut-être l'un de vos compagnons a-t-il murmuré à votre oreille: « J'ai vu de plus beaux spectacles que celui-ci; des panoramas autrement vastes, autrement grandioses, sont déroulés sous mes yeux.» Mais lorsque nous parlons de Christ, nul n'a le droit de tenir un langage de ce genre. La personne et la vie de Jésus constituent, passez-moi l'expression, le point culminant de tout ce qui se peut admirer. I1 n'y a point de mystère égal à ce mystère point de prodige égal à ce prodige, point d'admiration égale à l'admiration que toute âme humaine devrait ressentir en contemplant notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu'il nous apparaît, environné des gloires du passé.

Mais il y a plus. En général, l'admiration s'use vite: c'est un sentiment fugitif et passager; c'est une fleur qui ne vit qu'un jour. Mais celle qui a Christ pour objet se distingue au contraire par son caractère permanent. Vous pouvez admirer Christ pendant soixante, ou quatre-vingts années; mais au terme de cette longue période, vous l'admirerez plus qu'au commencement. Mieux on connaît Christ, plus on l'admire Abraham l'admira sans nul doute, quand il vit son jour à travers les voiles de l'avenir; mais je ne pense pas qu'Abraham loi même pût l'admirer autant que le fait aujourd'hui le plus petit gans le royaume des cieux; et cela parce que le moindre croyant de la nouvelle alliance connaît mieux le Sauveur que ne le connaissait le patriarche, et que l'admiration pour Christ grandit en raison de la connaissance qu'on a de lui.

Observez encore, mes chers auditeurs, que l'admiration à laquelle Jésus a droit est une admiration sans réserve. Ici-bas, vous le savez, il n'est rien qui ne présente un côté faible, vulgaire, défectueux; les plus nobles âmes, comme les plus belles productions des arts ou des sciences, ont leurs imperfections et leurs taches. Mais en Christ, tout est grand, tout est parfait, tout commande l'étonnement et l'admiration. Sous quelque aspect qu'on l'envisage, il est l'Admirable, et il l'est dans un sens unique, exceptionnel, absolu. ­

De plus, on peut dire de l'admiration dont Jésus est l'objet qu'elle est universelle, en ce sens qu'elle n'est circonscrite à aucune classe, aucune catégorie de personnes. On nous répète souvent, il est vrai, que la religion de Christ n'est bonne que pour les vieilles femmes et pour les ignorants. Je reçus un jour un singulier compliment au sujet de mon genre de prédication. On me dit (avec une intention peu bienveillante, cela va sans dire) que mes sermons conviendraient parfaitement à une assemblée de noirs. –« Dans ce cas,» répondis-je, « je ne doute pas qu'ils ne conviennent aussi aux blancs; car entre les blancs et les noirs il n'y a qu'une différence de peau; or, je ne prêche pas à la peau des gens, mais à leurs cœurs. » Et ce que je disais de moi-même, je puis le dire avec bien plus de raison de mon  adorable Maître : il s'adresse à tous indistinctement, parce qu'il s'adresse avant tout au coeur. Qu'on ne nous dise donc plus que Jésus-Christ n'est admiré que par les femmes, les petits esprits et les moribonds: les plus nobles intelligences, les plus grands génies eux-mêmes se sont inclinés devant lui. Au pied de sa croix, les Locke et les Newton ont reconnu qu'ils, n'étaient que des enfants. Il est certaines; natures qu'il est fort difficile d'émouvoir. Les profonds penseurs et les rigides mathématiciens sont de ce nombre; ils ne se laissent pas souvent, dominer par l'étonnement ou l'enthousiasme. Et pourtant on a vu de tels hommes se prosterner jusque dans la poussière, en confessant que la grande figure de Christ les avait plongés dans une religieuse extase, dans une solennelle admiration. On appellera son nom l'Admirable.

  

Mais j'ai hâte d'arriver à mon second, point. Si Jésus-Christ, comme nous venons de le voir justifie le titre d'Admirable parce qu'il a  été dans le passé, le justifie t il par ce QU'IL EST DANS LE PRÉSENT? Telle, est la question que nous allons examiner. Seulement, comme ce sujet est aussi complexe qu'immense, je ne l'aborderai que, sous une seule de ses faces, et me Plaçant sur le terrain de l'expérience personnelle, je, me bornerai à demander à chacun de vous mes bien-aimés: « Jésus est-il Admirable pour votre âme? »

A ce sujet, souffrez que je vous raconte une page de ma vie intime, et, en décrivant ce qui s'est passé en moi, je suis assuré que je décrirai aussi en quelque mesure, ce qu'ont éprouvé tous les enfants de Dieu. Il fut un temps où je n'admirais pas Christ. J'entendais, louer ses charmes, mais je ne les avais point vus; j'en tendais exalter sa puissance, mais je ne la connaissais point; tout ce qu'on me disait de lui était pour moi comme le récit de ce qui se serait passé dans un pays éloigné je n'y prenais aucun, plaisir. Mais voici qu'un jour un personnage à l'aspect sinistre et menaçant frappa à ma porte. Je m'empressai d'en tirer les verrous, puis je la tins de toutes mes forces. Peines inutiles! L'étranger frappe à coups redoublés jusqu'à ce  qu'enfin la porte cède. Il entre, et m'appelant d'une voix sévère, il me dit: « Je suis porteur d'un message pour toi de la part de Dieu ; je viens te dire: tu es condamné à cause de tes péchés. ».Je le regardai avec étonnement et lui demandai son nom. « Je m'appelle La Loi, » me répondit-il; ce qu'ayant ouï, je tombai à ses pieds, comme mort. Quand j'étais sans la loi, je vivais, mais quand le commandement est venu, le péché a commencé à revivre, et moi je suis mort (Rom., 7, 9.). Mon sombre visiteur commença alors à me frapper. Il me frappa si impitoyablement, que tous mes os en furent meurtris. Mon cœur se fondit comme de la cire; il me sembla que j'étais étendu sur un chevalet, qu'on me brisait tous les membres, qu'on me labourait les chairs avec un fer rouge. Une inexprimable angoisse régnait au dedans de moi. Je n'osais lever les yeux; cependant, je me disais: « Tout espoir n'est pas perdu. Le Dieu que j'ai offensé se laissera peut-être fléchir par mes larmes et mes bonnes résolutions. Mais chaque fois que cette pensée traversait mon esprit, les coups de mon ennemi redoublaient de violence. Enfin mes souffrances devinrent intolérables, et le désespoir, s’empara de âme.

Il me sembla que d'épaisses ténèbres m’enveloppaient de leurs ombres, et que des voix lugubres, des pleurs et des grincements de dents parvenaient à mon oreille. «, C’en est fait! » pensai-je alors; « le Seigneur m'a rejeté pour toujours; je suis en abomination, devant ses yeux; il m’a foulé les, pieds dans sa juste colère... » Mais soudain une autre figure m'apparut, figure triste et douloureuse, mais où se peignait une tendre compassion. Je la vis se pencher sur moi, et j'entendis ces douces paroles: « Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et Christ t'éclairera (Ephes., 5.14.). » Je me levai tout surpris; alors, me prenant par la main, l'inconnu me mena dans un lieu sombre, où s'élevait une croix; puis il disparut de devant mes yeux. Mais, ô surprise ! Je le revis un instant après, je le revis, attaché à la croix! Oui, c'était bien lui dont le sang ruisselait sur l'arbre maudit... Il fixa sur moi un regard si plein d'un ineffable amour, que mon cœur en fut comme transpercé. Je le regardai à mon tour, et au même moment toutes les plaies de mon âme furent guéries. Mes blessures furent cicatrisées, les os brisés se réjouirent; les haillons dont j'étais couvert furent enlevés; mon âme devint aussi pure que les neiges immaculées des lointaines régions du Nord; mon esprit éclatait en chants de louange, car j'étais lave, purifié, pardonné, sauvé! Oh! Combien j'admirai l'amour de Celui qui s'était ainsi immole pour les pauvres: pécheurs! Combien sa grâce me parut merveilleuse! Et ce qui me confondait plus que tout le reste, c'est que cette grâce se fût étendue jusqu'à moi; c'est que mon céleste Ami eût été capable d'effacer des péchés aussi nombreux, des crimes aussi noirs que les miens; c'est qu'aux orages d'une conscience accusatrice il eût fait succéder dans mon sein une paix sans mélange, et que mon âme, troublée jusque-là comme une mer en tourmente, fût devenue tout à coup aussi tranquille que la surface d'un lac, dont aucun souffle ne vient rider le limpide miroir. - Ce fut alors que pour la première fois Jésus m'apparut comme l'Admirable. - Frères et sœurs qui m'écoutez, vous qui avez éprouvé quelque chose de pareil à ce que je viens de décrire, rappelez vos souvenirs et dites si, à cette heure bénie où Jésus vous fit entendre une parole de pardon, vos cœurs ne furent pas, comme le mien, transportés d'étonnement et d'un saint enthousiasme ?

Et depuis lors, mes bien-aimés, que de fois votre Sauveur ne s'est-il pas montré admirable envers vous? Vous avez eu à traverser des jours de tristesse, de maladie et de deuil; mais vos souffrances ont été légères, car Jésus s'est tenu au chevet de votre lit de douleur; vos soucis ont été calmés, car vous avez pu vous en décharger sur lui. L'épreuve qui menaçait de vous accabler n'a servi qu'à vous rapprocher du ciel, et vous vous êtes écriés: « Qu'il est admirable Celui qui a pu répandre dans mon cœur une telle paix, une telle joie, de telles consolations! » Permettez-moi de vous faire part encore de mes expériences personnelles. Il y a quelques années, je fus appelé à boire une coupe plus amère que je ne saurais dire. Le seul souvenir des angoisses intérieures auxquelles je fus alors en butte me glace d'épouvante... Jamais personne ne vit peut-être d'aussi près que moi la brûlante fournaise de la démence sans y laisser sa raison... Il me semblait que je marchais au milieu des flammes. Une multitude de pensées affreuses torturait mon cerveau. Je n'osais regarder vers Dieu, car la prière, qui jusque-là avait été mon refuge dans la détresse, ne faisait qu'augmenter ma souffrance. Jamais je n'oublierai le moment où la paix me fut rendue. Je me promenais, rêveur et solitaire, dans le jardin d'un ami, méditant tristement sur mes douleurs, et me disant que mon fardeau était plus lourd que je ne pouvais le porter, quand tout d'un coup le nom de Jésus traversa mon esprit. Je m'arrêtai La personne de Christ se présenta vivante aux yeux de ma foi. Au même instant, les torrents de lave qui bouillonnaient dans mon âme se refroidirent. Mes angoisses furent apaisées. Je me prosternai dans la poussière, et ce jardin qui m'avait paru un Gethsémané devint pour moi un paradis. Je ne pouvais me lasser d'admirer la puissance du nom de Jésus. Deux choses me surprenaient surtout: la première, c'était la miséricorde de mon Maître envers moi, la seconde, mon ingratitude envers lui.

Aussi puis-je dire qu'à dater de ce jour j'ai mieux compris tout ce qu'il y a en lui d'admirable, et je suis heureux de déclarer publiquement ce qu'il a fait pour mon âme.

Et à vous de même, frères et sœurs, n'en doutez pas, Jésus se manifestera comme l'Admirable, aux jours de vos tribulations et de vos douleurs. Pareilles à la sombre feuille de métal que le joaillier place sous le diamant afin d'en rehausser l'éclat, vos épreuves sont destinées par le Seigneur à faire ressortir le glorieux éclat de son nom. Vous ne connaîtriez jamais les choses magnifiques de Dieu, si vous ne descendiez dans les bas-fonds de l'adversité.

Vous vous souvenez des paroles du Psalmiste:

Ceux qui descendent dans la mer, sur les navires, et qui font commerce sur les grandes eaux, voient les œuvres de l'Eternel et ses merveilles dans les lieux profonds (Ps. 107). Ces paroles sont aussi vraies; dans un sens spirituel que dans le sens littéral.

Oui, c'est dans les lieux profonds que nous voyons le mieux les trésors de la sagesse et de l'amour divins; c'est dans les grandes eaux de la souffrance que le fidèle reconnaît combien Jésus est admirable et puissant à sauver.

Un mot encore avant de quitter cette partie de mon sujet. - Il est des moments où l'enfant de Dieu peut s'écrier avec ravissement: « Oui, le nom de Jésus est admirable, car ce nom m'a transporté, pour ainsi dire, au milieu des réalités du monde invisible. » (Je vous plains, mes bien-aimés, si vous ne connaissez rien de ces joies extatiques que je vais essayer de décrire.) Il est des moments où il semble au chrétien que les mille charmes de la vie présente n'exercent plus aucun empire sur lui: libre et heureux, il déploie ses ailes et prend son essor vers les cieux. Il monte, il monte toujours, et bientôt les douleurs de la terre ne lui apparaissent plus que comme un point à l'horizon. Il monte encore, et les joies de la terre s'évanouissent à leur tour à ses regards; il plane au-dessus d'elles, comme l'aigle qui vole à la rencontre du soleil plane au-dessus des plus hautes cimes. L'image de son, Sauveur brille devant ses yeux, et vers cette vision ineffable tendent tous, ses désirs. Jésus remplit son cœur tout entier; son âme le contemple, et le nuage qui voilait pour lui la face de son Maître semble dissipé. Alors le chrétien peut s'écrier avec saint Paul: « Si c'est en mon corps ou sans mon corps, je ne sais, Dieu le sait! Mais je suis ravi jusqu'au troisième ciel (2 Cor., 12, 2-4.). » ­Et qu'est-ce qui a produit ce ravissement? Est-ce le son de la flûte, de la harpe, de la sambuque, du psaltérion et de toute sorte de musique (Dan., 3, 3, etc.)? Non. Qu'est-ce donc? Seraient-ce les richesses, la renommée, les honneurs, les enivrements de la prospérité? Pas davantage. Serait-ce une brillante intelligence, une imagination vive? Non plus. Ces heures d'extase ont été causées uniquement par le nom de Jésus. Ce seul nom a la vertu de transporter l'âme chrétienne à des hauteurs de béatitude, voisines de ces régions fortunées où les anges jouissent d'une félicité sans nuage.

  

On appellera son nom l'Admirable. Quel thème inépuisable que ces paroles du prophète! Mais le temps me pressé, et je dois, ayant de terminer, considérer mon texte à un troisième point de vue. CHRIST SERA APPELÉ L'ADMIRABLE DANS L’AVENIR: telle est, mes chers auditeurs, la solennelle vérité sur laquelle je désire appeler, pendant quelques instants, votre attention.

- Le grand jour est venu, le jour de la colère, le jour de la justice. Le temps n'est plus. Le dernier siècle, comme la dernière colonne d'un temple qui s'écroule, vient de tomber avec fracas. L'horloge de l'humanité va frapper son dernier coup... C'en est fait ! L'heure est venue où les choses visibles doivent disparaître. Je vois les entrailles de la terre qui s'ébranlent. Les tertres des cimetières rendent les morts, qui sommeillaient sous leur gazon. Les champs de bataille, engraissés par le sang humain, ne sont plus revêtus, d'opulentes moissons; une moisson d'un autre genre les couvre: une grande multitude s'élance de leur sein. L'océan lui-même, semblable à une mère féconde, enfante à une nouvelle vie ceux qu'il avait engloutis dans ses flots. L'humanité tout entière est debout devant Dieu. Pécheurs! Vous êtes sortis de vos tombeaux. Les piliers des cieux chancellent; le firmament s'affaisse; le soleil, cet œil de l'univers, roule dans son orbite comme l'œil d'un insensé, et ne jette plus que de  sinistres lueurs; la lune est changée en sang.

Des signes et des prodiges, tels que l'imagination ne peut les concevoir, frappent, d'épouvante le cœur des hommes. Soudain, sur une nuée, apparaît quelqu'un semblable au Fils de l'homme. Pécheurs! Essayez de vous représenter votre consternation à cette vue. Où es-tu, Voltaire? Tu as dit : « Ecrasons l'infâme! » Viens et l’écrase, maintenant. « Ah! » répond Voltaire, «je ne savais pas qui j'insultais » ... Et toi, Judas, avance donc! Viens imprimer sur sa joue un baiser de traître. «  Ah! »)Répond Judas, «je ne savais pas qui je baisais. Je pensais baiser le fils de Marie et non le Fils du Dieu tout-puissant. »- Approchez, aussi, ô vous, princes et rois de la terre, qui avez consulté ensemble contre l'Eternel et contre, son Oint, disant: «Rompons leurs tiens et jetons loin de nous leurs cordes (Ps. 11, 3.).» Consultez-vous maintenant contre lui et foulez, aux pieds ses lois!... Oh! Mes chers auditeurs, essayez de vous représenter l'indicible, mélange d'admiration de surprise et d'effroi qui saisira les incrédules, les sociniens, les indifférents, les formalistes, quand ils verront Jésus de leurs yeux, quand il seront témoins de sa gloire.

« Tu es véritablement, l'Admirable! » s'écrieront ils en se frappant la poitrine; « honte: à nous qui t'avons méconnu, Rochers! Tombez sur nous et cachez-nous de devant la face de l'Agneau. » Mais Jésus leur dira: « Vous avez cru que j'étais semblable à l'un de vous, et vous n'avez pas voulu me recevoir comme votre Roi; maintenant, je suis venu dans la gloire de mon Père, pour juger les vivants et les morts. »

Un jour, Pharaon conduisit son armée au milieu de la mer Rouge. Le chemin était sec, et des deux côtés s'élevaient, ainsi qu'une paroi d'albâtre, les eaux claires et étincelantes. On eût dit, qu'un souffle glacial, passant sur la mer, en avait cristallisé la surface. L'armée de Pharaon s'avance dans cet étrange défilé; mais qui dira la stupeur et l'épouvante de cette multitude, lorsqu'elle vit ces murailles d'eau s'abattre sur elle pour l'engloutir? Tel, et plus grand encore, sera votre désespoir, ô pécheurs, lorsque ce Christ que vous méprisez aujourd'hui, ce Christ que vous repoussez comme Sauveur, ce Christ dont vous ne lisez point la Parole, dont vous profanez les sabbats, dont vous rejetez l'Evangile, lorsque ce Christ apparaîtra dans la gloire de son Père et tous ses saints anges avec lui. Alors vous reconnaîtrez qu'il est l'Admirable; mais vous le reconnaîtrez en pâlissant d'effroi, vous le reconnaîtrez à votre éternelle confusion.

Mais il y aura peut-être, au jour du jugement, quelque chose de plus étonnant encore que la condamnation des pécheurs. Regardez là-bas. Tout est paisible, calme, serein. Quel contraste avec les scènes lugubres que nous venons de contempler! Au lieu de gémissements, de lamentations, de cris de terreur, nous entendons une suave harmonie. Quelle est cette multitude que personne ne saurait compter? Ce sont les rachetés de l'Agneau. Voyez-les: ils s'assemblent autour du trône. Ce même trône qui vomit la mort, et la destruction sur les impies devient le centre de la lumière et du bonheur des élus. Des chants de triomphe et non des cris d'épouvante sortent de leurs bouches. La joie et non la terreur se peint sur leurs visages. Les voyez-vous qui s'avancent, vêtus de longues robes blanches et portant des palmes à la main? Les entendez-vous qui s'écrient: « Saint, saint, saint est l'Eternel, Dieu des armées! Seigneur, tu es digne de recevoir la gloire, l'honneur et la puissance, car tu as été immolé et tu nous as rachetés à Dieu par ton sang (Apoc 4; 5.)? » Ah! Pour eux aussi, pour eux surtout, Jésus est l'Admirable; mais c'est avec transport, avec extase, avec amour, qu'ils le proclament tel, et non point comme les autres avec regret et avec effroi. Saints du Seigneur! Vous connaîtrez pleinement les merveilles de son nom, quand vous le verrez tel qu'il est, et que vous serez rendus semblables à lui, au jour de son avènement. 0 mon âme, réjouis-toi d'une allégresse éternelle, car le triomphe de ton Rédempteur sera aussi le tien. Je suis indigne, il est vrai; je suis le premier des pécheurs et le moindre de tous les saints; toutefois, mon œil le verra et non point un autre. Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'il demeurera le dernier sur la terre, et qu’après que ma peau aura été détruite, je verrai Dieu de ma chair (Job, 19, 25-27.)!

0 vous tous, enfants de Dieu, tressaillez de joie, car votre délivrance approche. Vierges, tenez vous prêtes! Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Voici l'Epoux qui vient; sortez au-devant de lui. Il vient, - Il vient, ­Il vient! Et tout œil le verra; et lorsque vous irez à sa rencontre, vous répéterez avec transport: « Oui, Seigneur Jésus, tu es l'ADMIRABLE, et tu le seras d'éternité en éternité. Alléluia! Alléluia! Alléluia! »

 

FIN

 

 

 

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